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ANNONCES DE PARUTION :

 

OCTOBRE – DÉCEMBRE 2024

 

Recueils / Revues

 

Recueils

Éric Chassefière, Garder vivante la flamme du poème. Sémaphore, octobre 2024 (135 p., 14 €)

« Ce recueil est une quête de soi, une quête existentielle, bien loin de la notion obsolète d’inspiration qui vient à manquer. » (Extrait de la préface d’Annie Briet)

 

Eva-Maria Berg, Apprendre à respirer. L’Atelier des Noyers, octobre 2024 (58 p., 14 €)

Bilingue allemand-français (traduction : Eva-Maria Berg et Olivier Delbard), avec des œuvres de la plasticienne Colette Ottmann (15 €)

 

Odile Vié-David, Le chant des larmes. Hello éditions, octobre 2024 (58 p., 14 €)

 

Nathalie Lescop-Boeswillwald, Libre et debout ! Trente ans en terre éditoriale. Éditions Les Amis de Thalie, octobre 2024 (178 p., 22 €)mis

Ce volume contient les éditoriaux de l’autrice pendant trente ans de parution de la revue Les Amis de Thalie. Voir une citation significative extraite du volume à notre rubrique Boules de Noël 2024.

 

Les éditions du Cygne (directeur et fondateur : Patrice Kanozsai) :

Sophie Brassard, Geste de toile (novembre 2024, 50 p., 12 €)

Anna Maria Mickiewicz, Sur le mystère du temps (octobre 2024, 50 p., 12 €)

Sara Mostrel, Gris de peine. Avec les dessins de l’autrice. Préface Maggy De Coster (septembre 2024, 60 p., 12 €). Voir notre note de lecture dans ce même numéro.

Béatrice Pailler, D’un pas de luciole (septembre 2024, 58 p., 12 €)

 

Les éditions Traversées (directeur de publication : Patrice Breno) :

Alexandra Shahrezaie, L’orage Vénitien (octobre 2024)

Muriel Carminati, Sur les traces de Sintra (septembre 2024)

Nathalie Roumanès, Tremor cordis (décembre 2023)

Patrick Hellin, Terres levées (septembre 2023)

 

Les éditions Unicité (directeur : François Mocaër) :

Bruno Mabille, Il a plu et tout luit (décembre 2024, 180 p., 16 €)

Étienne Orsini, La brasse coulée de la mésange (décembre 2024, 76 p., 13 €)

Poésie en liberté 2024-2023 (concours international de poésie des jeunes, coordonnateur Matthias Vincenot, poète, directeur artistique et président de Poésie en liberté ; novembre 2024, 270 p., 16 €)

Hafid Gafaïti, Le baptême d’Ulysse (octobre 2024, 78 p., 13 €)

 

Les éditions L’Harmattan (collection Accent tonique, dirigée par Nicole Barrière) :

Alexandra Nicod, Dégel. Traduit de l’espagnol par Nicole Barrière et Alexandra Nicod. Prologue par John Hemingway (novembre 2024, 84 p., 12 €)

Tigran Yégavian, Double présence (novembre 2024, 84 p., 12 €)

Sylvain Josserand, C’est un souffle (octobre 2024, 144 p., 15 €)

Aura Christi, Les anges se faisaient automne. Traduit du roumain par Claudiu Soare (septembre 2024, 124 p., 14 €)

 

 

Revues

 

Poésie/première n° 90 – décembre 2024

Le numéro 90 de la revue s’interroge sur l’absence à l’aide de Gérard Mottet qui ouvre le bal en soutenant l’idée que l’absence, thème majeur en poésie, n’est compensée que par l’agir poétique, pure consolation face au manque car le poème est présent donc présence au moment où le poème se crée et au moment de la lecture du poème. Jean-Louis Bernard nous offre « Deux brèves méditations sur l’absence » en réfléchissant d’une part au « vide » car, dit-il, « toute écriture poétique … ne peut que passer par la symbiose aussi parfaite que possible entre le vide et les mots » à l’instar de la musique qui ne peut s’adosser qu’au silence pour advenir. Son autre texte évoque la « perte », la poésie recueillant le perdu comme perte dans sa relation au temps, mais ce sentiment de perte a pour corollaire l’activation de la mémoire et dès lors « C’est ainsi la perte qui nous aide le mieux à nous souvenir. ».  Alain Duault fait de l’absence le déclic qui permet au poète de « creuser la langue obscure, cette nuit en nous qui n’avoue pas, pour tenter d’approcher la beauté. » Ce qui est absent ou s’absente déclenche chez le poète le besoin de fixer l’insaisissable et de même que l’absence fuit encore et encore, la beauté se déploie en se dérobant, quête infatigable car « L’ab-sens de la poésie est ce qui lui donne son essence. ». 

La « petite rêverie » de Marie-Line Jacquet nous convie à associer le parfum à l’absence. Tout son questionnement tourne autour du sensoriel qui ravive les souvenirs et fait surgir, comme chez Proust, tout un pan de vie disparu et du spirituel qui fait du parfum une mystique et une poétique. Le parfum devient métaphore de la réversibilité de la présence en absence et vice-versa. Pierre Perrin, comme Marie-Line Jacquet utilise un « je » de confidence dans son article intitulé « La poésie : absence et contre-absence ». Il déplore l’absence de la poésie elle-même dans la sphère intellectuelle et artistique ; il déplore le rejet symptomatique de sa diffusion. En ce sens le poète qui contre vents et marées, malgré le dénigrement, continue de faire œuvre poétique, érige en résistant une « contre-absence ». Cependant, Pierre Perrin pense que si les poètes sont négligés c’est en partie leur faute car ils ne sont plus exigeants et ont un imaginaire pauvre, sans intérêt et éculé. L’absence devient « L’absent » pour un hommage à Frédéric Tison précédé de poèmes de lui sur l’absence ; Rémi Madar offre une critique du recueil Les Ailes basses, critique qui lui permet de mettre en évidence les contradictions du poète « Entre sensualité et spiritualité », croyance et doute. Élisabeth Beyrie-Soulassol analyse L’amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit d’André Velter et sa réaction en tant que poète face au deuil. Avec ma tentative d’analyse des Promesses du chant de France Burghelle Rey, je mets l’accent sur l’absence suffocante que subit l’amoureuse éloignée de celui qu’elle aime. Jacqueline Persini, quant à elle, nous offre une lecture de Parenthèses de Chantal Dupuy-Denier, recueil dans lequel il est question du deuil des parents de la poète.

Deux pages de citations concernant l’absence se trouvent insérées dans ce numéro : l’une masculine (à l’exception de S. Weil) établie par Gérard Mottet, l’autre exclusivement féminine établie par mes soins. En dehors de la thématique de l’absence, un article de moi sur Comme tremble le seuil d’Éric Chassefière prône le lâcher prise en pleine conscience, en pleine nature, en une prose limpide et douce propice à la méditation.

Nous goûterons par trois fois à la joie des « Portraits » : celui de Roger Gonnet par son fils Francis ; celui de Carole Carcillo Mesrobian par Claire Boitel ; celui d’Étienne Ruhaud par Pascal Mora. Un hommage à Daniel Birnbaum (1953-2024) par Martine Morillon-Carreau ; un à Jacques Réda (1929-2024) par Élisabeth Beyrie-Soulassol. « Moments poétiques » accueille Georges Oucif, Marie-Noëlle Agniau, Joëlle Caujolle, Jean-Paul Morro, Anne Barbusse, Noël Laurent. « Poésie plurielle », Jean-Louis Bernard, Anne-Marielle Wilwerth, Caroline Lopez, Jane Angué, Phil Omsil, Susanne Derève, Pierre Thibaud, Sébastien Souhaité, Luc Marsal, Jacques Clauzel, Christophe Pineau-Thierry, Elvire Ybos, Marc-Henri Arfeux, Stéphanie Vermot, Noam Weissman, Antoine Colavolpe. Suivent huit pages de « Notes de lecture ».

N’oublions pas les belles œuvres plastiques qui émaillent les pages : un Frédéric Tison, deux Roger Gonnet, deux Laurent Noël, un Renaud Allirand. La boucle étant bouclée, je vous recommande la lecture de l’édito de Martine Morillon-Carreau toujours clair et pertinent, magnifique invite à lire l’ensemble.

(Dominique Zinenberg)

 

Nouveaux délits, n° 79 – novembre 2024

Poésie : Jean-Luc Aribaud, Valentina Casadei, Éric Aubel, Emmanuel Jeuland, Wald, Louise Brun, …

Le crédo de Cathy Garcia Canales, la créatrice de cette petite revue faite main qui, comme le tardis de Doctor Who, est plus grande à l’intérieur qu’on ne la voit de l’extérieur :

« Je n’ai plus d’église, pas de religion, c’est avec les mains dans la terre ou en marchant avec elle que je ne fais qu’un avec ma spiritualité. L’essentiel est contenu dans la graine (…) la graine doit se défaire de son enveloppe dans l’obscurité sans savoir si elle reverra la lumière. Sans quoi, elle pourrit. Nous, humain-es, sommes aussi des graines. »

 

Traversées, n° 108 – octobre 2024

Un numéro somptueux, avant tout, comme d’habitude, graphiquement… (qualité du papier et de l’impression, illustrations de Patrice Breno, directeur de la publication, Maïpo Darras, et Olivier Lechat).

L’essentiel du numéro consiste dans un dossier conséquent dédié à Pierre Perrin (n. 1950), avec des textes inédits, des articles d’exégèse, des entretiens, …  Parmi les autres poètes publiés dans ce numéro : Wald, Claude Vancour, Richard Roos-Weil, Iren Milaylova, Pierre Lecoeur, Michel Guéneau, Patrick Devaux, Jeanne Champel-Grenier.

 

Voix, n° 9 – automne 2024

Éditée par l’association Le Buffet Littéraire (créée et animée par François Minod), la revue annuelle Voix se rend de plus en plus élégante – par une qualité graphique de haut niveau (papier, illustrations Isabelle Camarrieu et Danièle Corre) et une mise en page créative (disposition graphique des textes, partage de la page entre textes et images : maquette Nancy Ottaviano).

Le numéro, coordonné François Minod, Mireille Diaz-Florian et Dominique Zinenberg, regroupe avec conviction (« L’humain est trop changeant et trop complexe pour devenir tout blanc ou tout noir » : Mireille, dans son éditorial) des « Voix multiples » (dont Agnès Adda, Guy Alix, France Burghelle Rey, Isabel Camarrieu, Michel Cassir, Danièle Corre, Mireille Diaz-Florian, Bernard Fournier, Nicole Goujpn, Catherine Jarrett, François Minod, Kader Rabia, Dana Shishmanian, François Teyssandier, Dominique Zinenberg), des « Voix d’ailleurs » (notamment, le « Cercle des poètes portugais disparus »), des « Voix critiques » (notes de lecture signées par Bernard Fournier, Mireille Diaz-Florian, François Minod, et Dominique Zinenberg), et un Hommage au poète Alain Minod, disparu le 28 mai cette année (avec des témoignages et une sélection de ses poèmes). 

 

Les Amis de Thalie – n°s 3 & 4/2024 et Numéro spécial 30 ans

La belle et consistante revue trimestrielle dirigée par Nathalie Lescop-Boeswillwald (création : †Thierry Lescop) a fêté 30 ans d’existence cette année ! Un somptueux numéro spécial (hors série, 72 pages A4, avec de belles illustrations couleurs, dont des œuvres de Christian Boeswillwald, Béatrice Gaudy, Éliane Hurtado, Thalie Lescop-Boeswillwald, Lena Macedo) regroupe des hommages et témoignages (dont ceux dédié au fondateur, †Thierry Lescop), et des textes de nombreux poètes (dont Michel Bénard, Jeanne Champel-Grenier, Pierre Guérande, Pascal Lecordier, Nathalie Lescop-Boeswillwald, Jean Ripoche, Jean-Loup Seban, Ara Alexandre Shishmanian, Dominique Simonet).

Le numéro 121, comptant pour le 3e trimestre (paru en septembre) nous offre également une très riche moisson de poésie (dont des jeunes poètes à découvrir mais aussi de grandes figures disparues comme Édith Sommer), un beau dossier dédié au peintre Richard Marcziniak par Michel Bénard, et des notes de lecture (dont celle de Nathalie Lescop-Boeswillwald au recueil Ragnarök de Dana Shishmanian). Citons pour conclure le mot de la directrice et éditrice (éditorial de Nathalie Lescop-Boeswillwald) :

« Nous vivons des temps troubles, chacun perçoit plus peut-être qu’il ne le voit véritablement encore le déclin de notre civilisation occidentale (…) Ne nous leurrons pas sans pour autant baisser les bras !... » Un appel renouvelé que nous partageons.

Enfin, le n° 122, le 4e et dernier de l’année 2024, paru en décembre, nous propose de très beaux poèmes dont ceux de Michel Lagrange, Pol Longrée, Chantal Cros, Béatrice Gaudy, Michel Stavaux, Michel Santune, Moïse Coussement, Damaris Memory, Liliane Codant, ou ces deux lauréates de concours de poésie organisés par Les Mais de Thalie : Christiane Hartweg et Frédérique Ramos.

Dans les critiques, études et notes de lecture, signalons : le dossier Henri Grouès (alias l’Abbé Pierre) par Jean Moraisin, l’article-témoignage sur Júlio Henriques par Josette M. Fróis, l’article de Pierre Mironer sur Jean Tardieu, l’étude de Nathalie Lescop-Boeswillwald sur l’œuvre picturale d’Héloïse Bonin, le dossier « De la poésie à la chanson française » par pierre Guérande, la chronique de Jeanne Champel Grenier au livre d’artiste Je suis l’envol de Francine Hamelin et Barbara Auzou, les rêveries mélancoliques de Christian Boeswillwald à sa rubrique Les Mots sont des îles, ou enfin, les notes de lecture de Nathalie Lescop-Boeswillwald, dont une dédiée à La létale de la lune. Épopée lyrique d’Ara Alexandre Shishmanian.

Une citation de l’éditorial de Nathalie, pour donner le la à une nouvelle année de labeurs et d’espérances qui nous attend :

« Alors en ces temps de fêtes, réapprenons à ouvrir notre cœur, à tendre la main, à croire en notre potentiel humain et réinventons-nous, avec intelligence et compassion, tolérance et amour… Qu’importe que le voisin n’agisse pas à l’identique, le changement vient toujours de la minorité, ne l’oublions pas et faisons-en en sorte de montrer le chemin de la vie et du partage, le seul qui vaille ! »

 

(Dana Shishmanian)

 

JUIN – SEPTEMBRE 2024

 

Recueils / Revues

Recueils & Livres

(Dana Shishmanian)

 

Michel Racois, Silence, on crée ! Éditions L’Art-Dit, sortie prévue début novembre 2024 (en promotion jusqu’au 30 septembre, 17,03 €).

Les musiciens connaissent la note bleue, ils savent donner des couleurs à leur musique. De la même façon, les peintres sont capables de rendre compte des bruits, en tout cas d’en créer l’illusion.

La notion de vide, dans la peinture chinoise, a donné lieu à de nombreux écrits. À travers une sélection d’œuvres d’art connues, l’auteur fait un parallèle entre vide et silence, musique et peinture et nous invite à mesurer leur importance dans la compréhension des sons et des signes qui nous entourent.

Partant de ce constat, Michel Racois explore, à travers une sélection d’œuvres depuis les peintures rupestres jusqu’à Michel-Ange, des impressionnistes à Basquiat, Christo ou Parant, les notions de vide et de silence, et leur fonction : donner du sens et de la puissance aux sons et aux signes. Car déceler le silence dans une œuvre c’est se donner la possibilité de saisir un registre beaucoup plus large d’émotions et leur intensité.

Le livre commence avec Le Cri, d’Edvard Munch, la peinture la plus bruyante selon l’auteur, alors que la série de toiles sur le baiser, du même peintre, suggère le silence.

 

Francis Gonnet, Sous la pierre des nuits ; Christophe Pineau-Thierry, En nous demeure. Toi Édition, à paraître en octobre 2024.

Créée par Cécile Ossant, la maison d'édition de poésie Toi Édition – qui s’associe aussi un site de poésie à parution mensuelle – est née dans l’immensité du regard et ses fragments de lumière, dans les pluriels de la vie et le carnet du monde. C’est dans ce cycle d’alternance qu’elle inscrit la réciprocité poétique de la petite collection des lieux et des visages et qu’elle invite la création des auteurs. Née en 2023, elle publie 3 ou 4 recueils par an et elle privilégie les formes courtes et des illustrations en noir et blanc.  Adresser les manuscrits uniquement par email.

 

 

Ara Alexandre Shishmanian, La létale de la lune, éd. Phos / Reprorapid, sept. 2024 (170 p., 12 €) (commander par email).

« L’œuvre d’Ara Alexandre Shishmanian révèle une poésie qu’il ne faut pas forcer, qui impose d’être lue en filigrane et dans laquelle nous devons nous laisser porter, lâcher prise pour être transporté par notre imaginaire et les images qui y naissent.

La poésie est un énigmatique voyage. En compagnie de la poésie d’Ara Alexandre Shishmanian, nous traversons des espaces dignes du plus pur surréalisme.

