Annonces Glanés sur la toile quelques ponts de signes |
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ANNONCES DE PARUTION :
Dans
l’édition, le retour en grâce de la poésie
Porté par un engouement des lecteurs, ce tout petit secteur de l’édition a vu son chiffre d’affaires croître de 17 % en 2024 pour franchir le cap des 20 millions d’euros. Nicole Vulser dans Le Monde, 20 mars 2025
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Les éditions Al Manar publient 3 livres de poésie sur la Palestine :
Nida Younis (direction), Palestine en éclats. Anthologie de poésie féminine palestinienne contemporaine (mars 2025, 256 p., 23 €)
Première anthologie de poésie palestinienne féminine contemporaine : un panorama quasi exhaustif de la poésie au féminin dans la Palestine éclatée que nous connaissons aujourd’hui : à Gaza, dans les territoires de l’intérieur, en Cisjordanie et dans le monde de la diaspora palestinienne. Traduction et présentation par Mohamed Kacimi.
Un livre très dense, riche, habité par une poésie dans laquelle résonnent les drames de cette terre, de ce peuple, ses espoirs également, son désir de paix. Accompagnement plastique de Colette Deblé.
Salah Al Hamdani, Palestine je te chéris (février 2025, 40 p., 12 €)
« Yousif Naser, artiste peintre, et Salah Al Hamdani, poète, sont deux exilés de l’Irak depuis les années soixante-dix. Ils ont fui à la même époque la dictature du parti Baâth de Saddam Hussein. Ils ont l’un et l’autre été, à un moment de leur vie passée, engagés vis-à-vis du peuple palestinien.
Palestine je te chéris est une parole de réconfort et de reconnaissance, un soutien symbolique pour ce peuple qui subit depuis des mois les bombes, les assassinats par drones, les humiliations, les tortures, la famine organisée, l’extrême détresse, et en particulier celle des petits orphelins. Le monde entier est désormais spectateur de la bestialité́, du raffinement technologique et de l’hubris de ceux qui le détruisent. » (Isabelle Lagny)
Quelquefois
il faudrait fouetter la conscience des hommes je veux dire
ce qu’il reste des hommes
afin que tu te réveilles resplendissante toujours au rendez-vous
avec une lucidité́ transcendant ta souffrance
Kebir M. Ammi, Dessine-moi une Palestine heureuse (février 2025, 32 p., 12 €)
Un long poème de Kebir Ammi pour que la Palestine connaisse enfin la paix… Dessins et peinture de Ghassan Faidi. Édition bilingue français-arabe (traduction du français vers l’arabe : Noureddine Bousfiha).
Dessine des hommes et des femmes
Qui ne songent qu’à réinventer l’horizon de leur insouciance
Quand le jour s’achève
En rattrapage, à ce même sujet :
Gérard Mordillat, Gaza. Rafael de Surtis (octobre 2024, 56 p., 17 €), avec des dessins de Joe Sacco. Préface par Christophe Dauphin. Dessin de couverture par Ernest Pignon-Ernest.
La paix est la seule bataille qui vaille la peine d'être menée. Albert Camus
« Ce sont treize poèmes saisissants. Signés par Gérard Mordillat dans un recueil sobrement intitulé Gaza avec un dessin de couverture acéré d’Ernest Pignon-Ernest, préfacé par Christophe Dauphin et édité en exemplaires numérotés par les Éditions Rafael de Surtis. Pour Mordillat, la poésie n’est pas ornementale, et l’on prend comme un direct au cœur ces « poèmes d’intervention » qui disent la violence génocidaire du gouvernement d’extrême-droite israélien contre les Palestiniens de l’enclave depuis le 7 octobre 2023. (…) Pour Mordillat : "Israël, le peuple victime/Est devenu le peuple bourreau". (…)
Poète, romancier, cinéaste, essayiste, né en 1949, Mordillat renouvelle tous les outils de l’écriture pour témoigner du réel et s’insurger devant les crimes et les dévastations commis partout dans le monde. (…) Une voix nécessaire pour contrer l’indifférence et l’impuissance dans laquelle meurent jour après jour les Palestiniens, à Gaza ou en Cisjordanie. (…) Il n’a cessé de documenter le conflit israélo-palestinien qu’il couvre depuis trente ans — Palestine (1993, Rackam), Gaza 1956 (2010, Futuropolis), une enquête menée sur dix ans —, d’abord comme reporter puis comme bédéiste-reporter, renouvelant par sa rigueur et sa créativité la force de frappe de la BD. »
(Extraits de la présentation du recueil et de l’auteur par Marina Da Silva sur le site orientXXI.info).
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Les nouveautés des Éditions Arfuyen (janvier-mars 2025) :
Ilarie Voronca, Souvenirs de la planète Terre (roman, Coll. Le Rouge & le Noir, 192 p., 17 €)
Dans sa
préface, Nicolas Cavaillès, éditeur du volume Cioran dans la Pléiade et
romancier chez Corti, salue en Voronca « ce
génie symboliste et généreux, mû par une sollicitude sans borne » et,
dans ce roman, sa « fausse naïveté conceptuelle et hallucinée qui,
à chaque page, apporte des formules merveilleuses ».
