Une
génération
La nuit noire m’a donné des yeux noirs
Moi je m’en sers pour chercher la lumière
Toi et moi
Tu serais rêve
Je serai vent
Le proche et le
lointain
Toi,
qui tour à tour me regardes,
regardes les nuages,
je te sens,
quand tu me regardes, si lointain,
quand tu regardes les nuages, si proche
Adieu
Au printemps
Tu agites doucement un mouchoir
Pour me faire partir au loin
Ou revenir bientôt ?
Non rien de tout cela
Sans aucune raison
Comme la fleur tombe à l’eau
Comme la rosée sur la fleur …
Seule l’ombre peut comprendre
Ou le vent s’en faire une idée
Seuls les papillons qu’un soupir effarouche
Voltigent encore entre les cœurs …
Fin
Un instant ________________
L’éboulement s’est arrêté
Sur la rive s’amoncellent des crânes de géants
Des jonques en deuil
Passent avec lenteur
Déploient leur sombre linceul jaune
Tant de beaux arbres verts
Au corps tordu par la douleur
Sèchent les larmes des braves
Une lune tronquée
Est cachée par Dieu dans l’épaisse brume
Tout est fini déjà
La terre est
courbe
La terre est courbe
qui te cache à mon regard
je n’aperçois que le ciel bleu
de ton cœur dans le lointain
est-ce du bleu ? Du vrai bleu
le bleu même du langage
j’aimerais apporter la joie au monde
mais les sourires se figent sur les lèvres
qu’on me donne plutôt un nuage
pour effacer les clairs moments
viennent les larmes à mes yeux
vienne le sommeil à mon soleil
Les formes du vent
Pour lui
les formes du vent
se souviennent des feuilles
amoureuses morsures
partout
partout crépite
la pluie
se replier sans cesse
écouter
les ébats
des gyrins
un mariage le matin
les morsures partagées
blancheur blancheur de neige
emportée par le vent
il se lève
et voit
la jeune épousée
Peut-être
suis-je aveugle …
Peut-être suis-je aveugle
Je ne peux que vous toucher
par ma voix
Ouvrir le poème comme la paume d’une main
Le tendre vers vous
Ô frères sur la rive mienne du Pacifique
De couleur rouge, de couleur claire, bleue, noire
Fleurs qui se mettent à pleurer sur la rive mienne
du Pacifique
Cette voix a traversé un vide infini
Je vous donne le couteau …
Je vous donne le couteau
À vous qui m’avez
assassiné
Comme la fleur cache bien ses épines
Car j’ai aimé
Le temps des parfums
Les nains les
nains des troupes de nains
tournent
Un cœur de nain
Car je travaille sur la rive
Le peuplier a résonné jusqu’à la fin
Graver encore quelques motifs, encore quelques-uns
Toujours attendre
Le meurtrier
Aime
Apporter une mort resplendissante
Lit tombe
Je sais que la disparition est proche, je n’en suis pas triste
Dans la forêt de pins sont placés mes espoirs
En dessous il y a la mer, de loin on dirait un étang
Ce peu, là avec moi, c’est la lumière de l’après-midi
Le temps de l’homme est accompli, ce monde s’éternise
Je dois me reposer dans l’entre-deux
Selon les passants les branches se sont abaissées
Selon les passants les branches continuent de pousser
Bruit
de fenêtre qui s’ouvre …
Bruit de fenêtre qui s’ouvre
Entends-tu
Au loin la mer
Le bateau vernissé
Est affalé sur la dune
Au loin la mer bleue
Écoute
Le bruit le plus ténu est celui de la mer
Le bateau est affalé sur la dune
Au loin un pan de bleu
Extraits de Anthologie
de la poésie chinoise,
Pléiade, 2015 (n° 602).
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