Le poète porte en lui tout le chaos du monde, il en subit les variations, comme une secousse dans le cœur et une déchirure dans l’âme. Il place sur l’abécédaire de son orgue à senteurs, toutes le nuances qui le conduiront au parfum de l’âme, celui que l’on voudrait absolu, proche du Divin. C’est une poésie qui impose la réflexion et s’estompe dans l’ombre d’Orphée. »

Michel Bénard, Vice-président de la Société des Poètes Français, Lauréat de l’Académie Française (dans la revue Noria, 2023)

 

Florence Noël, Ruptures d’étoile. Éditions Le chat polaire, septembre 2024 (77 p., 15 €). Avec des illustrations de Sylvie Durbec.

il s’agissait d’un écho

ou du corps qu’ébrèche

tout désir

 

un jour tu fus

 

par-delà l’argile

qui t’engluait les yeux

vrillait

l’impitoyable fête des lumières

 

la vie prit signe de vigne de vendange de cristaux

les astres ne pourraient plus s’éclipser

ils furent en toi

 

des lueurs

tu compris le son

c’était maintenant certain que le silence était absent :

même le néant est bris d’un quelque chose

existé ou à venir

 

Michèle Gautard, Journal de cendres. Éditions Unicité, sept. 2024 (170 p., 15 €)

« … Des pages où le réel et l’imaginaire, ce couple infernal, décident de faire pleinement corps. Les mots ont beau se bousculer, jouer le jeu de l’instant nouveau ou du travestissement, ce sont toujours les mêmes qui reviennent; comme sil était impossible d’échapper à la nature humaine Absurdité d’être là, en ce monde, sans rien savoir sur lorigine de ce vivant que nous sommes et de cette mort qui nous rattrape sans avoir l’élégance de nous prévenir. Quant à lamour, une transcendance qui nous élève jusquà la chute…

On ne sait rien de l’humain. Parfois, les mots donnent le sentiment d’en savoir un peu plus. Sans doute une invention du réel ayant trop longtemps séjourné dans l’antichambre de l’imaginaire.

Silhouettes d’encre s’animent sur un sol blanc. Fantômes? Mémoires anciennes, endormies ou enfouies? S’éveillent des voix intérieures. On tend loreille. Le silence et son écho. Et les pages deviennent des trous noirs que lon imagine lumières salvatrices. » (Extrait de lavant-propos de lauteure)

 

Éditions Encres vives – sous la direction d’Éric Chassefière, juillet à septembre 2024 (commander sur le site ou par email):

Collection principale

Éric Chassefière, Le jardin est visage. EV n°537, juillet 2024

Éric Barbier, Ombres abruptes. EV n°538, août 2024

Marilyse Leroux, Sept fleurs pour un chant. EV n°539, septembre 2024

Collection Encres Blanches

Charles Akopian, L’atelier de Saint-Grégoire. EB n° 820, été 2024

Gérard Le Goff, L’inventaire des étoiles. EB n° 821, été 2024

Daniel Birnbaum, Quand je serai jeune. EB n° 822, été 2024

Céline Vielfaure, Détour par le tableau. EB n° 822, été 2024

 

Khulood Almualla, Sans ailes. L’Harmattan, août 2024 (76 p., 12 €). Traduit de l’arabe par Miloud Gharrafi.

Khulood Almualla nous propose ici un paysage poétique où se mêlent contemplations, interrogations et confessions. Elle scrute les profondeurs du cœur autant que celles des objets et du monde qui l’entourent. Sa parole est assumée dans un langage simple cherchant à rendre poétique ce qui semble ordinaire et banal dans notre vie quotidienne (une tasse de café, une rue, la poussière…). Ses poèmes en vers libres teintés d’inquiétude, d’une profonde tristesse, mais aussi d’amour et de rêves flamboyants révèlent à la fois ses sentiments personnels et ses préoccupations d’ordre sociétal et culturel.

« Dans une autre nuit / Il brilla / Il n’était pas une lumière / Il était une simple extinction. » (Pureté de l’obscurité)

 

Pierre Goldin, De l’épaisseur de l’ombre ou De l’ambiguïté du clair-obscur. L’Harmattan, août 2024 (82 p., 12 €)

Ce recueil, écrit en grande partie il y a déjà dix ans, évoque de façon générale, comme un décor, en arrière-plan, les vicissitudes de ce moment de l’histoire dont nous connaissons aujourd’hui les retombées tragiques à l’est de l’Europe… Mais l’essentiel du propos se tient dans l’attitude du poète face à ce qui menaçait et menace encore plus de nos jours, la liberté, ou bien plus simplement, notre existence.

Le poète et ses mots… Peut-être aussi en filigrane la rage contenue de se voir impuissant, tant le mot compte peu, même s’il dit la liberté d’aimer, quand on écrase des villes sous les bombes.

Nous savons bien quelle ombre nous menace; nous savons sa nature, mais sans doute beaucoup encore ignorent ou choisissent dignorer sa puissance, au risque den périr… 

 

Éric Chassefière, Comme tremble le seuil. Éditions Alcyone (collection Surya), juillet 2024 (92 p., 20 €)

Couverture : peinture acrylique de Catherine Bruneau.

« Ces poèmes ont été écrits en trois temps durant l’été 2022. «Respirer avec l’ombre» est né dans le Cotentin, entre mer et jardin, prolongement du recueil Sentir, publié chez Rafael de Surtis en 2021, dont le tissage de proses poétiques traduit l’intensité du contact établi avec les forces de la nature, en une respiration qui à chaque instant condense être et devenir. «Dans le bruissement de l’ici» continue de la même façon la section intitulée «Comme une sève» de L’arbre chante, publié chez Alcyone en 2021, poèmes écrits dans le mas provençal d’enfance : voix noyée de mistral, assis dans la pénombre - à la fois lisière et seuil - d’arbres plus vieux que mémoire. «Être dans chaque instant», une suite de poèmes écrits chaque matin et chaque soir sur la falaise de Sauzon à Belle-Île, résonne avec les poèmes de Le partage par la musique, écrits à Bangor et publiés chez Encres Vives en 2019, dans le cadre de l’Académie de musique à laquelle l’auteur a participé en tant que pianiste durant plusieurs étés. » E.C.

Voir la lecture de ce recueil par Jacques Guigou à la rubrique Lectures-chroniques de ce même numéro.

 

Michel Ivonio, Symphonia. L’Harmattan, juillet 2024 (178 p., 18 €)

Dans ce recueil, l’auteur explore les possibilités quasi inépuisables de la langue française. En hommage aux grands maîtres du passé, Symphonia s’ouvre par un sonnet, exercice réitéré par séquences dans le livre et dont le classicisme musical ouvre sur les formes les plus inattendues, vers modernes, longues proses au rythme maritime, aphorismes, scènes épiques. Déclarations d’amour à la poésie. Mais, ici, forme et fond sont indissociables. La pensée, la vision puissante, la pertinence critique de l’analyse du siècle naissant, et de troublantes émotions composent un voyage littéraire inédit.

 

Pascal Hérault, Bois et dérivés. L’Harmattan, juillet 2024 (116 p., 13 €)

Bois et dérivés est inspiré par les arbres et la forêt. Empruntant à tous les tons, du plus drolatique au plus sombre, ce recueil explore les arbres et la forêt comme objet de langage propre à dialoguer avec nous-mêmes, mais aussi avec les mythes et nos peurs ancestrales. Tantôt intime, tantôt menaçante, mais toujours unie dans un élan de verticalité, la forêt devient alors pour nous un miroir changeant de notre condition terrestre. 

 

Catherine Andrieu, Initiations. Rafael de Surtis / Poésie (collection dirigée par Paul Sanda), juillet 2024 (50 p., 19 €). Préface Patrick Cintas. Illustrations par l’autrice.

Extrait : « Dans le crépuscule d’un amour éteint, elle erre vers les rives du lac. Son visage, pâle comme la lune, reflète une tristesse insondable. Elle laisse son cœur se noyer dans les eaux sombres, espérant rejoindre le royaume des ombres. Le vent murmure son nom, et les étoiles pleurent. Les vagues la bercent, douces et implacables, comme les souvenirs qui la hantent. Elle se souvient de leurs étreintes, de leurs promesses murmurées sous la lueur des étoiles. Mais l’amant a fui, laissant derrière lui le vide. Elle s’enfonce, ses cheveux flottant comme des algues, sa robe de dentelle s’ouvrant comme les pétales d’une fleur fanée. Les nymphes des profondeurs l’accueillent, tissant des guirlandes d’algues autour de son corps frêle. »

 

Anne Barbusse, Terra incognita. Éditions Unicité, juillet 2024 (224 p., 18 €)

Dans le couvre-feu trouver terre échappant à l’humain, mer accoucheuse de soi.
Entre mer terre et ciel marcher l’estran comme espace vierge, malgré les nitrates et la honte.
Arpenter-contempler la Bretagne ou bien agir la mer, nager/pêcher comme on se noie, jusqu’à l’extrême, pour combler la manquante et effacer le suicide, s’emplir de mer et terre.
Écrire-mer, mer incognita malgré la terre cognita et cadastrée.

« tous les enfants sont partis, ne restent que les jouets
dérisoires et une photo déjà suicidée

c’est aujourd’hui que la mer pardonne à l’humanité
et se réserve l’estran, les champs de cailloux sans gloire
et les fruits de mer promis

puis la vache traverse le pré, plus seule
que ma conscience
 »

 

Carole Carcillo Mesrobian, 28 jours à Yahidne. Éditions Unicité, juillet 2024 (46 p., 12 €)

Dans les profondeurs de la guerre en Ukraine. (…)

« J’ai lu et relu le témoignage de cet innommable séjour en enfer. Quel effroi devant ces charniers d'enfants, de femmes et d'hommes anonymes !  Comment ne pas partager la douleur d'un peuple ? Comment trouver les mots face à de telles horreurs ? Seule la poésie a le droit et le devoir de parler devant l'absolue noirceur, ne serait-ce que pour sauver ce qui reste d'humanité au milieu du désastre. Les mots sont la mémoire de ce qui fut et demeure humain face à la barbarie de la guerre. Transmettre : que dire d'autre, au risque de paraître un peu ridicule, sinon arrogant, dans le confort verbal de mon existence privilégiée en ce monde décidément si injuste et toujours aussi inhumain ? » - Yves Leclair, écrivain.

 

Patricio Sánchez-Rojas, Poèmes du bout du monde. Éditions Unicité, juillet 2024 (68 p., 13 €)

Exil

aucun
jour
ne correspond
à ton
visage
de dauphin

Au détroit
de
Gibraltar

Aucun rocher
n’aura jamais
tes cheveux
de comète

 

Jean-Claude Tardif, Les chemins dérisoires. Éditions Petra, juin 2024 (90 p., 12 €)

parfois je trouve
un poème
comme on éteint
une lampe
l’écrire
me devient difficile.

 

Claude Ber, Paysagers de cerveau, avec des photographies d’Adrienne Arth. Éditions Art3-Plessis, juin 2024 (56 p., 20 €)

Claude Ber – écrivain, poète, essayiste, dramaturge – prix international de poésie Ivan Goll et Légion d’honneur pour l’ensemble de son parcours et son engagement pour l’égalité femmes/hommes et les droits humains – pose ses mots face aux photos subtiles et raffinées d’Adrienne Arth.

 

Jalel El Gharbi, À l'heure du limoncello Suivi de Dialogues du Maître soufi. Edern Éditions, juin 2024 (144 p., 20 €, 6,99 version numérique)

Jalel El Gharbi est un poète à la fois savant et sensible, qui a compris que le rôle de l'aède n'est plus de décrire seulement les figures de la réalité mais d'en toucher la vérité profonde à travers une subtile transfiguration, atteignant ainsi à l'essence même du réel.

Philologue de langue arabe et grand connaisseur des deux cultures des rives de la Méditerranée, El Gharbi nous propose dans cet ensemble poétique en langue française une somme poétique originale en deux mouvements complémentaires : À l'heure du limoncello, ensemble élégiaque axé sur l'amour profane suivi des Dialogues du Maître soufi, méditation philosophique sur la mystique de l'amour et sur l'amour mystique.

 

Revues

Notices de présentation par :

Éric Chassefière / Dana Shishmanian / Dominique Zinenberg

 

Éric Chassefière

 

Revue Portulan bleu, n°43, juin 2024

 

Le revue Portulan bleu est publiée par l’association Voix Tissées, qui rassemble poètes et artistes autour de la promotion de l’écriture poétique, sous la direction de Martine Rigo Sastre. Elle paraît trois fois par an, en février, mai et octobre.

Ce numéro a pour thème le hasard, illustré sur la couverture par l’extrait d’un poème de Jean Laugier : « À considérer le monde / En ses convulsions de hasard / On se dit que guerre et songe / Procèdent du même prétoire », poète dont on a fêté le centenaire de la naissance en juin dernier. Patricia Bruneaux intitule son éditorial Az-zahr, mot arabe dont est dérivé le mot français hasard, désignant un jeu de dé inventé au Xe siècle en Syrie. « Az-zahr de rencontres et de cœurs, pour les animaux en âme que nous sommes, dont les programmations et le déterminisme cosmique est un secret d’alchimie, loin du souffle forcené à l’œuvre aux portes du chaos déterministe ». Patricia Bruneaux cite notamment l’astrophysicien Trinh Xuan Thua, le peintre Marcel Duchamps, le physicien Albert Einstein, autant d’explorateurs, savants comme artistes, de la complexité et des mystères du monde qui nous entoure, nous entrainant sur les chemins de la découverte, loin des sombres déterminismes de notre époque. Une trentaine de poètes sont à l’affiche de ce numéro, avec comme toujours une partie substantielle consacrée aux chroniques de recueils récemment reçus.

Citons la fin du poème de Alix Lerman Enriquez intitulé « Jeux de hasard » :

 

« la terre violette renferme le secret

de nos silences et de nos destins

comme les fleurs du cimetière en novembre ,

les chrysantèmes roses et orange

qui éclosent en gerbes de feu évanescentes

et tendent leurs bras pour jouer

« au jeu de l’amour et du hasard »

avant le voile opaque de notre éternité »

 

 

Mensuel de poésie LIBELLE, n°366, juillet-août 2024

 

Cette petite revue, composée d’une double feuille et d’un feuillet intercalaire (« un bloc-notes en six pages »), paraît mensuellement depuis 1991, année de sa création par Michel Prades et Bernard Rivet, publiée par l’association du même nom. Michel Prades en assure seul la coordination.

Une succession, comme toujours, de poèmes courts nous entrainant sur les chemins aériens de la poésie. Citons, au hasard, ce poème de Françoise Tchartiloglou :

 

« Oser y croire

Marchons à travers les bruits de la ville

Marchons main dans la main

Rêvons ensemble

Un rêve sans fin

Si le cœur t’en dit brillons

La vie c’est de l’amour

Une forme commune »

 

 

Revue Rose des temps, n°48, janvier-avril 2024

 

La revue Rose des Temps, conduite par Patrick Picornot et Aumane Placide, est publiée par l’association Parole & Poésie, créée en 2009, dont le but est de promouvoir la dimension orale et écrite de la poésie française et francophone. Elle paraît trois fois par an, en mai, septembre et janvier.

Le poème de couverture sur la rose est ici de Hélène Picard : « Ah ! vivre cette exquise chose : / Être un enfant, un tout petit, / Et tenir, aux doigts, une rose… ».

L’éditorial de Patrick Picornot dit la nostalgie d’une vie rurale communautaire et festive, et  les méfaits du développement du tourisme de masse, concluant sur le rôle essentiel de l’état de poésie pour nous faire ouvrir véridiquement les yeux sur le monde : « L’état de poésie permet précisément de nous rendre perméables à des forces fertiles que l’on n’osait imaginer, à de rénovantes vues jusque là demeurées imperceptibles. L’état de poésie nous offre cette miraculeuse opportunité de ne plus tourner en rond autour de nos préjugés, fausses certitudes et chimères, c’est-à-dire de nous extirper enfin de nos abrutissements immobilisateurs et stérilisants. Au fond, peut-être nomme-t-on cela l’ « inspiration », ce terme étant détesté des rationalistes ».

La rubrique Jadis et naguère est consacrée aux poètes Jean Laugier (« Dans la ville pour qui sait voir / Veille souvent un village / Protection tamisée du cœur ») et Hélène Picard (« Tout parle de départ, le vent du Sud qui passe, / Les tilleuls effeuillés, / Et le grand fleuve ouvrant, aux confins de l’espace, / Ses yeux ensoleillés »). Le cahier de création est riche de poèmes d’une trentaine d’auteurs. Nombreuses chroniques également de recueils et de revues. Une revue soignée et riche, qui compte dans le paysage poétique actuel.

Un poème, glané au fil de la lecture, de Maggy de Coster :

 

« Mes pensée déambulent à pas feutrés

Dans les profondeurs de la nuit

Quand résonnent les pas perdus du silence

Dans l’alcôve de mon âme inassouvie

Je voyage dans la galaxie de mes rêves

Pour aller quérir les semences des étoiles

Que je planterai dans l’ogive de mon jardin

                 À la lune montante »

 

 

Revue Coup de soleil n°120, juin 2024

 

La revue triannuelle Coup de soleil dirigée par Michel Dunand et Marie-Françoise Payet-Saliesiani, et publiée par la Maison de la Poésie d’Annecy, a été lancée en 1984.

Au sommaire de ce numéro : Poèmes (Jean-Pierre Gandebeuf, Andrea Genovese, Brigitte Bardou), Chroniques (Jean-Pierre Gandebeuf, Jacques André, Jean-Paul Gavard-Perret), Couverture (Danielle Berthet). Jean-Paul Gavard-Perret nous offre des poèmes écrits sur les œuvres de l’artiste peintre Danielle Berthet, dont l’une des œuvres est placée en couverture, ainsi :

 

« De la lumière à l’ombre se dépeint le noir. La nuit se suspend au rivage du réel que créent les encres.

Des fragments s’agrippent aux dermes que leur accorde l’artiste. S’ouvre l’obscur aux courants de lumière aspirée ?

Tout s’écoule et des épaisseurs germantes ourlent ce qui doit être nommé facettes. Le regard s’y enfonce où tout se perd en laps pareils à une pluie d’oiseaux brûlés ».

 

Citons encore ce poème de Jean-Pierre Gandeboeuf : « J’aime le vent, / la neige, / les écrevisses à la nage, / le paysan pauvre dans une grange cubiste. / Toutes les sagesses se payent », et cet autre de Brigitte Bardou :

 

« Et les soleils jetés sous la hampe du vent

Et les louves blotties sous les mamelles du froid

Et les étoiles perdues en quête du berger

Et la langue du givre sur l’herbe qui s’étire

Et la mort du jour à peine sortie du rien

Et la nuit scintillante comme une offrande bleue

Et le houx rouge-sang pris dans un pli du temps

Et le ventre laiteux de la lune éblouie

Et les pas de la neige au feutre du chemin

Et les oiseaux-virgules rangés dans les greniers

Et la hanche du feu au rond des bûches grises

Et tout un ciel d’été dans tes yeux réfugié. »

 

 

Revue L’arbre parle n°10, Printemps 2024

 

Cette revue « sauvage et poétique », une vingtaines de pages simplement agrafées au format A4, paraissant deux fois par an, a été créée en 2019 par Didier Ober dans le cadre de son association L’arbre barde.