Roger Munier, La Voix de l’érable – Opus incertum VII (Coll. Les Cahiers d'Arfuyen, 320 p., 22 €)
… Œuvre posthume, et conçue comme telle, puisque le propos de ce livre n’est nullement celui d’un journal ou de carnets intimes, mais cherche à atteindre ce qui fait l’essentiel de notre destinée de vivants, et qui est en réalité de nature « impersonnelle » : « Une autobiographie, mais qui ne serait faite que des moments impersonnels où l’être s’est senti traversé. » Œuvre totale, à la fois philosophique, spirituelle et poétique, qui ne peut se comparer à nulle autre dans l’histoire des littératures. (…)
Les éditions Arfuyen ont commencé de publier Roger Munier en volume dès 1980, l’année même où il commence à écrire son Opus incertum. À sa demande elles ont repris le flambeau de son édition en 2007 (Les Eaux profondes. Opus incertum V) lorsque Gallimard s’est retiré du projet.
À l’occasion de leur 50e anniversaire, les Éditions Arfuyen ont décidé de se lancer dans l’édition intégrale de la partie encore immergée de l’iceberg, de loin la plus importante et celle qui donne son sens à l’ensemble. Sous la direction conjointe de Jacques Munier et Gérard Pfister.
Dylan Thomas, L’Œuvre poétique II. Tout le soleil durant (Collection Neige, 360 p., 25 €)
Traduit de l’anglais et présenté par Hoa Hôï Vuong. Édition bilingue.
PRIX NELLY SACHS 2025 DE TRADUCTION LITTÉRAIRE
Né à Swansea sur la côte du pays de Galles, mort à 39 ans à New York, Dylan Thomas (1914-1953) est un de ces poètes météores dont l’œuvre intense et déroutante ne cesse de nous interroger. Les Éditions Arfuyen ont décidé de publier en deux gros volumes bilingues l’intégrale de cette œuvre réputée intraduisible. Le premier volume de L’Œuvre poétique de Dylan Thomas (1914-1953) a paru aux Éditions Arfuyen en février 2024. Avec ce second volume le lecteur français a maintenant accès à l’intégralité de cette œuvre, l’une des plus importantes et déroutantes de la poésie du XXe siècle.
Pierre Dhainaut, Et pourtant. Suivi de suivi de Ajouter du noir, ou non et de Ce qui doit venir (Coll. Les Cahiers d'Arfuyen, 144 p., 15 €)
Et pourtant est le dixième recueil de Pierre Dhainaut que publient les Éditions Arfuyen, témoignage d’une profonde affinité et d’une relation privilégiée.
« L’air / demande / une aide, / les poèmes / parfois / l’exaucent. » Il n’est pas de meilleure image de la poésie de Dhainaut que cette large et généreuse respiration que donnent les immenses plages de la mer du Nord. Mais que faire quand l’air lui-même vient à manquer, quand lui-même appelle à l’aide ?
Pour éviter l’étouffement, le poète ne peut compter alors que sur les mots. Mais ce n’est que « parfois » que vient par eux « l’exaucement ». Le poète n’en sait que trop les limites : « Aucun mot ne nous a sauvés, quelques-uns / malgré tout persistent, palpitent. » Le poète est lucide, et pourtant, pourtant demeure convaincu que « seul un poème / rend l’inquiétude heureuse ».
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Catherine Bruneau, Illuminations d’hiver. Rafael de Surtis, mars 2024
Dans ces Illuminations d’hiver, d’une rare profondeur, Catherine Bruneau tente d’effacer toute dualité entre le corps et l’esprit, entre la compassion et l’intelligence. Si les vers semblent un peu classiques, ce n’est qu’une apparence : la langue poétique de ce recueil est inséparable d’une force aussi mélancolique qu’existentielle, questionnant son propre fondement jusque dans une modernité tout à fait actuelle. Peut-être l’affirmation du désir va-t-elle de pair ici avec l’exploration d’une nouvelle exaltation ? En tout cas, la sensibilité et la justesse semblent réconcilier invariablement les violents questionnements de la vie avec une forme de sagesse existentielle. Et cette élévation pourrait alors répondre à l’idéal d’une réconciliation avec le moi profond.
Bercer
son corps comme on berce un enfant
Calmer
ses propres peurs, ses douleurs lancinantes
Qui
n’en finissent pas d’éroder la peau, les muscles, les os
Jusqu’à suspendre tout mouvement
(Paul Sanda)
Annie Le Brun, L’insistant désir de voir s’élargir l’horizon. Édition préparée par Rémy Ricordeau et Sylvain Tanquerel. Éditions L’Échappée (1er trim. 2025, 127 p., 13 €)
À l’heure où la vie et l’imaginaire tendent à se dissoudre dans les eaux froides du calcul égoïste, « transformer le monde » et « changer la vie », mots d’ordre de plusieurs générations de révoltés, sont aussi bien le point de départ que le point d’arrivée de l’itinéraire intellectuel et sensible d’Annie Le Brun, qui nous a récemment quittés. Ses livres, ses prises de position, ou ses nombreuses interventions sont abordés dans ce livre au travers de textes ou d’entretiens, peu connus ou inédits en français, qui témoignent tous de ce que sa vie aura été une dérive au long cours durant laquelle elle n’a cessé de miser sur la liberté des êtres, dans le désir toujours renouvelé de voir s'élargir l'horizon. Comment lui rendre meilleur hommage que de lui donner, encore une fois, la parole ?