L’éditorial de Didier Ober est une lettre à l’adresse de l’ami ariégeois Daniel Giraud, poète et musicien, qui a volontairement quitté notre « monde immonde » à l’automne 2023. La première double page du numéro est consacrée à présenter quelques écrits épars du poète parus dans différents recueils. Citons cet extrait d’un texte publié en 2023, qui dit le désespoir du poète face à son époque : « J’en ai assez de toutes ces nouvelles à la con ! J’en ai marre de cette merde quotidienne d’une pseudo réalité immédiate ! (…) Assez de tous ces politicards de tous bords ! Assez ! Assez ! Et même y’en a marre de ce monde des apparences où des silhouettes s’agitent dans le théâtre d’une ex-istence sans vie intérieure ! Figures de pacotille ! Figures de pantomime ! ». Dans la partie consacrée aux poèmes sont présents Daniel Giraux, Didier Ober, Jean-Marc Couvé, Sylvain Braud, Ferruccio Brugnaro, Stéphane Casenobe, Rebecca Lorand, Alain Jean Macé, Jeanne Champel Grenier, puis Didier Ober nous livre ses lectures de diverses revues et recueils récemment parus. Citons ce poème de Daniel Giraud, publié en 1987, dédié au poète chinois Li Po :

 

« Il neige des nuages blancs

Le vin coule entre les doigts

Ni jour, ni nuit, ni bruit

la lune s’accroche à la montagne

Elle descend le long de ses flancs

Ciel et terre ne sont plus séparés

La barque ondule et balance

Elle descend au fil de l’eau

Que le chemin du retour

Ne soit jamais celui de l’aller

Ivre de la Lune…

L’embrasser !

Boire l’Immortelle

Et glisser…

Dans le fleuve bleu »

 

 

Revue Verso, n°197,  juin 2024

 

Ce numéro, comme tous les numéros de la revue (4 numéros par an depuis 1977), est introduit par un sonnet de Shakespeare, traduit par Mermed. Alain Wexler, s’inspirant a posteriori des poèmes publiés dans le numéro, en a composé le titre suivant : « espace temps ». Citons la fin de l’éditorial de Alain Wexler sur ce thème :

 

« Tout le contraire de l’arbre avec ses doubles racines : celles du haut plongées dans l’air et la lumière et celles du bas dans l’ombre et l’éponge de la terre.

Les mots ne seraient que des tapis ? Des choses, des lignes tissées pour nous réunir ?

Des tapis que l’on poserait sur les océans, plus quelques voiles pour avancer mais l’enfant rêve que la marée emporte la maison et qu’il navigue entre ciel et mer sur ce navire improvisé. Il ne se souviendra pas de la partie de son rêve où il rencontre Ulysse et Pénélope en train de tisser son ouvrage. Vogue l’aventure au milieu des sirènes ».

 

Une trentaine de poètes sont au sommaire de ce numéro. De nombreuses chroniques, comme à l’habitude, viennent compléter la section de poésie : Pierre Mironer, Christian Degoutte pour son En salade des revues, et sur les recueils : Valérie Canat de Chizy, Armelle Chitrit, Alain Wexler, sans oublier l’entretien de Carole Mesrobian avec l’anthropologue, psychologue et poète Christine Durif-Bruckert. Citons, au hasard de la lecture, ces vers qui terminent un poème de Béatrice Pailler intitulé « De lenteur voulue » :

 

« le Monde

est ma chambre

et je m’y couche

pour rester vivante

libre de mes rêves

libre de mon corps.

 

Je m’y couche

pour faire lenteur

faire éclore en moi

ce qui vient

l’accueillir

comme l’arbre

accueille le temps

dans l’accomplissement

de son destin

de son éternité. »

 

 

Revue Comme en poésie, n°98,  2024

 

Ce numéro de la revue trimestrielle éditée depuis maintenant 22 ans par Jean-Pierre Lesieur dans sa « fabrique du poème », met en page de couverture une œuvre de Catherine Andrieu, poète et plasticienne, dont plusieurs poèmes sont reproduits dans le corps du numéro, illustrés d’autres créations plastiques, à forte connotation onirique. Nous sommes ici dans l’univers du conte :

 

« Au cœur de la forêt, là où les arbres murmurent des secrets anciens et les étoiles tissent des voiles d’argent, vivait une enfant blonde. Son visage était pâle comme la lune, et un croissant d’argent reposait sur son front, tel un signe mystique.

Elle errait parmi les ombres, ses pieds nus foulant la mousse humide. Le vent sifflait à travers les branches, emportant avec lui des histoires oubliées. La pluie, fine et insistante, caressait sa peau comme une mélodie douce… 

La petite fille cherchait quelque chose, un secret enfoui dans les racines des arbres, dans les étoiles lointaines. Elle avait entendu parler d’un lion mystique, gardien des portes entre les mondes. Un être qui dansait entre la vie et la mort, qui connaissait les secrets des dieux et des ancêtres… ».

 

Une bonne vingtaine de poètes sont présents dans ce numéro, introduit par l’éditorial de Jean-Pierre Lesieur, qui alerte sur l’arrivée de l’intelligence artificielle, et ses logiciels capables de composer poèmes ou œuvres graphiques à la demande, et le risque existentiel que fait peser un logiciel comme chatGPT sur la création littéraire, menaçant de remplacer l’expression vraie par une éternelle répétition de l’existant, stérile et déconnectée de l’univers affectif de l’humain.

 

 

Revue Florilège, n°195,  juin 2024

 

La revue trimestrielle Florilège, créée en 1974 par l’Association Les Poètes de l’Amitié – Poètes sans Frontières présidée par le poète et écrivain dijonnais Stephen Blanchard, présente un sommaire très riche, allié à une présentation de fort belle facture. L’éditorial de ce numéro, titré « Pourquoi j’écris ? » est de Michel Santunes, et commence ainsi :

 

« Question à laquelle on est tenté de répondre par nécessité absolue, voire vitale. On écrit pour oublier le temps qui passe, pour sauver quelques bribes de vie de son effondrement. Écrire des romans, des nouvelles, c’est recréer des mondes, c’est se prendre un peu pour Dieu. Écrire de la Poésie, c’est essayer de capter, ne serait-ce qu’un instant, le souffle qui transcende les mots pour en faire des brûlots de lumière. La Poésie, ce que les mots délivrent mais qui les dépasse ! Bien sûr, il y a cette absolue nécessité, cette envie d’écrire pour mourir un peu moins peut-être… »

 

La première partie du numéro est consacrée aux poèmes proprement dits, avec des textes d’une soixantaine d’auteurs, un poème par auteur. Citons celui-ci, de Iren Mihaylova, titré « Prière » :

 

« Là où nos bras se rejoignent a fleuri

Une attente proche de l’étoile :

Guérir d’elle pour accueillir la vie

La seule qui remue les eaux profondes.

Cette mère mal connue, aliénée

Restée longtemps muette

Cette guerrière sans combat

Pour l’éternelle gloire d’une liberté.

L’étoile brille miraculeuse là-haut

Là où elle m’éteint

Dans l’espoir des retrouvailles

En attente d’une reconnaissance.

Comment atteindre cette étoile

Comment la faire tomber

Pour la porter ?

Dans un corps au bord de lumière

Dans une si profonde nuit

La seule qui brille là-haut

Si elle s’écroule – je prie

Je prie pour qu’elle retombe

Sur les genoux de l’aurore. »

 

La double page centrale, illustrée de peintures oniriques et colorées de Valérie Dépadova, présente des poèmes du troubadour Peire d’Alvernhes du XIIe siècle. Puis viennent les chroniques et nombreuses notes de lectures, avec notamment un hommage à Paul Éluard signé Marie-Christine Guidon.  Signalons l’anthologie poétique au profit de l’association « Aidons l’Ukraine – Dijon ».

 

 

Revue Voix d’encre, n°67, automne 2022

 

À l’origine de la maison d’édition, la revue Voix d’encre, lancée en 1990, paraît deux fois l’an : une livraison au printemps, une autre à l’automne. Consacrée pour l’essentiel à la poésie, elle accueille des auteurs confirmés et d’autres qui font leurs premiers pas, ainsi que des traductions inédites. À chaque numéro, l’intervention d’un artiste rythme la maquette et fait respirer l’ensemble, ici c’est le peintre Gilles Balmet qui est à l’honneur. La revue est animée par Alain Blanc, Jean-Pierre Chambon et Hervé Planquois. Les auteurs présents dans ce numéro sont Claude Minière, Alain Dantine, Gaultier Roux, Marie Alloy, Béatrice Pailler, Fred Staal, Jean Pierrevidal, Calou Semin et L. Robertson-Lorant.

Quelques strophes brèves de la poète Calou Semin, extraites du poème « Arbre(s) » :

 

« Je suis vrillé d’absences

effeuillé d’instants

 

Sous la rugueuse écorce du silence

 

*

Plus bas j’étais solide

Et je n’avais pas peur de la distance

 

Vigilant demeure libre

 

*

Un vol si clair d’oiseaux

silence

Légèreté de l’ombrage

 

Tant de responsabilité d’être vivant ! »

 

*

*

Demeurer là,

droit,

musique silencieusement close des êtres

 

 

 

Revue Diérèse, n°90, été 2024

 

La belle revue poétique et littéraire Diérèse tenue par Daniel Martinez paraît trois fois par an, offrant trois cents pages de poésie, prose et notes de lecture. À l’honneur dans ce numéro, Nuno Júdice, Danielle Corre et Paul Cabanel. L’éditorial, signé Alain Fabre Catalan, s’interroge sur la nature du lien qui retient le lecteur auprès du poème. Il se conclut ainsi :

 

« À l’image d’Orphée et de sa destinée, la poésie nous oblige à regarder au-delà de la frontière, à briser le sortilège en traversant l’horizon des sensations. Poussé par le poème à habiter le monde autrement, le lecteur inaugure une vita nova, une expérience solaire entre chant et silence, dont chacun à sa manière revient changé, se reconnaît autre. C’est sans doute ce qu’a voulu faire entendre Paul Celan lors de la remise du prix Georg Büchner en 1960 en déclarant à ses interlocuteurs : « …dans la proximité de l’utopie… je me suis… moi-même rencontré. » »

La section « Poésies du monde » met à l’honneur quatre domaines : portugais, avec Nuno Júdice, espagnol avec Estela Puyuelo et le poète vénézuélien Eugenio Montejo, anglais avec Dylan Thomas et allemand avec Fritz Deppert. Citons le poème intitulé « Poésie » de Eugenio Montejo :

 

« La poésie traverse seule la terre,

puise sa voix dans la douleur du monde

et ne demande rien

pas même des mots.

Elle vient de loin n’importe quand, sans prévenir ;

Elle a la clé de la porte.

En entrant, elle s’arrête toujours pour nous regarder.

Puis elle ouvre la main et nous offre

une  fleur ou un galet, quelque chose de secret,

mais d’une telle intensité que notre cœur bat

trop vite. Et nous nous réveillons. »

 

Et glané dans les cahiers, ce poème de Danièle Corre :

 

« Il reste toujours

des portes et des fenêtres

à ouvrir, à fermer, à ouvrir,

des pans d’histoires cicatrisées

dont on n’oublie

ni les impasses de lumière

ni les bonds du cœur

tombés dans les filets de la nuit.

Parfois, au passage

de quelque vantail,

on baisse la tête

mais une fierté de sourire,

jouant avec le reflet des vitres,

nous fait soudain lever les yeux. »

 

Une très riche moisson de chroniques sur des recueils récemment parus, plus de cinquante pages de bonnes feuilles fournissant autant de fenêtres sur la poésie actuelle, sous les plumes de : Nathalie de Courson, Pierre Dhainaut, Michel Diaz, Pierre Schroven, Jean-Christophe Ribeyre, Éric Chassefière, Pierre Tanguy, Gabriel Zimmermann, Michel Lamart, Didier Gambert, Edith Masson, Jean-Claude Albert Coiffard, Bernard Pignero, Jean-Pierre Boulic, Jean-Louis Bernard, Éric Barbier, Frédéric Chef. Poètes qui ainsi se font passeurs de poésie.

 

 

Revue Les Hommes sans épaules n°57, premier semestre 2024

 

La belle revue pilotée depuis 1997 par Christophe Dauphin parait deux fois l’an, en mars et en octobre, proposant 350 pages de poésie venue de tous les coins du monde. Cette troisième série, qui en est aujourd’hui à son numéro 57, a été précédée d’une première, initiée par Jean Breton, qui parut à Avignon puis à Paris de 1953 à 1956 (neuf numéros), puis d’une seconde, sous la direction d’Alain Breton, publiée à Paris de 1991 à 1994 (onze numéros). Le numéro 57 est consacré aux poètes de Bretagne, et est par ailleurs dédié à la mémoire du poète Frédéric Tison disparu en novembre 2023.

Laissons parler Christophe Dauphin dans son « Éloge de l’ouest » qui ouvre le numéro : « L’Ouest, ce sont les terres de Normandie et de Bretagne que l’on opposent parfois alors que tout les rassemble, ne serait-ce que sur un plan géographique. Leurs différences et particularités existent bien évidemment et c’est heureux, mais les rapprochent : pas seulement la bruyère, la mer, le bocage, les falaises, le cidre et les îles, mais leurs poètes respectifs, les contemporains comme leurs aînés. Les Hommes sans Épaules, après avoir arpenté la Normandie en 2021 dans leur numéro 55 (Dossier Poètes normands pour une falaise du cri), puis l’Est en 2023 dans le numéro 55 (Dossier Richard Rognet & les poètes de l’Est, Alsace et Lorraine), remettent le cap à l’Ouest pour se rendre en Bretagne, pays où l’on sait accueillir et recevoir […] Notre dossier comprend 33 poètes bretons et bretonnes auxquels s’ajoutent nos deux Porteurs de Feu Georges Perros et Hervé Delabarre, nos Wah et leurs « poèmes bretons. » La matière poétique de Bretagne est riche. Nous aurions pu doubler notre sélection. Pardon aux « absents » qui ne déméritent bien sûr pas. Le comité de rédaction d’une revue doit faire des choix et même sous l’effet du whisky breton Eddu Gold, rester raisonnable...». Citons Bruno Geneste, animateur de la Maison de la Poésie de Quimperlé et du festival Sémaphore de la Parole Poétique, « homme de l’écume », qui nous livre dans ces pages sa « Symphonie des Albatros » :

 

« UN ALBATROS NOUS TRAVERSE

au comptoir des fracas

d’envolées dans l’imperceptible

incandescent

incandescentes distances

au plus près

du coefficient

d’un lointain

de pierres percutées

 

UN ALBATROS NOUS TRAVERSE

d’astres brûlés

d’eau de nuages

dans les nuées

 

UN ALBATROS NOUS TRAVERSE

Sous une symphonie

d’incantations

d’insurgés des lisières

d’homme de l’écume »

 

Et citons encore Louis Bertholom, lui aussi homme de sel et d’écume, avec cet extrait de son « Bréviaire de sel » :

 

« Assouvir sa soif

dans la mystique des salures

à perdre haleine.

 

S’offrir à la baie

à la faveur des baïnes

pour une dernière ronde

sous l’auréole d’un faucon crécerelle,

une ultime danse

dans l’amnios céleste

De Saint-Guénolé à Poulgoazec

le couchant tisse un drap

qui engouffre le vol des oiseaux

 

Les images se taisent

de leurs couleurs qui se refondent. »

 

Pour l’hommage à Frédéric Tison, on pourra se porter à sa page sur le site des Hommes sans Épaules. Citons la courte strophe qui figure sous son portrait au début de l’hommage que lui rend la revue :

 

« Toutes mes nuits, tous mes jours sont des fusées

dont je ne sais où elles me conduiront.

Les caresses tombent dans le vide.

Je suis le pianiste qui rêve sous les nuages. »

 

 

Revue La Vie Multiple, n°23, Juillet 2024

 

La revue, créée en 2018 par Daniel Malbranque, et publiée depuis sur un rythme trimestriel, poursuit son bonhomme de chemin. Voici ce que nous en dit son créateur : « Notre revue , s’il elle a une ambition, au-delà de celle de témoigner de la vivacité littéraire de ses contributeurs/multiplicateurs, c’est bien celle d’offrir un espace d’utopie militante. » Mais laissons encore parler Daniel Malbranque à travers l’éditorial de ce nouveau numéro : « Haïr la poésie, c’est accepter le monde tel qu’il est. C’est le slogan que je voudrais mettre en exergue de ce n°23 de La Vie Multiple. Le poète par l’extrême et radicale force de son engagement milite pour un refus des manières de penser et de vivre qu’imposent Big Brother et ses sbires. Résister aux diktats de la pensée unique est le devoir de tout un chacun et encore plus pour qui se veut poète. La révolution commence par le Rêve. Et le rêve par la Révolution. La vieille antienne des Surréalistes, si peu comprise, est toujours d’actualité ».

Une trentaine de poètes sont au sommaire du numéro. On citera Sacha Zamka, avec son poème « ineptie » :

 

« énigme que je vive et hasard que j’existe

toujours la  douleur perce et la douleur persiste

je tremble, le ciel est inlassablement bas

je ne sais plus pour quel idéal je me bats

mes doigts touchent à peine astres et galaxies

je ne comprends plus rien à ma propre ineptie

dois-je me souvenir ou bien dois-je oublier ?

existence ou néant je n’ai rien à renier

mes yeux ne sont jamais que plaies et cicatrices

je ne sais plus quoi faire à part des sacrifices

mon visage me fuit sur le miroir terni

je me perds être humain entre un et infini »

 

ou encore Gilles Lades :

 

« Le vent descend

vers le profond de toute chose

 

il tourmente le marcheur

comme une soif

 

de toutes parts l’espace s’ensoleille

de bonheurs insaisis

 

dans quel ailleurs s’échangent les clartés ?

 

vers le soir

s’établira le chant

l’attente bras ouverts de l’entière paix »

 

Notons également des extraits d’un ensemble de poèmes écrits à quatre mains par Valéry Molet, Éric Chassefière, Yves Arauxo et Jean-Pierre Otte. Laissons parler Jean-Pierre Otte : « L’aventure est collective, composite, alternative. Le premier – ils sont premiers à tour de rôle – propose une ligne de départ ; Les autres prennent le relais, ajoutent une ligne chacun à leur tour, sans que l’action d’écrire se fasse pour, contre ou avec les autres, mais uniquement en faveur du poème composé au fur et à mesure », ainsi :

 

« Au matin l'arbre dans la fenêtre est premier rivage.

(Ailleurs, le vent erre sur le pré grec de l'asphodèle)

Errer est musical tel l’évitement de soi,

Le bruissement d'un feuillage ou la rumeur de la mer.

 

On devient Un, cordes et arc, avec la parole du vent.

(Ailleurs, les reflets levés sur le fleuve Amour)

Vagabonder n'a plus rien d'animal,

Les chiens errants sont les maîtres spirituels

 

Qui nous tirent au rivage de l'ultime enfance.

(Ailleurs, le respir des femmes aux lèvres de la nuit bengali)

Si la nature soudoie la métaphore,

L'ombre portée n’obscurcit pas le tableau. »

 

Notons également un entretien avec Françoise Laly, qui a longtemps vécu  et écrit de la poésie au Chili, un hommage au poète Bernard Sintès, qui fut l’un des premiers à rejoindre La Vie Multiple, prématurément disparu en 2023, à travers un discours et une lettre qui sont ici reproduits, une page sur la poésie Massa (peuple vivant au nord-Cameroun et au sud du Tchad), avec reproduction et traduction d’un poème extrait d’un livret ronéotypé des années 60, un poème qui dit ceci : « Papa, ô père, / Tu as laissé ton fils au soleil. / Je suis en train de contourner notre concession. / Papa ouvre les yeux pour me regarder ; / Tu verras que ton fils souffre. / Je suis abandonné dans le désert. / Qui me donnera de l’eau / à boire ? / Où joues-tu à te cacher à ma vue ? / Si tu te caches, / Montre-toi à mes yeux ».

Une belle revue riche, à découvrir.

 

*** 

 

Dana Shishmanian

 

Revue Traversées n° 107, juin 2024

 

Le dernier numéro de la belle et élégante revue belge Traversées dirigée par Patrice Breno et Paul Mathieu nous offre – un peu en écho multiple au numéro 103, dédié aux traductions – un florilège de poètes du monde entier, en original et en français. Ainsi, on (re)découvre avec enchantement des poètes américains : Jimi Hendrix et Lou Reed, et anglais : Ray Davies et Peter Sinfield (traduits et présentés par Gérard Le Goff) ; une poétesse chilienne : Pauline Le Roy (traduite par Indran Amirthanagayam et Paul Mathieu) ; une poétesse finnoise : Pirkko-Inkeri Tamminen (traduite par elle-même en anglais et par Pierre Mironer de l’anglais en français) ; un poète français : Michel Bénard (avec des traductions en roumain par Sonia Elvireanu) ; des poètes amérindiens : Kimberley M. Blaeser, Al Hunter, Jim Northrup, Ofelia Zepeda (traduits et présentés par Vladimir Claude Fišera) ; des poètes italiens : Carolyne Cannella et Valentina Casadei (traduites et présentées par elles-mêmes), Domenico Cipriano, Francesca Del Moro, Stefano Lorifice, Fabio Petrilli (traduits et présentés par Irène Duboeuf) ; des poètes néerlandais : Luuk Gruwez et Nisrine Mbarki (traduits et présentés par Daniel Cunin) ; un poète roumain : Marian Drăghici (traduit en français et présenté par Sonia Elvireanu, traduit en italien par Giuliano Ladolfi) ; un poète et prosateur russe : Constantin Paoustovsky (traduit par Marie De Wit en collaboration avec Luc Debacker) ; un poète suisse : Claude Luezior (traduit en roumain par Tudor Ştefan Goţia).

Une postface en guise d’édito, par Xavier Bordes, nous donne la clé du numéro : Poétiser et traduire, où l’on développe avec brio la distinction qualitative essentielle entre « traduction dénotative » ou « robotique » ou « automatique » (dans le sens de l’IA), et « traduction connotative, transposante, créatrice, indispensable en poésie » : « Ce qui compte, c’est l’ambiance, le climat psychologique, la façon de sentir, de voir, de comprendre, de ne pas comprendre, que propose un écrit ou une œuvre. Qu’on puisse en tant que lecteur du poème s’y projeter, et ressentir "l’Autre" dans son état de conscience, l’état qui a donné naissance à la parole poétique. »  Bien évidemment, on y souscrit à 200%.

 

***

 

Dominique Zinenberg

 

Le numéro 89 de Poésie/première

Pour le 89 -ème numéro de Poésie/première, le dossier est consacré au vécu en poésie. Les contributeurs en sont Gérard Mottet, Alain Duault, Samuel Bidaud, Jean-Pierre Luminel et moi-même. Chaque approche comporte des points de rencontre, en particulier que la poésie est la réalité, mais pas le réel et que l’on accéder au vécu autrement que par le langage, comme l’écrit Alain Duault dans son article « La poésie a-t-telle besoin du vécu ? »  Et selon sa sensibilité chacun va développer cette thématique en s’inspirant largement de philosophes comme le fait Gérard Mottet qui convoque Gaston Bachelard, Merleau-Ponty et quelques poètes comme Philippe Jaccottet, Paul Claudel. Il conclut son article d’une dizaine de pages par ces phrases : « La poésie n’a-t-elle pas ce pouvoir admirable, en tant que langage non référentiel fusionnant sens et sensible, d’éveiller en nous bien d’autres expériences possibles que celles que nous avons singulièrement vécues, nous ouvrant aussi sans limites, comme en un rêve germinal, à la pluralité d’espace-temps à « vivre » ?   

Pour Samuel Bidaud dans son « Offrande de l’écriture », l’expérience du temps se combine à celle de la souffrance et de la Joie. « L’écriture a pour but de relier cet ensemble, de le transfigurer, en un acte de don et d’amour. » Et dans un second article, intitulé « Le pur moment du signe » il ajoute que « Tracer le signe nous amène au plus près du présent. »

La démarche de Jean-Pierre Luminet est tout autre : en tant qu’astrophysicien et poète, il raconte de façon autobiographique, comment la poésie et son activité professionnelle ont finalement cohabité et se sont nourri l’une de l’autre.

Mon article, quant à lui, s’intitule « De la boue en or » : comme de tout temps, ce que l’on vit, ce que l’on a vécu est souvent douloureux, tragique, laid, les poètes ont eu pour tâche de dire cette laideur et de la métamorphoser par la maîtrise du langage et de l’expression formelle et intime en beauté.

Puis viennent diverses études : celle consacrée par Olivier Larizza à L’Homme qui voulait peindre des fresques de Michel Herland. À cette occasion O. Larizza retrace le parcours poétique de Michel Herland qui s’essaie aussi bien aux vers classiques qu’aux vers libres, qui se sert de l’humour, mais manifeste son indignation, exploite l’érotisme et clame la joie : en un mot il embrasse des horizons divers. Ce portrait est suivi de quelques-uns de ses poèmes.

Trois articles relativement courts sont consacrés à Éveil trois fois de Pierre Dhainaut (celui de Jean-Louis Bernard, de Francis Gonnet et le mien).

Hervé-Pierre Lambert consacre une étude de dix pages à Étienne Faure pour Vol en V. Il saisit l’imaginaire du poète, la profonde unité de ses poèmes, le travail sur la forme, l’unité thématique (l’oiseau, l’envol, l’apesanteur), l’unité géographique : quelques quartiers parisiens, mais aussi les Antilles et la Guyane et l’Est européen : la Pologne et l’Ukraine. Il est également sensible aux faits historiques comme aux phénomènes météorologiques dont la pluie en particulier. Sa manière expressionniste colore ses poèmes en couleurs contrastées, son animisme est suggéré ainsi que la scrutation.

Samuel Bidaud analyse Les Délices de Tokyo de Durian Sukegawa « le drame d’une vie volée » avec sensibilité et justesse.

Martine Morillon-Carreau commente Traduire en vers ?  Ouvrage collectif dirigé par Michel Volkovich. L’axe de réflexion est « Comment traduire de la poésie au plus juste ? » Cela donne lieu à de multiples interrogations : les rapports ambigus entre traduction et création ; comment départager la lettre et l’esprit ; dans les poèmes rimés dans la langue de départ , faut-il à tout prix la rime dans la langue traduite ? Comment s’y prendre pour traduire l’intraduisible ?

Élisabeth Beyne-Soulassol rend hommage au poète Bernard Manciet (1923-2005) dans une étude de neuf pages « Quelques éléments de poétique » en retraçant la vie et l’œuvre du poète occitan gascon qui d’ailleurs a écrit aussi du théâtre, des romans, des essais, des nouvelles. Son œuvre est en occitan et en français. Ses thématiques récurrentes sont sa terre natale, l’océan Atlantique, sa langue maternelle.

Olivier Risser écrit sur Jean Lavoué « Poésie de la présence » en un hommage vibrant dans lequel il met en exergue la générosité du poète qui fait l’éloge des arbres, des paysages qu’il admire en marchant, de la méditation, du silence perçue comme « une manne » et exalte les poèmes de la grâce.

 Les Moments poétiques de ce numéro mettent à l’honneur Didier Ayres (4 poèmes) ; Elvire Ybos (2 pages) ; Pauline Ledinot (5 pages). Poésie plurielle rassemble quatorze poètes à qui l’on accorde un poème chacun.

Il est rendu hommage à Jean Lavoué (1955-2024) par Marie José Christien ; à Frédéric Tison (1972-2023) par la transcription d’une allocution de Paul Farellier le 16 avril 2024 ; à Jeanine Baude (1946-2021) par Jeanine Salesse, suivi d’un poème de Jacqueline Persini. Le numéro se termine par quelques pages de notes de lecture.

Les illustrateurs sont Chantal Lacaille et Francis Gonnet.

 

 

MARS - JUIN 2024

 

Recueils / Revues / Rattrapages

 

Sélection et présentation : Éric Chassefière & Dana Shishmanian

 

Recueils

Éditions Encres vives (32 p., 6,60 €) – nouvelle série sous la direction d’Éric Chassefière, avril-juin 2024 (pour commander, contacter l’éditeur à l’adresse encres.vives34@gmail.com):

Collection principale

Annie Briet, Crépuscule de la joie. Encres Vives n°534, avril 2024

Béatrice Pailler, L'Or-la-Nuit. Encres Vives n°535, mai 2024

Anne Barbusse, Ils ont défécondé l'avenir. Encres Vives n°536, juin 2024

 

Collection Encres Blanches

Marion Lafage, Le corps artiste, écrits – danse.  Encres Blanches n°811, printemps 2024

Jacques Merceron, Dans l'œil bleu ecchymose du ciel. Encres Blanches n°812, printemps 2024

Iren Mihaylova, Sans fond de lumière. Encres Blanches n°813, printemps 2024

Luc Monnin, Mon ciel bleu. Encres Blanches n°814, printemps 2024

Patrick Tafani, Les années d'allégeance. Encres Blanches n°815, printemps 2024

Dominique Zinenberg, Une année d'arbres et de fleurs. Encres Blanches n°816, printemps 2024

Jacqueline Assaël, De l’âpreté des drailles. Encres Blanches n°817, printemps 2024

 

Collection Lieu

Jean-Claude Crespy, À Sète. Lieu n°396, printemps 2024

Jacques Guigou, Petite Camargue. Lieu n°397, printemps 2024

Patrick Picornot, Entre Javel et Vaugirard. Lieu n°398, printemps 2024

Guillaume de Pracomtal, Asie éparse. Lieu n°399, printemps 2024

(É.C.)

 

La Grâce. Le Printemps des Poètes 2024. L’Harmattan, juin 2024 (76 p., 11 €)

À l'occasion du 25éme Printemps des Poètes, l'Institut du monde arabe, en collaboration avec les Editions L'Harmattan, a organisé le 14 mars dernier une rencontre alliant poésie et musique intitulée « La grâce en poésie et musique ». L'événement, qui s'est déroulé dans la bibliothèque de l'Institut, a été le théâtre d'une mémorable et inoubliable rencontre entre les voix poétiques contemporaines de la sphère arabe et française. La scène a vu se succéder des artistes issus de divers horizons : France, Liban, Maroc, Palestine et Syrie, parmi lesquels Nicole Barriere, Maria Zaki, Léda Mansour, Jean-François Blavin, Francoise Hachem, Khouloud Zghayar, Delphine Andre et Georges Boukoff. Ces talents ont offert au public un florilège de leurs créations, portées par une lecture bilingue et magnifiées par l'accompagnement musical de l’éminent musicien Georges Boukoff.

Le recueil qui réunit leurs créations est publié dans la collection Le Scribe l'Harmattan, créée par le regretté Osama Khalil, étant coordonné par Fatima Guémiah et  Nicole Barrière, avec un avant-propos de Jack Lang et une préface de Georges Boukoff. Il sera lancé en marge de la 41e édition du Marché de la Poésie, Place Saint-Sulpice à Paris, où tous les poètes conviés prendront part à une session de lecture et de dédicace à la rencontre du public, stand 600 des Éditions L’Harmattan.

(D.S.)

 

Pierre Kobel, Aller à la parole. Éditions Unicité, juin 2024 (52 p., 12 €)

Avec ce nouveau recueil, le poète devient ce lieu où les mots trouvent leur justesse non sans émotions mais avec une force qui interroge sans cesse. Tout ici semble se fondre en une seule parole juste, qui paradoxalement se décline en plusieurs thématiques, celles du regard posé sur les choses, les événements, les souvenirs comme pour nous tenir ouverts à une présence du ressenti.

Une poétique qui nous enjoint d’accepter notre part d’humanité avec nos contradictions pour revenir à l’essentiel qui fait sens. Une poésie de la maturité dont on sent qu’elle n’a plus de compte à rendre, mais qui nous donne à pressentir de manière organique qu’il n’est jamais trop tard pour dire le monde.

(D.S.)

 

Patrick Aveline, On y revient toujours. Éditions Ex Æquo, juin 2024 (60 p., 9 €)

« Quels que soient le rêve de silence, l’égarement aux limbes ou la résolution à ne plus jamais, les mots reviennent comme une obsession. On ne le comprend pas, mais on y revient toujours. Ils paressent, on les titille. Ils s’éloignent, on court derrière. Ils se cachent, on les débusque. (…). Mais ils reviennent toujours au bord de ma fenêtre. On ne le comprend pas vraiment, mais ils reviennent toujours. C’est que sans doute le théâtre se trouve là. »

Lire des extraits en ligne : https://www.calameo.com/read/000084266002300d67a63

Nous avons accueilli Patrick Aveline à la rubrique Terra incognita de mai-juin 2023.

(D.S.)

 

Annie Deveaux Berthelot, Pour un instant volé au temps. Le Lys Bleu éditions, juin 2024 (84 p., 15 €)

Annie Deveaux Berthelot est née au Mans en 1947. Une enfance difficile. Battue, souvent, pendant plusieurs mois, on lui interdisait de se rendre à l’école. Elle fit tout de même des études tout en travaillant. Plus tard, elle consacra sa vie à venir en aide à des gens battus, malades en état de faiblesse. À cette force d’âme sans pareille, tout au long de sa vie, la poésie, la musique et le dessin l’accompagnèrent et contribuèrent à lui rendre la vie supportable. Biologiste à la retraite, elle se consacre à la peinture et au dessin, ses premières amours. Durant son parcours, elle fait la connaissance du poète philosophe Robert Notenboom. De ceci est née une profonde amitié fondée sur une même conception d’un art pur et minimaliste. Elle donna alors une tout autre orientation à sa vie.

(D.S.)

 

Cécile Guivarch, Si elles s’envolent. Éditions Au Salvart, juin 2024 (74 p.12 €)

L'autrice évoque « la vie des femmes », mêlant les prénoms de grandes figures féminines que l’on reconnaîtra Marina, Camille, Marilyne… à ceux de femmes de sa famille Carmen, Maria, Henriette… Elle les réunit en un lieu où l’existence féminine est rythmée par des tâches et des usages éprouvés depuis des générations. Avec une liberté d’écriture qui assume une entière féminité, elle est soutenue par les paroles poétiques de Marina Tsvetaeva et Denise Desautels dans ce livre empli d’empathie et de sororité.

(D.S.)

 

Jean-Pierre Siméon, Avenirs. Suivi de Le peintre au coquelicot, Gallimard (Collection Blanche), mai 2024 (176 p., 18 €)

« Avenirs, donc. Un passage au pluriel pour dire une mutation radicale : depuis que l’homme pense, il a pensé, vécu, rêvé, agi face à l’Avenir, la perpétuelle continuation d’une ligne droite. Une marche dans l’éternité. Il n’y a plus d’éternité. Nous avons compris que la terre, l’humanité qui l’habite et le monde qu’elle a créé ont le destin de chacun d’entre nous : ils sont voués à la disparition. Mais chacun peut ou non hâter sa disparition. Autrement dit, il y a toujours devant nous au moins deux avenirs : le renoncement ou le courage de l’impossible. Cette sorte de courage dont la poésie est l’essai et l’éloge. »

(D.S.)

 

Colette Nys-Mazure, Sans crier gare. Illustrations Élise Kasztelan. Éditions Invenit, mai 2024 (70 p., 13 €)

Prix Léon Paul Fargue (Lancé en 2021 par la Mairie du 15e arrondissement de Paris et l'association Poésie et Chanson Sorbonne).