Livre d’entretiens (2001, 2007, 2021, 2024) et une conférence (2021), avec à la fin une bibliographie complète de l’œuvre d’Annie Le Brun ; avant-propos par Rémy Ricordeau et Sylvain Tanquerel.
RUNES & RUINES. Les Cahiers des Poètes & Co., mars 2024 (14 €).
L’anthologie à laquelle contribuent 86 poètes et artistes, dirigée par Marilyne Bertoncini, est disponible en précommande; écrire à : embarquement.poetique@gmail.com: Merci à toutes et tous, et merci Jean-Michel Sananes à qui nous devons ce beau livre.
Faire courir le monde. Éditions Ad verba, mars 2025 (93 p., 14 €)
Pour leur première publication, les éditions Ad verba ont lancé un appel à textes à partir d’un corpus d’images : broderies de Christine Lumineau (inspirées par la tapisserie de Bayeux) et installations de Xavier Ribot. Là est la source. Le fleuve, ce sont les 389 textes poétiques écrits par 220 personnes, âgées de 13 à 79 ans.
Cet
ouvrage contient la sélection des 38 poèmes retenus par le comité de lecture,
avec un rappel des visuels en filigrane et sur les rabats.
Parmi les auteurs : Clément Cohen, Michel Herland, Stéphane Keruel, Bénédicte Montjoie…
Maggy de Coster – Sarah Mostrel, Poésie au gré des toiles. La Route de la Soie-éditions, mars 2025 (27 €).
Dans Poésie au gré des toiles, Maggy de Coster et Sarah Mostrel nous livrent une symphonie en deux dimensions : la poésie et la peinture s'entrelacent pour raconter le monde dans toute sa complexité.
Chaque page résonne comme une invitation à explorer les profondeurs de l'âme humaine et à embrasser la beauté plurielle qui se cache dans l'ordinaire.
Les poèmes de Maggy de Coster sont des éclats d'émotions posées sur les toiles de Sarah Mostrel. Ensemble, elles construisent un univers sensoriel et spirituel, oscillant entre la légèreté de l'espoir et la gravité de la condition humaine.
Ce livre est bien plus qu'une œuvre artistique : c'est une expérience à vivre, un voyage introspectif où chaque lecteur trouvera sa propre résonance. Plongez dans cet univers où l'art transcende les mots et les formes pour toucher l'intime.
Patrice Perron, Instantanés. Des Sources et des Livres, février 2025 (64 p., 15 €)
Avec des illustrations de Marie Lemaire, Sophie Desvéronnières, Jean-Luc Guillemoto, Martine Rouat Pineau, Patrice Perron, ce recueil élégant, d’excellente tenue graphique, renferme des poèmes accrocheurs tels des instantanés photographiques dont l’espace pourtant semble s’échapper comme aspiré par une volonté de dépassement des limites :
Au-delà
des contraintes
Du
monde,
Plus
haut que les pensées
Normalisées,
Être
capable de se hisser
Plus
haut
Que
l’ordinaire annoncé.
Là,
Où
nous pouvons être ensemble.
Patrice Perron, De retour de guerre. Éditions Sauvages (collection Askell), janvier 2025 (41 p., 10 €)
Des poèmes courts et poignants, accompagnés d’aquarelles de Martine Rouat Pineau.
« … quand il rentre chez lui, le soldat porte des marques, extérieures peut-être, mais intérieures, sûrement. Il a vu, et a peut-être commis, des choses abominables. Sa conscience peut se trouver perturbée. Il doit aussi affronter le regard des autres, ses voisins, amis, membres de sa famille. La vie ne sera plus jamais comme avant. » (4e de couverture)
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Les
nouveautés d’Échappée Belle édition (collection de poésie Ouvre-Boîtes, janvier-février
2025) :
Iren Mihaylova, Depuis ma chère disparition (40 p., 10 €)
Depuis ma chère disparition commence à l’ombre de sa « chère disparition » : il est une lumière qui luit à travers les pas de celle qui rêve de retrouvailles, une lumière que la poète Iren Mihaylova veut « sauver » pour dessiner son chemin vers l’horizon natal et réécrire le refrain d’une perte : il y a cette main attachée aux souvenirs, à l’échelle du manque qui rêve de l’autre main, ce même chemin accroché aux « semelles de sa tempête » que le vent contient et dont la poète voudrait transformer le sens, un sens né du souffle coupé, une respiration de l’origine à réapprendre, un vent qui s’embrasse à deux.
Depuis ma chère disparition est une traversée vers, une vérité qui se raconte, une histoire d’énigmes et de repères autour de cet autre à apprivoiser, à retrouver. Sa nuit d’exil est un refuge confronté à l’ouverture du jour, une « chute-lumière » qui relève son « cœur-plafond ». Extrait de la préface, Damien Paisant, écrivain.