Colette Nys-Mazure volontiers se dit « traineuse » : le néologisme suggère que les déplacements en train ne lui sont pas seulement une pratique ou un usage ; il s’agit d’une activité de prédilection, puissamment identitaire. Ce recueil de poèmes décline les multiples aspects de l’expérience ferroviaire. Être voyageur « immobile dans le mouvement » permet observations et perceptions multiples. Colette Nys-Mazure, lors de ces trajets en TER entre la Belgique et les Hauts-de-France, chante sa passion des gares et des usagers. Défilé de paysages et de visages, spectacle permanent. Des êtres et des mondes divers se côtoient, depuis les adolescents frondeurs jusqu’aux demandeurs d’asile : rien moins que l’humanité en mouvement.

Voir notre brève note de lecture à la rubrique Lectures - chroniques.

(D.S.)

 

Jalel El Gharbi, À l’heure du limoncello, suivi des Dialogues du Maître soufi. Asmodée Edern éditionsmai 2024 (144 p., 19 € / 6,99 € livre numérique)

Jalel El Gharbi est un poète à la fois savant et sensible, qui a compris que le rôle de l’aède n’est plus de décrire seulement les figures de la réalité mais d’en toucher la vérité profonde à travers une subtile transfiguration, atteignant ainsi à l’essence même du réel. Philologue de langue arabe et grand connaisseur des deux cultures des rives de la Méditerranée, El Gharbi nous propose dans cet ensemble poétique en langue française une somme poétique originale en deux mouvements complémentaires : À l’heure du limoncello, ensemble élégiaque axé sur l’amour profane suivi des Dialogues du Maître soufi, méditation philosophique sur la mystique de l’amour et sur l’amour mystique.

Jalel El Gharbi vit et travaille à Tunis. Professeur à l’université de La Manouba, poète, traducteur et essayiste, il a publié, entre autres, Le Cours Baudelaire (Maisonneuve & Larose), texte très remarqué qui nous propose une nouvelle lecture des Fleurs du mal, et un roman : En Quête d’une ombre (Aden).

(D.S.)

 

Clara Ysé, Vivante. Poésie Seghers, mai 2024

Née en 1992, Clara Ysé est autrice-compositrice-interprète et écrivaine. Après un roman remarqué, Mise à feu (Grasset, 2021, Le Livre de poche, 2023), lauréat du Prix littéraire de la vocation 2021, elle publie aujourd’hui un premier ouvrage de poésie.

Son univers intense, sauvage et flamboyant se déploie pleinement dans ce recueil. Ceux qui connaissent ses chansons y retrouveront la force, la singularité de sa voix et découvriront la part sans doute la plus intime de sa création.

Redonner leur pouvoir aux mots, accueillir le silence, les contradictions, l’inconnu, l’ouvert. Pour Clara Ysé, la poésie est du côté de la musique, une alliance pour traverser la nuit.

(D.S.)

 

Dana Shishmanian, Ragnarök. L’Harmattan (Accent tonique), mai 2024 (96 p., 13 € / 9,99 livre numérique)

Ce recueil reflète une multi-dimensionnalité qui est celle de la nature même de l’acte poétique : expression d’un ego en errance, en prise directe avec le monde qui l’entoure, en proie à des appels qui le dépassent, le remodèlent et le transforment. L’écriture est une expérience de vie qui se nourrit de toutes vos expériences car la poésie est omnivore. Le poète devient alors un apprenti chaman aspirant à la maîtrise des éléments et du vol par-dessus les nuages. Ce qu’il en fait ensuite dépend de sa foi…

Voir la note de lecture de Patrice Perron dans ce même numéro, à la rubrique Lectures - chroniques.

(D.S.)

 

Catherine Andrieu, Des nouvelles de Léda ? Éditions Rafael de Surtis, avril 2024 (274 p., 25 €)

Une belle anthologie poétique contenant aussi des entretiens, et des inédits, dont un recueil autour de l'œuvre du peintre Anora Borra. Ce volume regroupe Parce que j'ai peint mes vitres en noir, Piano sur l'eauRefuge, Journal de l'oubli, Amours et jeux d'ombre, Le cliquetis des mâtsLes Vies Antérieures et Intérieures de Catherine Andrieu, enfin, Le Portrait Fantasmatique d'Anora Borra et Des Jours et des Lunes (inédits).

« Comme Artaud, Catherine Andrieu est à sa manière une suicidée (encore en vie) de la société dont elle fait partager le sort des victimes. Elle est à ce titre la différente (pour emprunter le néologisme de Derrida). Elle tient debout dans ses textes comme si c'était un miracle de l'amour même lorsqu'il chute et ce pour dire l'absence et le manque. L'accomplissement toutefois n'est pas oublié. Il est plus, même plus qu'une thématique : il devient la poésie et sa présence. Bref son essence.

Cc qui est masqué dans les abîmes de l'être l'auteure le révèle en nous faisant participer à sa quête. Sur le blanc de chaque page nous retrouvons l'épreuve de l'épaisseur humaine nourrie de bien des mythes (et des chats) qui participent à une telle éclosion contre les occlusions de l'âme et les ratés du corps…» (extrait de la préface de Jean-Paul Gavart-Perret).

Voir aussi le blog de l’auteure : https://www.catherineandrieu.fr/

(D.S.)

 

Sheela Eichenberger, J’écris entre les mains du vent. Éditions des Offray, avril 2024 (118 p., 25 €)

Ce livre est la réalisation d’un projet qui remonte à de nombreuses années, unissant les deux écritures de Sheela Eichenberger, qui écrit depuis longtemps, et de son défunt mari Jean-Pierre Eichenberger (1926-2000), artiste genevois, graveur, peintre, sculpteur et fresquiste. Ils ont toujours rêvé de réaliser un livre où se mêleraient tableaux de l’un et écrits de l’autre. Quarante-huit textes de Sheela Eichenberger qui explorent l’intime, le dedans/dehors, le Tout, richement illustrés par des détails de tableaux de Jean-Pierre Eichenberger.

« … Dans le tempo d'une vie traversée d'épreuves, enrichie d'expériences artistiques partagées, la poésie de Sheela Eichenberger rend compte d'une totalité où le lecteur pourra entrer, conscient de s'y reconnaître en humanité. Il avancera dans le plain-chant des mots dont les "enluminures" de Jean-Pierre Eichenberger soutiennent l'harmonie. » (Extrait de la préface de Mireille Diaz-Florian)

(D.S.)

 

Pierre Gondran dit Remoux, Quelques bois. PhB éditions, avril 2024 (108 p., 10 €)

Quelques bois serait une coupe mémorielle et sensible à travers le paysage, consignant diverses expériences de l’espace boisé, de la pinède côtière bretonne à la forêt boréale en passant par le bas-maquis de l’Ardèche méridionale. S’impose alors un constat : l’idée d’un arrière-monde à atteindre où l’homme vivrait en sympathie avec la forêt est une illusion.

(D.S.)

 

Du corps du poète au corps poétique. Anthologie de Marilyne Bertoncini. Les Cahiers de Poètes & Co, avril 2024 (14 €)

Réalisée par Marilyne Bertoncini suite à un appel à textes, d’abord sous forme électronique (sur le site jeudidesmots / embarquement-poétique), cette anthologie a été lancée au Printemps des poètes et au Salon du livre de Nice. Elle tourne autour des questions sur le corps : « Quand j’écris, quand je crée, où est mon corps ? Une infinité de questions et de positionnements s’offre à l’esprit, et les artistes ici réunis tentent d’ébaucher cette anatomie-fusion des corps créateurs et créés. »

(D.S.)

 

Françoise Urban-Menninger, Renaître dans le poème. Éditions Astérion, mars 2024 (90 p., 10 €)

Au cours d’un entretien, le poète Yves Bonnefoy avait déclaré que la poésie était la théologie de la terre, la pensée qui fait de l’arbre un intercesseur, de la source une révélation symbolique.

Françoise Urban-Menninger, dans ce nouveau recueil, parle en langue de ciel depuis son jardin intérieur qui prend racine dans l’infini. Et si parfois, elle évoque des larmes amères, le mot beauté, comme l’écrit Yves Bonnefoy, a un sens malgré la mort. L’auteure nous en octroie l’éblouissante lumière qui irradie sous la peau des mots.
Née en 1953 à Mulhouse, Françoise Urban-Menninger a publié une trentaine de recueils de poèmes et de nouvelles. Présidente de la commission littéraire de l’Académie rhénane, elle est critique littéraire sur le site Exigence : Littérature, écrit pour la revue électronique Le Pan Poétique des Muses, organise des événements littéraires dans sa région où elle anime des ateliers d’écriture.

(D.S.)

 

Génération Manifeste ! Anthologie de neuf espoirs de la poésie française. Éditions Manifeste, mars 2024 (138 p., 13 €)

« La parole que libèrent ces nouveaux poètes, vous le verrez, plus qu’un souffle, est une parole engagée dotée d’un pouvoir de déflagration inédit capable de ruiner et d’adouber le réel et son double dans le même mouvement. Nous y découvrons çà et là la force d’un langage ciselé, musclé, ironique, satirique, parfois désenchanté mais toujours beau et consolant. Tantôt nous sommes saisis par des poèmes qui mordent la poussière et le sang, tantôt nous voici happés par des textes fous et érotiques quand la quête des plaisirs se met aussi à nu pour dire « l’autre monde », ce qui donne à cette anthologie une variété de ton et donc une saveur tout à fait remarquable. » Extrait de la préface de Fabien Mellado.

Cette anthologie regroupe des poèmes de : Grégory Rateau, Antoine Geniaut, Victoria Gerontasiou, Mathilde Groselle, Paul Roussy, Mila Tisserant, Carine Valette, Aurélie Muller et Meriem Selmani.

(D.S.)

 

Pierre Vinclair, Complaintes & Co. Le Castor Astral (Poche / Poésie), mars 2024 (138 p., 9,90 €)  

« Véritable fresque sociale, Complaintes & Co. dresse un portrait tendre et amusé de notre société. Il décrit au plus près les travailleurs (serrurier, journaliste, médecin) et les archétypes sociaux (la sœur, le quadragénaire, le survivaliste) qui forment le quotidien de nos existences. Faisant entendre la singularité de chaque voix, les poèmes de Pierre Vinclair semblent autant de saynètes jouées par des personnages shakespeariens. Et si, comme le prétendait le dramaturge, le monde entier n’était qu’une scène de théâtre ? » (Extrait de la Préface de Laurent Albarracin).

Le sous-titre du recueil en dit tout ou presque : « Le monde est ce qu’il est, un gros orteil au bout du pied d’un dieu absent ».

Pierre Vinclair est né à Aurillac en 1982. À partir de son livre Barbares, il s’est engagé dans l’écriture d’un cycle polymorphe ayant pour objet l’épopée et ses enjeux – poétiques et politiques – contemporains. Co-animateur de la revue Catastrophes, il est notamment l’auteur des Gestes impossibles, prix Heredia, du Cours des choses (Flammarion), ainsi que de Sans adresse (Lurlure) et La Sauvagerie (Corti).

(D.S.)

 

Pascal Perron, Défi. Avec des photos de Sophie Desvéronnières. Les Éditions Sauvages (collection Askell), mars 2024 (90 p., 14 €)

« Ce recueil est dans la continuité de Malgré le vacarme du monde. Il est temps pour les humains de réagir, si nous voulons continuer à vivre sur Terre. » (L’auteur)

Le défi est là, devant nos yeux parfois atteints de cécité. Il se peut que ce soit notre cerveau qui bloque notre inconscient et notre conscience.

Le défi est là, aujourd’hui, maintenant, tout de suite. Il est clairement posé à la gente humaine, désormais sur le qui-vive.

Les preuves du risque de disparaître nous touchent déjà au corps, dans notre vécu quotidien, inondent nos écrans et dominent l’actualité.

Il est temps de nous mettre en marche et de retrousser nos manches : l’urgence a sonné.

Voir notre brève note de lecture à la rubrique Lectures - chroniques.

(D.S.)

 

Guénane, Sourcellerie. Éditions Rougerie, mars 2024 (64 p., 12 €)

Je bois à ma source

elle rit

sourcellerie

source sorcière de ma mélancolie.

 

Imiter le fleuve

avancer sans attendre de réponse.

Voir sur son blog : http://www.guenane.fr/

Voir aussi notre brève note de lecture à la rubrique Lectures - chroniques.

(D.S.)

 

Albertine Benedetto – Eva-Maria Berg, Mémoires du Rhin / Der Rhein – Erinnerungen. Éditions PVST (Pourquoi viens-tu si tard ?), mars 2024 (108 p., 12 €)

Traductions: E.-M. Berg, Relecture: A. Benedetto. Préface: Gilles Desnots. Avec des encres de Josette Digonnet photographiées par Marianne Digonnet-Mir.

« Et s'il fallait tourner la page pour retrouver le Rhin en toutes ses mémoires, les approcher sans craindre de figer les mots dans un regard de croisiériste ? Déplacer le regard, marcher un peu au-delà du pont de Kehl, ou prendre le tramway D à la station Strasbourg Port du Rhin et traverser jusqu'au terminus de Kehl Rathaus, une impression de bonheur apaisant, résidant dans l'abolition de tout enjeu de frontière, dans la fluidité et la liberté d'aller et venir à la rencontre de l'autre. » (Extrait de la préface de Gilles Desnots).

(D.S.)

 

France Burghelle Rey, Les promesses du chant. Éditions La rumeur libre, mars 2024.

Dans ses éclats et sa légèreté, ce livre offre un chant de renais­sance.

Cinq sections composent le livre : Les promesses du chant (qui donnent le titre au recueil) / Vertiges du désir / Que la joie revienne ! / L’adelphe / Soleil tu brilleras toujours /. (…)

Alors, face à la perte et au manque, face au gris et à la blancheur de l’âge, face au noir de la mort, commence le chemin du poème et sa clarté levante : « seul compte / le chemin / je veux bien être / ce pèlerin / qui marche / vers la lumière ».

Voir la recension de Dominique Zinenberg dans ce même numéro, à la rubrique Lectures – chroniques.

(D.S.)

 

Anne Barbusse, Ma douleur planétaire. Éditions Tarmac, mars 2024 (258 p., 20 €)

« Une année au rythme des confinements des saisons et des couvre-feu pour tresser la parole poétique et la parole médiatique, "recycler le lyrisme et les déchets", tenter le point de vue de la campagne, de la néo-ruralité et de la terre-femme, structurer un animisme militant, se réaccorder au vivant. Il ne s'agit pas de sauver mais de faire parler ce qui reste, pour que l'écriture soit une ZAD, qu'un combat planétaire (et non mondialisé) émerge et que la langue écologique y prenne sa part. »

(D.S.)

 

Anne Bouchara, Paris. Interventions à Haute Voix, 1er trimestre 2024 (80 p., 10 €)


Lorsque je descends la rue Daviel

À vélo

Les cheveux dans le vent

En bas,

Il pourrait y avoir la mer

(É.C.)

 

Christophe Pineau-Thierry, Sentier débutant. PhB éditions, mars 2024 (48 p., 10 €)

 

nous voici parvenus au refuge

des mémoires perdues de l'âme

 

et personne n'en saurait sortir

sans abriter sa part d'ombre

 

les rayons de nos cœurs vacillent

de ce souffle étreint par la nuit

(É.C.)

 

Igor Quézel-Perron, Il fut un temps. Polder 202, 2024 (56 p., 7 €)

Igor Quézel-Perron nous invite à percevoir au-delà des images, c'est-à-dire à lire véritablement, au sens de relier les éléments entre eux pour en tirer du sens. Son écriture foisonnante et rigoureuse à la fois, très structurée, traduit la logique profonde des rêves et des contes sans en rien trahir.

(É.C.)

 

Marianne Duriez, Sur mon chemin, le fleuve. Polder 201, 2024 (60 p., 7 €)

Dans un flux ondulant de poésie narrative, Marianne Duriez, depuis l'Afrique, « [encre] le voyage dans les ports du monde entier / Aux couleurs des containers Evergreen. / Valparaiso, Tanger, Cartagena, Cape Town ». On vibre avec elle en parcourant les rues animées, on rage devant l'exploitation d'un continent, on s'émerveille des nuances qui envahissent le regard, et puis on redemande de ces vers qui savent susciter la réflexion sous des dehors nostalgiques aussi profonds que le fleuve Congo qu'ils explorent.

(É.C.)

 

Annie Wallois, Ombres et ailes battantes. Alcyone, 1er trimestre 2024 (59 p., 17 €)

Dans le pêle-mêle du quotidien, affleurent parfois des scènes d'enfance, telles des pierres de soleil, qui recomposent, avec le présent furtif, la mosaïque sans cesse renaissante des jours. Les mots du poème voudraient s'emparer de ce flux, en ressaisir des instants, la respiration, les brefs éclats de lumière. Un défi salutaire, simplement celui de notre attention à la voix murmurante en soi, et à son interférence avec celles du monde et le bruit des temps actuels.

On se croise sur la voie verte

 

Le temps d'un sourire

On se ressemble

 

On est pareils

Dans les yeux blancs

Des aubépines

 

Si on ajoute la pluie

On se croit presque

 

Logés

 

À commune enseigne

C'est déjà ça

Quand Dieu est seul

(É.C.)

 

Jean-Jacques Brouard, Ressacs de la mer obscure. Alcyone, 1er trimestre 2024 (59 p., 17 €)

La poésie est extase au bord d'une mer originelle qui se perd dans les grands horizons où l'œil s'enivre d'infini. [... ] Elle ouvre les portes d'un au-delà de l'apparence, d'un plus profond que la surface … [...] Aussi la poésie est-elle toujours une illumination. Il faut à l'homme des mots pour voir. Sans eux, il est aveugle. L'alchimie des mots le rend voyant. La poésie est le moment cosmique de la mémoire fécondée par la foudre. La poésie est le philtre de la métamorphose et du dépassement sous l'égide d'Orphée et de Dionysos ...

Le temps s'appesantit. Rien ne passe. Tout stagne. Il est grand temps.

Je m'extirpe de mon cocon intérieur trop exigu. Et je file vers un ailleurs tout proche.

C'est un littoral intouché fait de parois barbares, de falaises fourbes et de criques secrètes ... Je le parcours, je l'arpente, je l'estime. Je me libère des barbes urticantes d'un jour bien routinier.