Philippe Minot, Le partir (52 p., 10 €)
Dans cette poésie, pas de reverdie : ni primevère jolie qui revit, ni lumière qui rejaillit. Ce départ n’est pas un nouveau départ. Nulle renaissance à venir dans la vieillesse qui étreint et étouffe, dans la séparation d’avec un monde qui s’efface.
Les jours s’enfuient, le jour baisse, le silence se fait, où ne s’entend plus qu’un murmure, dans un souffle dernier : Memento mori !
Un homme vieilli vacille vers l’oubli, hagard, anxieux, sous le regard tourmenté des siens.
(…) Ces haïkus, par leur concision et leur puissance d’évocation, portent la mémoire grave d’un quotidien usé qui perdure et qui s’effiloche, n’appelant plus que le néant. (…)
Valérie Poussard-Fournaison, Intérieur terre (72 p., 15 €)
Le recueil se compose de petits poèmes d’espace, constitués de hauts et de bas, d’entrées et de sorties, de dehors et de dedans : face aux menaces, il s’agit de se rassembler, de partir à la recherche d’un terrier. Des lignes horizontales et verticales dessinent le paysage d’une quête sans triomphe vers un refuge, un réduit de presque rien, qu’on aménage comme on peut dans l’espoir d’une note claire.
Laurence Lépine, Un premier soir au monde. Lettre à Paul Celan (72 p., 15 €)
Ces
poèmes sont nés de deux rencontres - la même peut-être.
La
première, il y a des années avec la poésie de Paul Celan - choc esthétique et
profondément humain. Je me souviens combien cette phrase tentant de définir la
poésie de Celan me troublait : écrire dans la langue des bourreaux. Je
pensais : qui, quoi, hors la poésie parvient à faire cela ?
La
deuxième rencontre s’est produite à Wiesbaden où j’étais accueillie à la Villa
Clémentine pour une résidence poétique autour de la majestueuse figure
d’Hildegarde de Bingen. Tel était mon projet lorsque ALCA aquitaine a retenu ma
proposition.
C’était
sans compter, lors d’une première visite de la ville, ma rencontre avec les
pierres d’achoppements. Stolperstein en allemand.
J’en ignorais alors l’existence. J’ai d’abord cru à une décoration au sol - des
petits carrés dorés. J’ai pensé à Klimt. Puis j’ai lu : le nom, la date de
l’arrestation, le lieu de déportation. Auschwitz pour la plupart.
Le
choc fut si grand - une lettre/recueil de poèmes à Paul Celan s’est imposée à
moi. Il y a longtemps que je voulais lui écrire. Me manquait peut-être
jusque-là le lieu, le sol, la langue. La mémoire (ré)ouverte. Me manquait un
premier soir au monde.
(Je
n’ai jamais eu la force de visiter le petit musée juif de Wiesbaden. J’ai
toujours eu peur d’y croiser, sur une photo, mon visage).
Luc Marsal, Les neiges éternelles (46 p., 10 €)
Luc Marsal traverse la vie comme on remonte un fleuve. À chaque pas, il observe, s’émeut, saisit l’instant et dépose des mots, fragments universels, qui scintillent au grand jour : ses « neiges éternelles ».
Des blessures de l’enfance jusqu’à la volonté farouche de vivre malgré les vents contraires, le poète trouve dans la poésie un exutoire pour sublimer et partager ce qui fait pour lui le sel de la vie.
Prix Jean Cocteau 2024 de la Société des Poètes Français.
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Péric Bisseck, Idylles de Mayotte. L’œil de Chido. Cap de l’Étang Éditions (collection Plume d’ivoire n° 54), février 2025 (122 p., 24 €).
5 €
versés par livre vendu pour les enfants sinistrés de Mayotte.
Idylles de Mayotte, L’œil de Chido est un recueil de poèmes qui explore l’intimité de Mayotte après le passage du cyclone du 14 décembre 2024. Des vers empreints de douleur, d’espoir et de résilience, témoignant de la souffrance des habitants, des efforts collectifs pour reconstruire et de l’injustice face aux grandes décisions politiques.
Alternant entre différents styles ‒ lyrique, satirique, classique, et prose poétique ‒ il traite de la lutte humaine, de la force de la nature, de la solidarité et du contraste entre le désastre et l’espoir d’un avenir reconstruit. C’est un appel à la reconnaissance de Mayotte, à l’action urgente et un hommage à la résilience humaine.
Houda Darwish, Cette femme que je suis. Éditions L’Harmattan, février 2025 (120 p., 16 €)
« La belle musicalité des vers de Houda Darwich invite à lire, à relire et à se laisser ainsi pénétrer par son message, par ses messages : la douleur de la guerre, l’immigration, la nation, la nostalgie, l’amour aussi et l’attachement à l’aimé.
Houda
parle de la femme, de sa beauté, de son courage, de sa place et des
revendications qu’elle porte, étouffée par le poids du conservatisme et des
non-dits qu’on retrouve dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb. Car c’est
la femme qui nous chante son amour révolté, avec son lyrisme rebelle, de Damas
à Beyrouth, de la Palestine à l’Algérie. »
Felix Boulé - Radio Laser
Henrieta Serban, Mise-en-abîme. Éditions L’Harmattan, février 2025 (80 p., 12 €)
« Ce recueil de poésies est un témoin sensible et surprenant de la profondeur d’âme et d’esprit de l’autrice. Cette fois-ci, par la voie de la beauté, du beau révélé dans les moindres détails composant le tout qui nous entoure, la voie de l’émotion pesée et forte issue des mots choisis pour décrire et expliquer le monde.
L’expression est simple mais riche dans ses poésies. Sans exagérations, sans ambition consciente de forcer les mots et les pensées qui sont à leur origine ; il s’agit d’un regard simple, honnête et profond sur le monde, tel qu’il peut être perçu par les sens et connu par l’esprit. Il s’agit d’un travail d’explorateur/d’exploratrice qui a commencé juste pour prendre la force de continuer. » (Préface de Ruxandra Iordache)
Agnes Adda, Telle quelle, l'émotion de le dire. Éditions Unicité, février 2025 (120 p., 14 €).
L’inspiration est un chemin et les poèmes d’Agnès Adda sont autant de perles semées sur des sentiers sensibles et nombreux. Perles de pluie, perles de nacre, de rosée, toutes mêlent leur sensorialité vers un seul et même lieu : l’émotion.
L’arrière-saison
En une nuit
Elle insuffle sa présence.
Au promeneur attentif
Le hasard dévoile aussi
Telle demeure secrète
Un havre au-delà des pins
Qu’échevelle un coup de vent
Comme un îlot rêvé avec certitude
- Atlantide.
Catherine Andrieu, Si loin que l’oiseau. Éditions du Petit Pavé, février 2025 (57 p., 10 €). In memoriam Daniel Brochard (1974-2023)
… Si loin que l’oiseau, plus qu’un livre d’hommage, est un livre d’orages. Il rend la vérité d’une relation complexe entre deux êtres inadaptés et épris d’absolu – l’un comme l’autre failles affamées d’ailleurs, béances de l’esprit ouvertes aux grandes traverses déroutantes de l’imaginaire.
L’entrechoquement des sentiments contradictoires, le chaos émotionnel, est la loi de cette relation. L’amour et la haine, bien sûr (dès le premier poème, qui donne la note de tout le recueil, et dans lequel les calembours crachent leurs sarcasmes désespérés) – et leurs nuances : tendresse, tristesse, attentes et espérances, désespoirs, ironie cinglante, douceur des souvenirs, compréhension, incompréhension, inquiétude, impatiences, appels et supplications, sentiment de proximité, effroi de la perte, reproches, accusations…
Catherine
Andrieu est un esprit particulièrement lucide – quant à autrui, et quant à soi.
Si pourtant l’exaspère, et l’excède et l’égare, le
chaos émotionnel, c’est sans la diviser : car sa conscience réflexive sait la
réunir à elle-même, par un détour qui la recentre. Ainsi, dans son art, dans sa
poésie – comme peut-être dans tout Art, toute Poésie qui franchit les portes de
corne et d’ivoire –, le chaos se révèle-t-il régime transcendant de la
lucidité.
Si loin que l’oiseau est une œuvre de haute vérité, poétique et humaine.
(J.H.)
Catherine Andrieu, Au-delà du dernier rivage. Rafael de Surtis, janvier 2025 (70 p., 19 €)
Au-delà du dernier rivage invite à une traversée littéraire au cœur des liminalités : le lecteur est convié à franchir des seils entre le visible et l’invisible, le réel et l’imaginaire, l’éphémère et l’éternel. Ce voyage, à la fois intérieur et onirique, s’inscrit dans une dynamique de quête existentielle, où la poésie devient un espace de résonnance intime avec les grandes interrogations humaines. (4e de couverture)
Domi Bergougnoux, La chanson à deux bouches. Éditions du Cygne, janvier 2025 (95 p., 15 €)
Ce recueil est dédié aux amours, il rassemble des poèmes écrits tout au long de ma vie. Chaque amour impose son paysage, sa chanson, ses couleurs.
Oui, en effet, on dirait qu’on a affaire à des poèmes d’amour, imbus de sensualité voire par endroits intensément érotiques. Et pourtant tout n’est qu’évocation, souvenir ranimé en paroles, recréation… par-dessus le vide qui tout en s’infiltrant et prenant progressivement la place de la vie, fait aussi circuler les mots et vivre le poème.
Alors
j’écris encore
l’absence
sous les glaces
le
ciel à la fenêtre
l’eau
en cage derrière les yeux
la
délivrance des mots
leur
parfum de fleurs tombées
dans
le buvard de la nuit
(…)
Ça vient d’en bas
d’en haut
fluide entre eux
Juste la musique de la voix sans les mots
et l’espace enjambe le langage dans la bouche
Martine Rouhart, La nuit ne dort jamais. Éditions du Cygne, janvier 2025 (60 p., 12 €)
Ce que la nuit noue et dénoue au fond de nous. Elle vient, vit sa vie, on la traverse, aboutissement ou commencement...