Dans ce lieu de paix brute, l'éternité est à portée de tête, l'immensité à portée de cœur. Loin de piétiner, je marche, et j'avance. Chaque pied que je pose sur la terre est un acte réfléchi.

Je sais exactement où me mènent mes pas : aux noces avec la mer.

(É.C.)

 

Bruno Geneste, Le vent selon Bob Dylan. La rumeur libre, 2024 (121 p., 15 €)

 

Il vient, il avance ... Bob, Bob Dylan. Qu'est la rédaction d'une préface sinon un moment de temps suspendu où le raisonnable de la page blanche s'en vient frapper à la porte de l'inattendu. Devant la table de travail, l'ordinateur allumé jette une ombre claire dans la boîte noire du cortex, un esprit arachnéen souffle à l'oreille du plumitif : Bob, Bob Dylan, duo de mots répétés en mantra, rituel sacré. En ce presque quart de siècle où la misère, l'égoïsme et le crime banalisé sont de retour, une respiration salutaire décuple l'écriture, Bob, Bob Dylan. Encore, Bob, Bob Dylan.

(É.C.)

 

Paul Sanda, Grands Emblèmes du Merveilleux pour Ernest de Gengenbach. La rumeur libre, mars 2024 (301 p., 28 €)


Pour célébrer le centenaire du Manifeste du Surréalisme, et les vingt ans de La Maison des surréalistes de Cordes-sur-Ciel (Tarn), j'ai décidé d'écrire vingt-quatre lettres-emblèmes à Ernest de Gengenbach (1903 - 1979), membre du groupe historique, en prenant comme base des réflexions et des pensées tirées de ses ouvrages. Il s'est avéré que ces dialogues se sont articulés très justement avec mon propre parcours, et en écho aux échanges nombreux et importants qui ont eu lieu au cours des vingt dernières années en notre Maison de Cordes. Les nombreux ouvrages, épistoles, œuvres plastiques et autres performances musicales et poétiques qui en ont émergé le montrent. Il s'est agi donc, dans l'esprit initié comme on le verra par Sarane Alexandrian et Alain-Pierre Pillet en 2003, démontrer l'importance des hasards objectifs dans les œuvres de prolongement surréaliste, et les tentatives répétées de chaque acteur de concilier le merveilleux surréaliste et la splendeur spiritualiste en un seul mouvement cessant d'être perçu contradictoirement. Et c'est ainsi qu'on retrouvera sur cette voie les figures fraternelles qui ont pu s'inscrire au cours de cette aventure unique, comme l'a si bien dit l'ami Patrick Lepetit, dans les « parcours souterrains » du surréalism...

(É.C.)

 

Rattrapages

Salah Al Hamdani, Bagdad mon amour suivi de Bagdad à ciel ouvert. Éditions d Cygne, février 2024 (220 p., 20 €)

Réédition de ces deux recueils qui ont marqué la carrière francophone du grand poète exilé d’Irak. Ce sont les mots d’un homme qui après la chute du dictateur, se prépare au retour au pays natal, un Irak ravagé par une guerre déclenchée par les États-Unis. Il y retrouve sa mère après trente ans d’exil et la « serre dans ses bras comme un palmier agonisant ». (…) Ce sont les visions et les combats d’un poète et homme de théâtre profondément humain et engagé pour la paix, qui n’a pas fini de se plonger dans la tornade et de défendre les victimes où qu’elles soient, y compris en France, le pays autrefois refuge, « le pays de Camus ».

 

Jennifer Grousselas, Il nous fallait un chant, éditions Le Manteau & la Lyre / Obsidiane, février 2024 (80 p., 13€)

Prix international de poésie francophone Yvan Goll 2024.

Il nous fallait un chant est un manifeste inspiré. La musique noire et lumineuse du poème y exécute un pas de deux d’une danse somptueuse, qui creuse l’écart pour créer l’unité, hésitant pour mieux affirmer et affirmant pour mieux hésiter. Le son, le pas, le sens sont emmêlés jusqu’au vertige. (…)

C’est un chant d’une ampleur considérable. Il s’affirme par un rythme souple, moiré, hypnotique pour dire la beauté du monde, celle de l’amour et ses exigences, et celle de la vie, offrande imméritée. Ce recueil de poèmes est un « essaim de mercis ».

Jennifer Grousselas, née en 1986, vit et travaille à Paris : agrégée de lettres modernes, elle enseigne en lycée dans le Val-de-Marne. Elle est poète, peintre et dramaturge. Elle a publié deux pièces de théâtre (Égée ou le saut du roi, ETGSO, 2014 et Cuir ou violon, Unicité, 2023). Poète, elle publie régulièrement en anthologies et dans de nombreuses revues littéraires. Elle est l’auteure d’un premier recueil, De souffles et d’éveils (éditions unicité, 2021). Jennifer Grousselas est membre de l’association Le Merle moqueur et membre fondateur des éditions Manifeste. (Extraits de la présentation et la bio sur le site de l’éditeur).

 

Grégory Rateau, De mon sous-sol. Éditons Tarmac, janvier 2024 (52 p., 10 €)

Grégory Rateau a écrit son De mon sous-sol en une semaine. On retrouve les élans lyriques qui lui sont chers, avec parfois des envolées dignes de Léo Ferré. Le poète de La mémoire et la mer détestait lui aussi le « jazz d’ascenseur ». Mais davantage que dans ses recueils précédents, on repère dans ce long dépli des instants de parole au premier degré, tantôt suffoquées et tantôt criées : « mais je peux me tromper… je l’ai bien senti… il fallait s’y attendre… je n’en peux plus de composer… très peu pour moi… ». Et c’est là, dans ce qui échappe au flux linéaire de l’écrit pour être dit sans artifice, que l’auteur nous confesse ses faiblesses et ses forces. Comme l’anonyme de Dostoïevski qui voulait être quelqu’un. Mais comment, comment, comment, sans rien trahir ? (Dominique Boudou)

(D.S.)

 

Charles Akopian, L'intime au tamis. L'Harmattan, Novembre 2023 (101 p., 13 €)

Deux parties - « Des Encres vives» et « Au cœur de la rimaye » - composent « L'intime au tamis ». Un florilège choisi parmi les 5 recueils publiés aux éditions « Encres vives » suivi d'un ensemble inédit faisant référence à « la crevasse qui sépare un glacier de son névé» - la rimaye - pour exprimer combien l'écriture peut être ce qui dans une vie sépare le quotidien du temps de vivre avec les autres. Le tutoiement du « Coût des autres» qui termine le recueil pourrait être la conscience de cette faille. L'intime passé au tamis en quelque sorte.

 

Tu reviens de cette terre

Où tu n'es jamais allé

 

Pour rejoindre la jeunesse

De ceux qui t'ont précédé

 

À chacun son tour de chauffe

Pour apprivoiser les calques

 

Dont les images préfigurent

Un avenir qui réconcilie

(É.C.)

 

 

Revues

Poésie/première n° 88 (juin 2024)

Le thème de ce numéro, fil-rouge des essais, entretiens, et créations qui le composent, comme le montre avec adresse dans son éditorial la rédactrice en chef de la revue, Martine Morillon-Carreau, est : Le dehors et le dedans. Sujet profond qui engage la nature même de l’acte créateur et en particulier de l’écriture poétique. Elle assume une mission existentielle vitale pour l’homme, d’après ce que conclut Gérard Mottet dans on essai philosophico-esthétique : « … la poésie pourrait bien apparaître comme tentation et tentative de revenir vers cet en-deçà fusionnel où monde sensible et sensibilité du moi se redécouvrent, au bout du chemin, comme les deux faces, visible et invisible – surface et profondeur – d’une même réalité ». Passionnant aussi son dialogue avec Jacqueline Saint-Jean, assorti de quelques poèmes de celle-ci. Pour sa part, Dominique Zinenberg nous fait croire, en partant d’une analyse sémantico-stylistique, en le détachement ultime qu’expérimente le poète : « cet exilé qui, par l’écriture, dans cet autre lâcher-prise où transe dans lesquels il est plongé, reconquiert l’expérience vécue par la force de son art détaché du dehors, détaché du dedans » – en prenant exemple sur Hölderlin qu’elle cite à la fin. Les dossiers dédiés par des poètes à des poètes sont révélateurs d’une sorte d’esthétisme vécu en destin… ainsi : Jaqueline Persini (sur Georges Pérec), Bernard Fournier (sur Nohad Salameh), Pascal Mora (sur les poètes du « romantisme noir » réunis dans l’anthologie de Jean Cadas, alias Pierre Gourdé, ainsi que sur Jean-Luc Maxence, par le biais d’un entretien), Michèle Duclos (sur Ruth Fainlight), Rémi Madar (sur Frédéric Tison).

Parmi les auteurs regroupés dans les deux sections « poésie » du numéro – Moments poétiques, et Poésie plurielle – remarquons : Béatrie Pailler, Ara Alexandre Shishmanian, Isabelle Normand, Martine Rouhart, Luc Marsal, Nastasia Rougani, Emmanuel Robic, Bernard Colas. Mention spéciale : le choix de poèmes de Frédéric Tison, par Claire Boitel, et la nouvelle version (restaurée) du poème La guerre d’Alain Duault.

De nombreuses notes de lecture complètent efficacement ce numéro remarquable.

 

Les Amis de Thalie, n° 120 (juin 2024)

Ce nouveau numéro de la belle revue dirigée par Nathalie Lescop-Boewillwald, toujours imprimé en grand format dans d’excellentes conditions graphiques – avec en couverture un collage de Nathalie – se situe sous le signe de son éditorial qui rappelle, sous sa plume lucide et inspirée, combien le monde dans lequel nous vivons, aussi dangereux et délétère qu’il soit, est hélas notre produit en tant qu’humains : « Nous avons participé tout au long des siècles à l’avènement d’une ère égotique, profondément individualiste, om seuls l’argent et le pouvoir règnent en maître ! (…) Vivre ce n’est pas asservir, régner, détruire mais bien être présence au monde à l’autre à soi… »

Il nous faut retrouver notre humanité vraie, car il y a urgence, comme le dit si bien Christian Boewillwald dans son texte intitulé Si nous savions l’âme des choses : « Alors pour quetter une dernière fois les odeurs des miels, les parfums des écumes dans le souffle de l’été, il nous reste à écrire dans la nuit aux étoiles qui s’éteignent et au vent qui se meurt, car demain tous les ciels rougiront sans soleil, et nous n’aurons plus comme rêve que celui d’être loin, sommeillant dans les pages des livres… » (p. 29).

C’est en cela que s’affirme la vocation unique de la poésie, et les auteurs présents dans ce numéro l’illustrent bien, par leurs poèmes : Serge Césarus, Michel Santune, Bernard Guillois, Bernard Bösiger, Roger Foucaud, Pascal Lecordier, Michel Bénard, Aude Gorce, Robert Parron, Jean-Loup Seban, Agnès Figueras-Lenattier, Moïse Coussement, Jean-Paul Pelle, Matthieu Gamel, Marie-Louise Putin, Ara Alexandre Shishmanian, Philippe Veyrounes, Michel Lagrange, Michèle Bourguétou, Robet Buffat, Philippe Pauthonier, Katell Cornelio, Sandrine Autant, Salvatore Gucciardo, Liliane Codent, Marie-Claude Puyobro, Jeanne Champel Grenier.

Dossiers – entretiens – chronqiues : Pierre Guérande sur Patrice de la Tour du Pin, Pierre Mironer sur Marie Laurencin, Jeanne Champel Grenier sur Gérard Paris et sur Pierre Guérande, Barbara Auzou sur Jeanne Champel Grenier, Nathalie Lescop-Boewillwald sur Pol Longrée, l’entretien d’Amandine Gouttefarde-Rousseau avec Damaris Memory – avec aussi quelques-uns de ses poèmes –, et enfin, l’hommage de Michel Bénard au sculpteur poète Étienne Fatras.

 

Nouveaux délits, n° 78 (avril 2024)

L’édito de Cathy Garcia Canalès dit tout de ce que le poète ressent en ces temps troubles :

« Cet édito ne m’est pas aisé car j’ai perdu les mots. Cela arrive et ce n’est pas grave même si la cause en est un excès de maux qui dépasse la capacité — même pour une poète bien noire comme je peux l’être — d’assimilation et de transmutation, et ce n’est pas la démence épuisante des décideurs du monde qui va me faire retrouver l’art des mots pirouettes. 

J’ai perdu les mots mais les silences font des trous dans le temps, plongent au plus profond de sources insoupçonnées et ramènent dans leurs filets tendus à vif, une poignée de sable : l’essence de soi et des vibrations qui tournent autour des anciens mots, forment un tourbillon et les décapent jusqu’à l’os. Le reste est à brûler, brûler pour renaître, libre des mots radotés, des mots enkystés, des mots qui nous entravent, nous enferment dans les cachots de nos histoires. 

Et après le labeur des silences, viendront les mots nouveaux, les mots graines. »

Les poètes de ce numéro : Jean-Jacques Camy, A. Celnetz, Alain Lasverne, Yve Bressande, Ahmed Elalfy, Marine Giangregorio, Estelle Cantala.

L’illustratrice : Alissa Thor, dont on lit une poignante profession de foi :  

« Je peins pour que vous vous arrêtiez, pour aller vers vous, pour faire face. Je peins pour que les mots viennent, et la douceur, et la violence, et les corps tout ensemble. Je peins pour que quelque chose se passe. Quelque chose entre nous, d’intime et de sauvage. »

Son site : https://alissathor.wixsite.com/alissathor.

 

(D.S.)

 

JANVIER – MARS 2024

 

Recueils / Revues / Essais

Sélection et présentation : Dana Shishmanian

 

Recueils

Parutions des Éditions Encres vives (dans la succession de Michel Cosem), de novembre 2023 à mars 2024 :

 

Spécial Michel Cosem. Une vie consacrée à la poésie (collection Encres vives n° 529, novembre 2023)

Sous la supervision de Annie Bret, avec les contributions de : Annie Briet, Éric Chassefière, Jean-Louis Clarac, Chantal Danjou, Gilles Lades, Claire Légat, Cédric Le Penven, Jacqueline Saint-Jean, Christian Saint-Paul.

Ce premier numéro de la nouvelle série, conçu par l’ancien et le nouveau comité de rédaction réunis auprès d’Éric Chassefière, est composé de textes et témoignages de poètes du comité de rédaction ancien et nouveau.


Michel Cosem, L’heure de la tourterelle. Préface de Annie Bret (collection Encres vives n° 530, décembre 2023)

Ce numéro – le deuxième de la nouvelle série – présente les derniers poèmes de Michel Cosem. Retrouvés par sa compagne Annie Bret, ils trouvent leur juste place dans la collection Encres vives. Ce numéro contient aussi une bibliographie exhaustive de l’œuvre poétique de Michel Cosem.

 

Véronique Joyaux, Si loin si proche (collection Encres vives n° 531, janvier 2024)

« Une sensibilité à fleur de mots. J'aime cette ouverture au monde, au désir de vivre (…) Votre écriture me touche par sa sobriété, y viennent se prendre les gestes, les paroles de ce quotidien qui est bien plus que le décor de nos vies. Il y a chez vous un sens de l'infime et du devenir » - Jacques Ancet.

« Votre poésie est simple comme l'eau. J'aime votre sensibilité au détail, au tout-venant de vivre. » - Antoine Émaz.

« Chez elle, tout est signe, tout est tendresse, douceur, chaleur, corps blottis, mais elle sait préserver, sous la peau vive, le secret, faire silence » - Jacqueline Brégeault-Tariel.

« Une écriture proche de jean Rousselot (...) Tout se déroule dans la douceur, dans l'éphémère, dans l'infime, mais, parfois, une fêlure. » - Daniel Martinez.

« Le poème se déroule, dépouillé et d'une grande rigueur. On pense à Follain ou Antoine Émaz. » - Georges Bonnet.

Née en 1953, Véronique Joyaux habite Poitiers où elle a enseigné. Auteure de poèmes, textes d'expositions, livres d'artistes (collaboration), une vingtaine de nouvelles publiées dans la revue Diérèse.

 

Alain Brissiaud, Toute la misère (collection Encres vives n° 532, février 2024).

Autrement dit l’attente du ciel rouge

la vieillesse

mais d'abord l'incendie

celui du sacrifice

derniers mots chuchotés au miroir

le miroir d'avant le feu

juste avant qu'il ne s'efface

dans le sommeil des enfants

Alain Brissiaud travaille la terre dans le sud de la Drôme.

 

Bernard Malinvaud, Les chemins des eaux vives (collection Encres vives n° 533, mars 2024).

« Ces poèmes ont une histoire qui s’appelle Michel Cosem. » Proposés à Encres vives avant la disparition de leur fondateur, ces poèmes retrouvent la collection relancée par Éric Chassefière et le comité de rédaction renouvelé.

Bernard Malinvaud est né à Limoges en 1952. L’écriture l’a accompagné tout au long de sa vie.

 

Denis Hamel, Soixante caprices pour esprit désaccordé (collection Encres blanches n° 808, février 2024)

Poèmes écrits entre 1999 et 2008, retrouvés, écrémés et retravaillés, témoignage d’une période troublée et incertaine de la vie de l’auteur, marquée par la solitude et le doute.

Né en 1973, Denis Hamel a publié trois recueils de poème et un récit.