Toutes ces lumières
venues d’ailleurs
qui s’ouvrent
sous nos paupières
quand nous couchons
notre fatigue
entre les draps
Françoise Urban-Menninger, La mémoire poétique. Éditions Asterion, janvier 2025 (105 p., 10 €)
Peut-on donner une définition de la poésie ? Eugène Guillevic en dit qu’elle est « autre chose » et Milan Kundera l’appréhende dans ce qu’il nomme « la mémoire poétique ».
Françoise Urban-Menninger transcende ces approches pour égrener sa petite musique de l’âme dont les vers lumineux et épurés nous éclairent.
le ciel est laiteux
avec une pointe de bleu
dans laquelle je trempe
l’eau de mes songes
je nage à l’envers
la tête dans l’azur
le corps immergé
dans ma rémanence
Dominique Marbeau, Noces de cendre - Chemin d’azur. Éditions L’Harmattan, janvier 2025 (108 p., 13 €).
Un volcan s’est éteint. Des oiseaux tombent à terre les uns après les autres. Ne restent que des cendres, métaphore de la fin d’une immense passion. Devant ce spectacle désolant, celui qui déborde de sensibilité n’a qu’un recours, la Poésie pour vivre. Avec des images fortes le poème devient une libération. Et peu à peu dans l’errance de sa douleur, le poète sent naître un autre amour ; l’amour des mots, de la création poétique qui demande tant de sacrifices et d’humilité pour toucher un peu la beauté du monde, « cette eau sacrée qui coule dans les choses » (Yves Bonnefoy). Fort justement, Gilles Lades déclare à propos de ce recueil : « De poèmes-bilans en poèmes-ouvertures, Dominique Marbeau dessine un chemin. Il l’a taillé dans la chair de sa vie, dans la frémissante argile de l’inspiration, dans les flots contraires d’une longue tempête. Retenons-en l’exemplarité émouvante et salutaire. »
Daniel Rivel, Solitudes des mondes rétrécis, suivi de Ukraine, mars 2022. Éditions L’Harmattan (collection Accent tonique), janvier 2025 (65 p., 11 €).
L’auteur a longtemps milité au sein de mouvements non-violents et continue aujourd’hui de s’impliquer dans des associations humanistes et de solidarité, comme un espoir de pouvoir apporter une petite pierre à l’édifice du monde.
Ce recueil rassemble des textes issus de ses révoltes et de ses questionnements, avec l’envie de répandre une certaine idée de la dignité et poser la question de la fraternité.
ce monde de déchirures
plaies profondes qu’ils voudraient guérir par le garrot
des frontières
dans l’ombre et le brouillard qu’ils projettent
de ce trait diviseur qu’il naisse de nouveaux départs
un espace du risque de l’autre
paroles partagées
mains à serrer
corps à embrasser
Crestiane Chatuant, À mes larmes et l’espérance. Éditions Jets d’encre, décembre 2024 (40 p., 13 €).
Malgré le
temps qui passe, le passé et les regrets reviennent comme des fantômes,
laissant derrière eux des cicatrices que le temps ne parvient jamais à effacer.
Au cœur de ce recueil de poèmes, Crestiane Chatuant expose ses pensées dans toute leur complexité.
Derrière chaque mot se trouve une quête incessante de sens, une lutte contre
les ombres qui hantent l’âme. Les liens familiaux, le poids des souvenirs, la
culpabilité et le désir s’y entremêlent pour révéler les faces obscures de ses
émotions les plus profondes. Un recueil de poèmes qui explore, avec intensité
et gravité, les tourments de l’amour, du désir, de la culpabilité et des
souvenirs qui marquent à jamais l’âme.
Démon… Démon,
Si je n’arrive pas à demander pardon pour ma désobéissance,
Lis au fond de mon âme et tu comprendras mon irrespect.
Enfant de l’enfer,
Je ne pourrai pas me soumettre à tes disciples tant que ma
vengeance ne sera pas résolue.
(Dana Shishmanian)
***
Les éditions Encres Vives ont publié au 1er trimestre 2025 :
Catherine Bruneau, Embrasser (n° 544)
Dans cet ensemble de poèmes, l’auteure explore librement ses rapports au monde, la nature comme les êtres et objets qu’elle croise sur son chemin, réel ou rêvé. Les rencontres sont l’objet de courtes scénettes où elle recherche chaque fois le merveilleux pour contrer la peur de voir la vie s’effacer dans l’instant. Sans relâche, dans sa marche à travers le monde, elle traque le moindre frémissement qui peut appeler le rêve et l’espoir.
Georges Cathalo, On aura
(n° 545)
on
aura donné
sans
avoir reçu
mais
aussi à parts égales
reçu
sans avoir donné
on
aura réchauffé
ses
mains et ses pieds
à
des flammes sans feu
on
aura plongé
dans
le ventre chaud
du
futur immédiat
Nicolas Rouzet, Une vie plus vraie que la mienne (n° 546)
Dans la lumière méditerranéenne, un homme se penche sur une fontaine à l’heure de midi. Lui reviennent images et souvenirs de son enfance dans une ville du Nord.