 

Éric Chassefière, Penser l’infini. Éditions Rafael de Surtis, mars 2024 (19 €)

« Un espace de temps entre deux vies, la moitié d’un double-living transformée en chambre, l’autre en salon de musique, avec le piano dont on ne se sépare pas, côté chambre un canapé lit qu’on ne replie pas dans la journée, une table basse au plateau de verre, sur la table une lampe, un livre, face au lit une porte-fenêtre donnant sur un balcon, appuyé au mur sur le côté un haut miroir reflétant la lampe, sur le balcon des pots aux plantes élancées disposées le long du garde-corps, apportées là de l’ancien jardin, et destinées à un autre qui n’existe pas encore, jardin léger de l’entre-deux temps, le large feuillage de la cime d’un pin face au balcon qu’il vient presque toucher, occultant une partie du ciel, le ciel aux lentes métamorphoses de la lumière, voûte du jour entier, dans sa profondeur comme dans sa temporalité, que mouettes, pies et tourterelles bercent de leurs vols en un incessant ballet, le bruissement du vent dans le fin rideau de plantes du balcon et dans l’arbre proche, les voix mêlées de ces oiseaux dans l’immensité de l’écoute, le jeu de l’ombre et de la lumière sur les feuilles, ces deux fauteuils sur le balcon, dans lesquels venir s’asseoir, faire seuil de sa présence, mémoire de sa vie, n’être qu’être, écouter et voir, penser l’infini, les deux infinis, celui de la profondeur de soi, celui de l’immensité du ciel, les penser ensemble, les relier d’un trait de souffle. »

 

La poésie contemporaine albanaise. Anthologie de Reshat Sahitaj. Traducteurs : Adem Xheladini, Behare Rexhepi, Ismail Ismaili. L’Harmattan (collection Accent tonique), mars 2024 (136 p., 14 €).

Soixante-quinze poètes de langue albanaise sont rassemblés dans cette anthologie contemporaine pour nous faire connaître un art poétique très populaire, embrassant les idées et les sentiments des peuples d’Albanie, du Kosovo et de Macédoine du Nord. Contre l’oppression et la censure des périodes antérieures, la liberté d’expression retrouvée pousse de nombreux et nouveaux poètes à écrire. Un esprit de liberté et de renouveau flotte sur ces poèmes et ouvre de vraies possibilités de coopération entre poètes de langue albanaise et avec d’autres pays d’Europe. Les grands thèmes poétiques sont présents mais également des sujets émergents comme la place des femmes ou la méditation sur l’avenir. Les poètes albanais appellent à l’éveil des consciences face aux démons de notre époque en insufflant à leur poésie des intuitions originales où les vers respirent les rythmes et la sensibilité modernes.

 

Colette Nys-Mazure, La Grâce et Le Rencontre. Éditions Poesis - la page. (Distribution Pollen Diffusion), mars 2024 (16 p., 5 €)

« La grâce surgit aussi en marchant par la campagne ou les rues, en croisant un visage étranger ou connu, à l’écoute d’une musique échappée d’une fenêtre entrouverte. » Colette Nys-Mazure nous offre dans cet ouvrage, une réflexion sur la grâce, nourrie dès l’enfance par ses premiers émerveillements devant la nature, mais aussi ressentie au fil du temps de manière quotidienne, lors d’une simple rencontre, celle d’une silhouette furtivement aperçue ou d’œuvres d’art aux résonnances inoubliables. Elle nous livre également une réflexion sur le rôle fondamental de la poésie vécue, enrichie par la lecture et l’écriture.

 

Henri Gilbert, L'immensité intime. Éditions Poesis - la page (Distribution Pollen Diffusion), mars 2024 (160 p., 19 €)

L’« immensité intime », expression empruntée au philosophe Gaston Bachelard, est la rencontre d’un individu et de son environnement : elle définit ces moments où nous sommes dans le paysage et où le paysage est en nous. Un dialogue s’instaure alors entre notre sensibilité et la nature, et l’espace du dedans et du dehors. Dans cet essai vagabond, l’auteur fait appel à des œuvres variées (romans, poèmes, tableaux, films, chansons…) afin d’explorer l’infinie richesse de ce dialogue. Le lecteur peut ainsi cheminer, entre intériorité et ouverture au monde, avec les peintres Caspar David Friedrich et Shitao, les écrivains Chateaubriand et J.M.G. Le Clézio, la chanteuse folk Joni Mitchell, le poète René Guy Cadou, le plasticien du land art Nils-Udo… et bien d’autres artistes. Cet ouvrage propose de forger un imaginaire où le paysage ne constitue plus un simple décor mais relève d’une expérience intime, sensorielle et spirituelle à la fois.

 

Pascal Perrot, Les mémoires assassines. Éditions du Cygne, mars 2024 (60 p., 12 €)

Confinement, Emily Dickinson, cut-up: trois mots clés, à lorigine de ce recueil atypique. Pourtant, Les mémoires assassines n’évoque en rien le premier; son écriture ne sapparente pas davantage au style de la géniale poétesse américaine du XIXe siècle. Il ne prolonge pas non plus les fascinantes expériences littéraires des poètes beatniks. Paradoxe? Oxymore? Ce ne sont que les premiers dune longue série, dans un univers où les contraires cohabitent en permanence, dans un maelstrom dimages et de mots.

Enfermé, isolé, gavé de petit écran et de lectures éclectiques, les quatrains d’Emily Dickinson constituent pour le poète un choc et une impulsion de départ. Pendant deux ans, il écrira en direct sur les murs des réseaux sociaux jusqu’à cinq poèmes courts quotidiens. Une matière qu’il laisse ensuite reposer quelque temps. Sortir les textes d’Internet, les numéroter (1612 à ce jour!) par ordre dapparition; ce travail darchivage fait naître une idée folle, celle dun gigantesque cut-up à ciel ouvert. Créer des séries de quatre chiffres (compris entre 1 et 1612), chacun d’entre eux correspondant à un poème bref. Chaque série assemblée forme de façon presque aléatoire un nouveau texte qui sera affiné, élagué. Les thématiques, les images, les styles s’interpellent et se font écho, s’interpénètrent dans une dimension textuelle connectée à l’inconscient par ces gestes de hasard.

 

Yvon Le Men, Les continents sont des radeaux perdus. Éditions Bruno Doucey, mars 2024 (192 p., 8,90 €)

Quand Yvon Le Men parle de son enfance dans le Trégor, de son père trop tôt parti, de sa mère chevillée au réel, de la pauvreté, des galères et des guerres, la lumière dessine des rigoles sur son visage. Mon ami a alors le coeur à marée basse. Mais écoutez parler de poésie et de peinture, de Guillevic ou de Claude Vigée, de Millet, de Rembrandt ou d’Hokusai, accompagnez-le dans le récit de ses voyages, en Haïti, en Afrique ou en Chine, et vous verrez la marée battre les digues de la mélancolie. Quand la voile du poème se gonfle, Yvon n’est jamais seul à monter à bord. Il embarque les autres pour un voyage à travers mots, relie les pays et les langues, les terres et le ciel, les paysages immenses et les choses minuscules. Et s’il part, c’est pour revenir, le regard empli d’autres promesses.

 

Grâce... Livre des heures poétiques. Anthologie établie et préface par Bruno Doucey & Thierry Renard. Éditions Bruno Doucey, février 2024 (272 p., 20 €)

118 poètes parmi lesquels : Garous Abdolmalekian, Olivier Adam,  Maram al-Masri, Victoria Amelina, Katerina Apostolopoulou, Samantha Barendson, Stéphane Bataillon, Gilles Baudry, Brigitte Baumié, Gioconda Belli, Nawel Ben Kraïem, Jeanne Benameur, Levent Beskardès, Christian Bobin, Caroline Boidé, Katia Bouchoueva, Georges Brassens, Didier Cahen, Hélène Cadou, René Guy Cadou, Emanuel Campo, Roja Chamankar, François Cheng, Marion Collé, Hélène Dorion, Estelle Dumortier, Louise Dupré, Mohammed El Amraoui, Eom Won-tae, Albane Gellé, David Giannoni, Xavier Grall, Elisabeth Granjon, Sophie Grenaud, Ève Guerra, Hubert Haddad, Nâzım Hikmet, Marie Huot, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Vénus Khoury-Ghata, Christophe La Posta, Yvon Le Men, Denise Levertov, Laura Lutard, Maria Mercé Marçal, Jidi Majia, Rita Mestokosho, Aksinia Mihaylova, Hala Mohammad, Marie Nimier, Carl Norac, Simon Ortiz, Orianne Papin, Marie Pavlenko, Anthony Phelps, Paola Pigani, Dimitri Porcu, Karine Reysset, Arthur Scanu, Jean‑Pierre Siméon, Valeriu Stancu, Ceija Stojka, Murielle Szac, Hadassa Tal, Maud Thiria, André Velter, Claude Vigée, Ella Yevtouchenko...

 

Hadassa Tal, Danse danse sinon nous sommes perdus. Traduit de l'hébreu par Eglal Errer. Éditions Bruno Doucey, février 2024 (72 p., 14 €)

Hadassa Tal ne cite pas son nom, mais tout désigne celle qui a révolutionné les codes de la danse à partir des années 1970. Le café Müller, théâtre de son enfance à Solingen, devenu le titre d’une de ses œuvres, son goût de la musique et de la chanson, sa façon d’insuffler la vie sur scène. Pina Bausch n’est pas nommée mais elle traverse ce livre comme elle habitait tout espace scénique : par petites touches, inventive et légère, toute en déséquilibres maîtrisés, dans une gestuelle inouïe, quasi hypnotique, qui s’apparentait souvent à une tentative d’envol vers le bonheur. Les mots aussi dansent sur le papier. Ils s’arrachent à la matière inerte, saisissent le mouvement sans le retenir, s’élèvent au-dessus des peines. Ils dansent, dansent, pour ne pas disparaître dans l’infini des étoiles.

« Hypnotique le mouvement
des mains
qui défont
une écharpe fait apparaître dans l’obscurité
une tête savonnée de lumière

elle bouge,
sa chair ajoute des notes anciennes
nouvelles nées
une planète minuscule enveloppée de vide
assez grande pour danser »

 

Éric Dubois, Nul ne sait l’ampleur. Éditions Unicité, février 2024 (46 p., 12 €).

Je partage avec la lumière
l'envie de me reposer
à l'ombre de quelque arbre
de porter au bout des bras
des fruits magiques
et des fleurs épiques

Je donnerai tout mon être
à l'explication des sentinelles
qui veillent sur tous les silos
aux esprits miraculés du bonheur
aux anges perdus de l'amour

Voir des extraits du recueil, accompagnés de peintures de l’auteur, à notre rubrique Creaphonie de ce même numéro.

 

Richard Taillefer, Les invisibles. Éditions Gros textes, février 2024 (76 p., 8 €)

« …Il nous faudra rester caché du regard du vulgaire. J’entends, tambours et trompettes dans toutes les rues de nos villages nous annoncer l’orage sur nos têtes. Mais je vous le demande, qui suis-je, qui sommes-nous ? je ne suis qu’un solitaire qui va et vient.  Vieillard aux cheveux blancs, je repose auprès des nuages et je bois tout seul sans un ami pour m’accompagner …/… Derrière ces portes closes aux visages masqués combien de tragédies se succèdent, hélas. Toujours ne rien dire, ne rien voir, rester à l’écoute des ordres et contre-ordres des expertises des toutpuissants. Aux portes de la capitale, les mains unies nous croisons des regards tournés vers de lointains voyages ». (extrait)

Voir la chronique de Jacmo (Jacques Morin) dans Décharge - Revue de poésie (dechargelarevue.com).

 

Tu risques l'étoile. Anthologie poétique pour célébrer le dixième anniversaire de l'Espace Andrée Chedid. Éditions érès, février 2024 (88 p., 15 €)

À l’occasion du 10e anniversaire de l’Espace André Chedid, cette anthologie rassemble des contributions de poètes et écrivains invités, des textes issus d’ateliers d’écriture et des créations de poètes en résidence. Il s’inscrit dans le sillage du recueil Oser encore (érès, 2020).

Cet ouvrage témoigne de l’activité culturelle bouillonnante de l’Espace Andrée Chedid dans ses différents champs d’exploration et restitue en poésie l’esprit du lieu. Aux côtés d’auteurs confirmés et de poètes en résidence qui ont été accueillis, une place est réservée aux amateurs aussi passionnés qu’éclairés. En résonnant de concert, toutes ces voix montrent comment l’espace est devenu un véritable laboratoire des Droits culturels, avançant sur ces « sentiers de lumière » si chers à Andrée Chedid.

L'Espace Andrée Chedid est un établissement ouvert en 2014 par la ville d'Issy-les-Moulineaux et qui, géré par l'association Cultures, Loisirs, Animation de cette ville (CLAVIM), impulse, coordonne des animations poétiques et philosophiques, et propose spectacles, lectures, mises en espace, théâtre d'objets, marionnettes ou contes. Ouverte à toutes les configurations familiales, l'EAC s'adresse aussi bien aux enfants, aux adolescents, parents et grands-parents.

 

Anna Maria Celli, Fulena. Éditions Fior di Carta, février 2024 (10 €)

Voir son site et sa page d’autrice aux Éditions Douro, admirer ses poèmes et réalisations graphiques sur sa page Facebook.

 

Cathy Jurado, Intérieur nuit. Éditions L’ail des ours, février 2024 (10,50 €). Couverture par Anne Slacik

Intérieur nuit est un récit crépusculaire : celui d’une perte, qui est aussi une renaissance. Entre chien et loup, la langue y cherche le chemin d’une géographie fantôme, les contours de l’amour lorsqu’il nous quitte. On tente d’entrevoir, par la fenêtre du poème, la forme d’un exil que dessinent, à l’intérieur de soi, ceux que l’on doit laisser partir. Et de chanter le monde qui meurt, avec celui qui vient.

 

Sabine Péglion, Cet au-delà de l’ombre. Éditions L’ail des ours, janvier 2024 (10,50 €).

Sans toi
il nous faut désormais
poursuivre la traversée
Ce que tu fus demeure
chante encore en moi
Ne meurt que l’apparence

Née à Monaco, Sabine Péglion vit en région parisienne. Des études de lettres à Nice et un doctorat sur l’œuvre de Philippe Jaccottet à la Sorbonne lui ont permis de concilier écriture, poésie et enseignement.

 

Alena Meas, Pour toi. Éditions Unicité, janvier 2024 (326 p., 20 €)

Avec ce nouveau recueil, Alena Meas nous raconte un amour passé, déchiré. Les poèmes sont comme autant de cris sourds et écrits dans une langue dépouillée de tout artifice. Ils expriment l’ineffable au bord de la folie qui ne dit jamais son nom pour aimer à ce point dans la transparence des choses ensevelissant la mémoire pour mieux la faire renaître de ses racines.

Chaque poème est maîtrisé au plus haut point comme un cadeau que nous fait l’auteure qui est revenue du plus sombre, du plus sublime, du plus beau.

Chaque poème est une trace derrière l’invisible, qui nous émeut parce qu’il met quelque chose en péril enfoui en nous.

L’auteure nous a écrit un amour au-delà des mots, et pourtant les mots sont là, dans la douleur qui, paradoxalement, frise une sorte de joie que le lecteur éprouve à son insu.

 

Isabelle Poncet-Rimaud, L’écorce du silence. Éditions Unicité, janvier 2024 (106 p., 13 €)

C'est arrivé comme ça :
Le vent épluchait le silence
sur l'arbre des vies...
Des morceaux d'écorce tombaient
formant doucement tapis
où poser pied tant que continuerait
la marche.
C'est arrivé comme ça :
Et depuis, j'écoute craquer le bois du monde
et son chant nourrir le feu des jours...

Et si des silences imparfaits du monde naissait la parole, celle de l'être enfoui sous l'écorce
des apparences ?

 

Céline De-Saër, Tremblement d’éther. Éditions Unicité, janvier 2024 (72 p., 13 €). 

Céline a la passion poétique en elle. Elle a raison. La poésie est toujours un risque calculé. La passion l’emporte sur le calcul à la fin.

C’est le matin dans son premier livre. Matin de mer, de ciel, de vent. On est au nord. Il y a même la table des marées disposée en poème.

Il y a chez Céline à la fois le sens de la « tribu », des autres, de la chaîne qui nous unit aux ancêtres, comme du « moi » et du « toi » qui noue notre relation lyrique au monde.

Les phrases sont courtes, à l’infinitif quelquefois, il s’agit de « crier dans le ciel crevé de colère. » À chaque page, à chaque aube suffit sa peine, son interjection.

Céline a raison de s’être engagée dans un long voyage. (Postface de Jacques Darras).

 

Parutions de Toi Éditions, janvier 2024 :

Bruno Mabille, L’amour des idées. (68 p., 12 €)

Bruno Mabille a longtemps vécu en région parisienne où il fut secrétaire général du groupe Gallimard. Il a publié plusieurs livres principalement de poésie et reçu le prix Louise Labé en 2012 pour À celle qui s’avance.  Dans son nouveau recueil L’amour des idées, Bruno Mabille nous emmène sur sa vision et philosophie de la vie. Chaque texte se tient entre les mains, nourrit et dialogue avec nous sur l’hier, le présent, la beauté, le bonheur, la mort… Le poète transmet ses idées que nous prolongeons de nos lectures. Vient à mourir le fruit d'un mouvement pluriel.

 

Martine Rouhart, Des chemins pleins de départs. (72 p., 12 €)

Martine Rouhart, romancière et poète a publié une quinzaine d’ouvrages et contribue à des revues littéraires belges et françaises. Aimant faire dialoguer les différentes formes d’art, elle collabore régulièrement à des œuvres d’artistes. Elle est Vice-Présidente de l’Association des Écrivains belges Dans son nouveau recueil elle nous offre l’énergie de ses textes courts et denses, en quête du mot juste. Elle sème chacun d’entre eux sur les mouvements de la vie et fait naître en nous...

 

Parme Ceriset, Nuit sauvage et ardente. Éditions du Cygne, janvier 2024 (100 p. 13 €)

Feu de la guerre contre le non-sens, feu des passions, nuit ardente de condition humaine qu’embrase depuis l’aube des temps l’espoir indomptable des louves, des Amazones, et de leurs amants... Liberté si fragile, perdue puis retrouvée au sein de la nature sauvage, des hauts plateaux de la vie et du temps. Cette femme éternelle, à la fois déesse et mortelle, est-elle libre ? C’est dans cette ambiance incandescente qu’évoluent les mots de Parme Ceriset.

Parme Ceriset vit entre Lyon et le Vercors. Médecin de formation, elle a été sauvée en 2008 par une greffe des poumons après quatre ans sous oxygène. Elle est l’auteure de plusieurs autres ouvrages dont les recueils Boire la lumière à la source (éditions du Cygne), Femme d’eau et d’étoiles (éditions Bleu d’encre, prix Marceline Desbordes-Valmore 2021), le roman autobiographique Le Serment de l’espoir (L’Harmattan).

 

Hamid Larbi, Les florilèges du mirage. Éditions du Cygne, janvier 2024 (72 p., 13 €)

En ces moments dramatiques où les conflits entre les civilisations entrent en mouvement, où la vision de l’unité de l’humanité chavire, occultée par les schismes à venir, la poésie de Hamid Larbi poursuit sa quête des essences lumineuses face aux mirages après un dramatique passage initiatique sous l’implacable duo de la mer et du soleil... Restent les splendeurs de Lumière que l’on guette à travers les florilèges, les reflets, les scintillements, les idées, les appels malgré les ébats ténébreux des ombres, ces servantes malignes à première vue que la promesse de l’aube dissiperait un jour. (Dmytro Chystiak)

 

Diane Régimbald, Elle voudrait l’ailleurs encore. Avec des œuvres de Sophie Lanctôt. Éditions du Noroît, janvier 2024 ($24.95)

Être fille, devenir mère, être fille toujours. Elle voudrait l’ailleurs encore joue avec la permutation du féminin dans un continuum de renversement. Quelle est la force vive de la mère, quelle est sa langue, sa volonté de puissance et d’absence ? Où s’échappe la fille, avec ses failles et ses cicatrices, dans son désir inassouvi de l’ailleurs ? Le recueil plonge dans l’expérience de la maternité, révélant la douleur de la perte de la mère et les complexités de l’amour filial. Donner la vie, (se) donner la mort, est-ce bien cela, faire corps avec l’amour du vivant ? La poésie de Diane Régimbald offre une traversée singulière dans les espaces de mémoire où se nouent des récits de femmes et leur soif de liberté à la rencontre plurielle d’elles-mêmes.

 

Parutions d’Échappée belle édition, collection Ouvre-boîtes (poésie), janvier 2024 :

Luc Marsal, Les neiges éternelles (46 p., 10 €)

Luc Marsal traverse la vie comme on remonte un fleuve. À chaque pas, il observe, s’émeut, saisit l’instant et dépose des mots, fragments universels, qui scintillent au grand jour : ses « neiges éternelles ». Des blessures de l’enfance jusqu’à la volonté farouche de vivre malgré les vents contraires, le poète trouve dans la poésie un exutoire pour sublimer et partager ce qui fait pour lui le sel de la vie. 

 

Joëlle Richard, Perdre des plumes. Partir Les retrouver (67 p., 10 €)

…Pourquoi retient-on certains événements et pas d’autres ? Comment les lieux façonnent-ils nos personnalités ? Entre identité, déracinement et temporalités qui s’entrechoquent, les spectres s’invitent, le besoin de raconter se fait impérieux. Mais les images zombies qui s’imposent n’ont pas de rouge à lèvres, elles ne se sont pas faites belles pour qu’on les couche sur le papier... Loin de proposer une image d’Épinal de la Suisse, Perdre des plumes – partir – les retrouver convoque nos disparues, nos extrêmes, nos passions, entre joie intense et noir profond, et s’appuie sur le particulier pour tendre à l’universel, vers quelque chose qui ressemble fichtrement à la vie.

 

Parutions aux éditions Nouveaux délits, janvier 2024 :

Josette Soulas Moyes, Des ombres et des anges

Pierre Melendez, Soliflore 136

Isabelle Grosse, Soliflore 135

Louise Brun, Soliflore 134

Philippe Minot, Soliflore 133

 

Parutions aux éditions L’Harmattan, poésie, janvier 2024 :

Philippe Sabourdy, Volonté dans le noir enlisée. Le livre de deuil (70 p., 11 €)

Ce livre de deuil comporte de nombreux échos : entre des sonorités au sein d’un même vers, entre des mots dans plusieurs poèmes, mais aussi dans la structure même du recueil. En effet, les deux parties portant le titre Cartes postales se répondent comme sous l’action d’un miroir, de même que les deux parties intitulées Le cancer. Le livre expose le cheminement intérieur d’un homme ayant perdu un être cher, et les conclusions douloureuses qui viennent peser sur lui qui est encore en vie, sur lui qui est resté en arrière, transi de peine, au centre d’une absence que rien ne vient combler. Le titre du livre s’applique donc à la fois à l’auteur et à son sujet.

 

Jean-Yves Lenoir, Un temps de grammaire (collection Accent tonique, 78 p., 12 €)

Il fait «un temps de grammaire», disait LInstituteur. Les nuages venaient de lAtlantique, samoncelaient au-dessus des campagnes, formant des grappes qui ressemblaient aux baies de sureau que lon voit à l’été, à lautomne, sattacher aux tiges rouges des arbres et s’égrener, se défaire, sattacher encore. «Un temps de grammaire» était le signe quil fallait regagner le logis, sinstaller sous la lampe du bureau et se mettre au travail. Lire, écrire, jouer au prestidigitateur devant les feuillets de son cahier.  Trente poèmes en prose, au fil desquels l’auteur parcourt les campagnes, les halliers, les bois, et la Loire, le grand fleuve, tandis qu’il nous livre les éclats de ses amours, la douceur de ses prières, son émerveillement devant son village, devant la nature. Ainsi chante constamment une mélodie élégante, celle des syllabes, des mots, de la grammaire : la langue française.

 

Dominique Zins, Dévoilement. Suivi de Ce qu’ignore le scribe (90 p., 13 €)

Dévoilement

…Quand l’homme-machine l’emportera sur l’être de chair
Quand les oracles de la toute-Prévoyance auront ordonné en tout point le cours apparent des choses 
Quand le choix sera de s’abêtir pour oublier la servitude
de s’auto-détruire pour échapper à la soumission
d’entrer en dissidence, de lutter sans espoir ou de mourir,
Quand la vie semblera privée de sens,
alors sera venu le temps de la libération…

Ce qu’ignore le scribe 

«Donner corps au mot qui gît là, exténué par trop dusage, dessinant sur son onde des figures inconnues», telle est la quête du scribe, tout occupé à rechercher la part manquante dans le fût dalcool vieilli ou dans le kaléidoscope dimpressions, de sensations, dimages du quotidien. »

 

Marilyne Bertoncini et Ghislaine Lejard, À fleur de bitume. Itinéraires urbains. Poèmes (avec des photographies de Marilyne Bertoncini). Lieux-dits éditions, 1er trimestre 2024 (20 €).

« Sous l’œil intrigué d’un oiseau qui se tait, deux voix errantes, à travers les rues d’une ville sans nom, accordent ici leur rêverie et leur chant. Deux voix de sœurs très proches, en quête de lumière. » (Extrait de la préface de Jacques Robinet)

 

Frédéric Dieu, Car le jour touche à son terme. Éditions Corlevour, décembre 2023 (80 p., 15 )

Car le jour touche à son terme est composé de treize textes répartis en trois mouvements qui font entendre le souffle et partager la foulée, tantôt courts tantôt amples, de ces êtres que poursuivent l’abandon et sa violence. Ils s’accrochent aux terres anciennes, qu’elles soient héritées ou confisquées (c’est l’arrière-pays de la première partie) ; ils empruntent aussi la voie de leur disparition, qu’elle soit sans issue ou sans retour ; ils consentent enfin, peut-être, à ce que la lumière ne vienne plus du jour mais de son terme. Alors peut arriver un soir inespéré, de gratitude et de visitation. Car le jour touche à son terme est porté par une écriture attachée à dire l’effondrement aussi bien que le relèvement, une écriture qui est dépouillement (notamment dans son lexique) aussi bien que vêtement (notamment dans son ampleur).

 

Nathalie Swan, Innombrable en ta lumière. Éditions Corlevour, décembre 2023 (128 p., 16 )

« La "charge d’âme" en quête du «lieu» où sincarner est le seul acte qui importe aux humains. Que nous en soyons conscients ou pas, il nous oblige, tant il est vrai que le poème ne parle jamais que damour. Il est notre unique séjour, notre orgasme et le creuset de nos tourments. Lidentifier au fait de vivre, de créer ou de bâtir cest reconnaître que lamour crée l’âme, de même que la terre crée la vie. Lamour est énergie. Lintuition du ressourcement en soi, en Dieu ou dans les molécules du hasard sera toujours pour les hommes la révélation des révélations. D’après nos mythologies relatives à l’âme et l’esprit, c’est du dehors que la vie est provignée. Appréhender ainsi la vie et l’amour est très séduisant, car nous nous offrons la transcendance à peu de frais. Or, rien n’est plus faux. Innombrable en ta lumière de Nathalie Swan nous fait voir le contraire. » (Extrait de la préface de Nimrod).

 

Anne Barbusse, Recluse. Éditions PVST (Pourquoi viens-tu si tard ?), décembre 2023 (68 p., 12 €)

Ce qu'il reste d'une bergerie ardéchoise au seuil du nouveau millénaire, dans l'après-confinement du monde.

Ce que peut représenter une bergerie pour celle qui, sans famille, est en quête d'un pays natal et d'une terre essentielle, malgré le saccage écologique et les douleurs.

 

Christoph Bruneel : Anthologie Ukrainienne. Des voix de la guerre en Ukraine. Éditions Ane Qui Butine, décembre 2023 (196 p., 19 €)

Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, des voix d’écrivain.es se sont levées pour témoigner en mots forts et puissants de cette guerre, qui comme toutes les guerres, est injuste. Les encres qui accompagnent des textes sont poignantes, sincères comme les auteur.es regroupés dans ce recueil. Chaque ligne de ces écrits, chaque trait de ces illustrations sont une résistance à la guerre.

 

 

Revues

Traversées n° 106, mars 2024

Le dernier numéro de la splendide revue belge Traversées dirigée par Patrice Breno vient de paraître ! Un tour d’horizon rapide – en attendant l’occasion d’une lecture plus attentive – pour signaler entre autres :

- un dossier consistant (inédits, entretiens, témoignages, lectures critiques, biobibliographie détaillée) consacré à l’écrivain Lionel Bourg, qui refuse « la littérature "lisse" » d’un certain conformisme politiquement correct pour afficher son attachement à la « sérénité crispée » – en adoptant la formule de René Char – à savoir dire « l’exaspération » (« souffrance et révolte… ou ruptures avec l’ordre établi ») mais aussi « un amour des êtres et des choses » (pp. 52-53) ;

- beaucoup de poèmes… en vers ou en prose, signés parmi d’autres par : Martin Zeugma, Nadine Travacca, Marie Spitzer, Nathalie Quintin-Riou, Béatrice Pailler, Serge Muscat, Patrice Maltaverne, Gérard Le Goff, Alix Lerman Enriquez, Erick Gaussens, Sonia Elvireanu, Éric Chassefière, Muriel Carminati, Patrick Aveline ;

- un texte en guise d’édito qui finit en poème – car comment dire / agir autrement « dans l’affreux continuum d’atrocités et de nonchalances mélangées auxquelles on est sans cesse confrontés », qu’en continuant de notre côté « à lancer nos bouteilles d’encre à l’amer » – « comment sinon par l’étincelle d’un mot ? » (pp. 263-265).

Et en guise d’illustrations, de superbes photos de Patrick Aveline, Chem Assayag et Erick Gaussens.

 

Poésie/première n° 87, janvier 2024

Thématique du numéro : « Poésie et Liberté », on dirait presque un pléonasme – ou au contraire, un paradoxe… Les facettes de la question, qui s’étalent sur un vaste éventail entre contraintes formelles et expression d’un engagement face au monde, sont analysées avec acuité et passion par Gérard Mottet, Monique W. Labidoire, Dominique Zinenberg, Guillaume de Pracomtal, et rappelées dans l’éditorial-synthèse de Martine Morillon-Carreau, qui met en évidence du même coup le fil rouge du numéro. En effet sont ici mises en valeur des écritures poétiques destinées presque à illustrer ces propos : Aimé Césaire « maillon de la cadène » et libre poète (article par Martine Morillon-Carreau), Alain Duault et son poignant poème De la guerre, l’argentin Hector Berenguer avec sa quête de vérité en poésie (passionnant entretien mené par Pascal Mora, accompagné d’un poème en version bilingue), Pierre Dhainaut évoquant la naissance magique du poème et tirant du devenir une poétique (entretien avec Dominique Zinenberg, suivi de deux poèmes),  Patrick Narval (poèmes) et Marjan (peintures) chantant ensemble Une enfance en oraison (double entretien avec Jacqueline Persini autour de leur livre sorti en 2022), ou enfin, In memoriam : Kenneth White (portrait par Pascal Mora), Jean-François Mathé (par Pierre Perrin), et Frédéric Tison (par Gérard Mottet et Jean-Louis Bernard, avec des poèmes-dédicaces de Martine Morillon-Carreau, Pierre Perrin, et Monique w. Labidoire).

Les articles critiques s’enchaînent avec de belles et pertinentes lectures de poètes comme Marc Alyn et Patricia Castex-Menier (par Bernard Fournier), Guillevic et Frédéric Tison (par Rémi Madar). À cela s’ajoutent de nombreuses notes de lecture brèves à la fin du numéro, signées pour la plupart par les membres du comité de rédaction.

Parmi les plumes publiées dans ce numéro, aux chapitres Moments poétiques et Poésie plurielle, nous signalons : Bernard Grasset, William Souny, Sophie Djorkaeff, Paul Bocognani, Christophe Pineau-Thierry, Isabelle Normand, Philippe Minot, Arnaud Vendès.

Pour une plus ample recension de cette riche édition, voir l’article de Dominique Zinenberg à la rubrique Lectures-chroniques dans ce même numéro de notre revue.

 

Nouveaux Délits n°77, janvier 2024

Nous signalons avant tout le poignant éditorial de Cathy Garcia Canalès :

« Aucune vie ne ressemble à une autre et la douleur n’est pas toujours visible, quantifiable, sauf quand elle est si collective qu’on ne peut plus l’ignorer. Aucune vie ne ressemble à une autre, certaines sont tellement pleines de ces épreuves qui jettent à terre, rouent de tant de coups que cela semble n’avoir plus aucun sens. Les épreuves cependant qui nous tordent, nous forgent de l’intérieur jusqu’à parfois toucher la grâce. Toujours au bord pourtant de basculer, grâce ou folie, la frontière est si fine.

En ce début d’année où il est de coutume de souhaiter et s’entre souhaiter, mes pensées vont vers toutes celles et ceux qui souffrent dans leurs corps, dans leurs têtes, dans leurs vies, dans le corps des êtres qui leur sont chers. Mes pensées se ruent vers celles et ceux qui vivent dans la peur, la terreur, l’horreur, celles et ceux qui sont accablé-e-s par les injustices, celles et ceux qui éprouvent une solitude inhumaine, celles et ceux qui ont le cœur en miettes, l’âme mutilée, celles et ceux qui sont oubli-é-e-s, piétiné-e-s, humili-é-e-s, écrasé-e-s, broyé-e-s, perdu-e-s, poussières…

Et je me souhaite — car qui suis-je pour dire à d’autres ce qui leur est nécessaire ? — je me souhaite, donc, le courage de garder dignité quoiqu’il arrive et le sens du respect, la volonté d’être juste, d’accepter ce qui en moi est fragile et blessé, ce qui chemine dans les ténèbres et la force d’endurer ce qui me tord, me forge, me polit et qui, peut-être à la longue, finira par me sublimer.

Aucune vie ne ressemble à une autre mais la vie est une seule et même énergie qui nous traverse, nous anime, qui que nous soyons, où que nous soyons : humains, animaux, végétaux et même, à leur façon, les pierres de cette Terre qui n’en peut plus de nous. C’est ce que je ressens au plus profond de moi. Tout est vibration, tout porte un message alors je voudrais veiller toujours mieux à celui que moi-même je porte et transmets à travers mes pensées, mes choix, mes actions, mes mots, mes cellules… Veiller sur les causes car il est toujours trop tard quand il s’agit de réparer de néfastes conséquences… J’essaie de ne pas me décourager trop vite ou trop longtemps.

Aucune vie ne ressemble à une autre, que chacune soit belle et sereine comme un lever de soleil, un chant d’oiseau à la nuit tombée, un vin d’amour à partager. »

Poésie : Michel Abécassis, Alain Flayac, Judith, Alexandre Poncin, Erwan Gourmelen, Marianne Duriez, Oriane Barbey. 

Chronique-essai : Résonance : Kogis, le chemin des pierres qui parlent, Éric Julien (Actes sud, coll. Voix de la Terre, 2022).

Illustratrice du numéro : Corinne Pluchart

 

Essais

Étienne Ruhaud, Panorama I. Articles et entretiens 2005-2021. Éditions Unicité (collection L’éléphant blanc), février 2024

Présentation sur le site de l’éditeur : L’ouvrage paraîtra sans doute fourre-tout : nul fil directeur, ici, sinon la volonté d’explorer la littérature contemporaine, parfois au hasard des rencontres, des coups de cœur. Panorama compile effectivement la totalité des articles, notes de lecture et entretiens menés avec des auteurs souvent très différents, et généralement méconnus, de 2005 à 2021. On y trouvera ainsi des critiques de romans, de pièces de théâtre, d’essais, ou, plus encore, de recueils de poésie, parent pauvre de la production actuelle, si abondante. Au hasard des pages, le lecteur fera quelques belles découvertes, entendra la voix, ténue, des oubliés, des obscurs, se baladera, un peu, dans le passé et dans les rues de Paris...

« Ce livre d’un ami est une véritable bible de la critique littéraire contemporaine décomplexée. Deux décennies dans l’œil et dans l’oreille d’un excellent critique et écrivain au jugement jamais altéré et toujours sûr. Je le lis en parcourant les articles et les entretiens selon mon humeur et selon ma curiosité. » Éric Dubois (sur FB)

 

Mohamed Benzemrane, L’Islam des troubadours. Les origines arabo-musulmanes de l’amour courtois - XIe-XIIe siècles. L’Harmattan, janvier 2024 (352 p., 38 €)

Ce livre retrace l’épopée créatrice des rencontres entre l’Orient et l’Occident à l’âge des troubadours et inaugure une réflexion fondamentale sur cet héritage oublié.