Le thème du vertige y est récurrent : l’enfant suspendu au bord du vide par ses frères, les bibelots de sa mère qu’il jette par-dessus le balcon, la figure d’une acrobate…
L’enfant se refuse à parler. Parler ne serait-ce pas quitter de façon vertigineuse la communion immédiate avec les êtres et les choses ?
Jacques Merceron, Ombrageuses fratries (n° 547)
Jamais hors du crible des mots
Pas d’autre farine à
bluter
Que ces épis et grains
enracinés dans le réel
Barbes et globules
impavides
Renfrognés
Pas
d’autre lucarne pour voir
Sentir palper en proche ou lointain
Pas
d’autre soupirail à agripper
Que ces mailles
En pelures de mots
Patrick Devaux, Le silence des oyats (collection Lieu, n° 410)
Le poème est-il,
avec la mer, à la recherche des mots perdus entre sable et cabines de
plage ?
Est-ce
dans « l’inachevé des oublis » que se révèle un lieu entre
dunes de sable et oyats, ces plantes ensablées luttant en autant de mouvements
silencieux pérennisant, avec le vent, rêves et souvenirs ?
Chacun
aura une réponse à ses propres cheminements entre réalités et fantasmes marins
avec peut-être, comme disait le Grand Jacques, les « vagues de dunes
pour arrêter les vagues ».
Joseph
Ramonéda, Cités du monde (collection Lieu, n° 411)
Voyager à
travers le Monde et plus particulièrement à travers les cités du Monde, c’est
bien sûr voir des lieux, découvrir des monuments, partir à la recherche
d’émotions mais c’est surtout rencontrer des gens et leurs histoires.
Ce recueil
est donc une invitation à la rencontre bienveillante et au partage avec
l’Autre, cet Autre qui est une part de nous-mêmes et qui nous renvoie à qui
nous sommes.
Luc Monnin, Ma citadelle (collection Lieu, n° 412)
J’écris
depuis 1985, dans le sillage de collègues professeurs, dont un spécialiste de
Montaigne, devenu professeur de faculté.
J’écris
surtout sur la citadelle médiévale de Pesmes dans laquelle j’ai gravi tant
d’escaliers, accompagné tant de copains (« les copains d’abord »),
envié tant de Pesmois qui savaient siffler. J’étais l’étudiant mais, eux,
savaient siffler et escalader le lierre.
Pour moi « écrire, c’est
vivre »
Augustin Maller, Carnet de voyages (collection Lieu, n° 413)
Entre naissance et renaissance, Augustin Maller invite les sens à
découvrir son premier voyage en Kabylie. Un recueil presque naturaliste qui
amène à poser son cœur au milieu de la montagne et respirer la nature solaire
de ce petit bout d’Algérie.
Dominique
Caux, Chemin d’écume (collection Lieu, n° 414)
Monologue
poétique sur Loango (Congo-Brazzaville), le texte est un souvenir de voyage et
un hommage à un haut lieu de mémoire de la traite négrière en Afrique centrale.
Menacé par des chantiers pétroliers et le réchauffement climatique qui érodent
les côtes, Loango lutte contre sa disparition.
L’évocation
du lieu est plurielle.
L’allée
des manguiers, dite « allée des esclaves », le village des pêcheurs
et son quotidien, l’évocation des flots, la présence de la mémoire orale
teintée d’animisme sont autant d’éléments du poème pour rendre hommage à un
lieu de mémoire, vestige précieux d’un autre temps. Le poème, la poésie ont
cette vocation de témoigner de la trace et du silence qui entourent désormais
cette plage du Congo, de son mystère et de son histoire.
Jacquy Gil, Au plus près du jour (collection Encres Blanches, n° 833)
Ouvrir un livre...
Ne point résister à la fuite, laisser fuguer les yeux sur le relief des lettres, puis emprunter une phrase comme on emprunte un sentier de montagne, ignorant tout de sa destination. Penser seulement au silence, à la beauté des cimes, au bonheur d’arpenter l’inconnu.
Y trouver quelque refuge, un monde où se retrouver avec soi-même, inaccessible aux voleurs de temps, aux tortionnaires de l’âme.
Aller au cœur de l’action,
pénétrer son histoire, se laisser emmener par ses mots, habiter ses
personnages. Et vivre enfin ! Une heure, une minute, une seconde... un bref
instant.
Philippe Minot, Terreaux (collection Encres Blanches, n° 834)
La silve, forêt primaire, vierge, sauvage, tandis que
s’effondrent nos civilisations urbaines sophistiquées et financiarisées, reste
fréquentée, pour qui s’y aventure, d’antiques esprits sylvestres, nymphes,
faunes et fées….
Dans une
selve de haïkus buissonnants, de baliveau en taillis, de souche en fût,
s’arpentent ici les bois et les sous-bois, et notre façon de les hanter pour
nous y enraciner.
ramure en dormance
intense attente en humus
du germe en latence
Gérard
Le Goff, Aires de vent (collection
Encres Blanches, n° 835)
La rose
des vents inscrit dans l’espace sa corolle losangée. Ses pétales aigus
s’élancent tous azimuts. Quatre composent une croix cardinale. Intégrée au
compas magnétique, cette fleur des cieux se subdivise en trente-deux aires de
vent nommées aussi rhumbs. Chaque aire de vent ou rhumb est une subdivision
constitutive du tour d’horizon qui indique la direction d’un vent en référence
aux pôles, au levant et au ponant. Un vrai navigateur sait toutes les routes de
tous les vents.
Catherine Andrieu, Un bain d’étoile (collection Encres Blanches, n° 836)
C’est l’histoire d’un trou-matisme. C’est un livre que j’aurais préféré ne jamais écrire. C’est le livre de la vie vivante, c’est-à-dire aussi de la mort...
Gérard Leyzieux, Évasive valise (collection Encres Blanches, n° 837)
Une fois
ouverte, de la valise retrouvée au grenier s’envolent les souvenirs de la vie
d’avant… Les objets hétéroclites d’une jeunesse futile surgissent de l’oubli et
investissent l’avenir d’un passé qui fut mais qui a été fui. Comment réagir
face à cette matière mémorielle emplie de vide ? Comment, derrière les
bibelots vieillis réunis ici, accueillir ces voix, ces encres, ces échos
« révélateurs d’un creuset existentiel » ?
Hervé Lapillonne, L’attente en filigrane (collection Encres Blanches, n° 838)
Les ans s’accumulent. De printemps en hiver. D’ombres et de lumières, si tant est qu’elles soient parfois trompeuses. Peut-on vraiment s’y fier, n’est-on pas parfois victimes de leurres ? Comme le vrai et le faux qui prennent souvent malin plaisir à nous tromper… C’est peut-être le bout du chemin qui arrive. Alors, on s’essaie à plus d’humilité. On écoute plutôt que céder à la parole facile. On attend. La nature semble parler : le vent, les arbres, les fleurs… Comme pour nous accompagner mais, là encore, les voix sont-elles bien réelles ou est-ce une illusion qui se joue de nous ? Ces voix qu’on ne peut ni attendre ni susciter car « elles viennent toujours par surprise ». Peut-être, au bout, un retour à la maison.
*
Patrick Lepetit, Liberté d’Oiseau. Éditions Sémaphore (Quimperlé), collection Arcane, février 2025 (71 p., 13 €).
Dans les nuées, au plus près des limites,Patrick
Lepetit nous aimante à l'amplitude de cette liberté d'oiseau, celle qui
transcende, ouvre à des dimensions au-delà des contingences. Cette liberté-là,
nous indique le poète, consiste à « sublimer la réalité au-delà du raisonnable.
» L'homme en quête d'un espace ouvert y atteint un haut niveau de perception.
Jean Azarel, Le chant des au revoir (pour Joan Baez), Atelier du Hanneton, février 2025 (20 p., 8 €)
Poèmes écrits en hommage à Joan Baez, dans le cadre du Festival de la Parole Poétique Sémaphore 2025 (20e édition).
Jean-Yves Rezeau, Anthologie « Esprit de résistance, L’année poétique : 118 poètes d’aujourd’hui », Éditions Seghers, janvier 2025 (395 p., 20 €).
L'Année poétique propose un rendez-vous annuel aux
passionnés de poésie. Elle redonne vie à une collection des éditions Seghers
restée mythique pour tout amateur du genre.
Sous le thème « Esprit de résistance », cette anthologie
réunit 118 auteurs qui ont marqué une année de création poétique dans la
francophonie. Des poètes consacrés et de nouvelles voix qui viennent de France,
de Belgique, du Luxembourg, du Québec ou de Suisse, ou encore de Guinée,
d'Haïti, du Liban, du Maroc, de Roumanie ou de Djibouti, pour ceux qui ont
choisi d'écrire en français.
Elle présente ainsi un large panorama de l'actualité
poétique avec une foison de textes inédits, étonnants par leur diversité de ton
et de forme. Tous résistent aux convenances et aux discours dominants, à
l'impérialisme du sens, à une ère de cynisme et de médiocrité sublimée, pour
s'insurger contre l'état du monde. Puisque la poésie, « substance de vie »
et lieu de remise enjeu permanente de la langue, est stratégie de résistance en
soi.
Jacqueline Saint-Jean, À Versenvers. Éditions Sémaphore (Quimperlé), collection Arcane, décembre 2024 (37 p., 11 €).
En
ce violet crépusculaire vibre
un
nostalgique solo de saxophone
qui
relie les solitudes éparses.
Puis
la nuit roule sur Versenvers
son
énergie noire et ses palpitations
stellaires.
Seul
au loin pulse encore, vital,
l'appel
lumineux du grand
Sémaphore
de nos odyssées.
Jean-Paul Le Bihan, Quelques Nouvelles du Monde. Éditions Sémaphore (Quimperlé), collection Cahier Nomade, décembre 2024 (85 p., 13 €).
Cette ombre qui ricane déjà dans notre dos
Cette ombre qui nous tint
Au mur des condamnés, en conscience d'Abel
Remet sa vie entre nos mains
Elle nous accompagna
Du premier jour jusqu'à l'ultime
Ignorant qu'elle traçait sa mémoire
Même aux jours sans soleil
(Eric Chassefière)
Les
Amis de Thalie, 1er
trimestre 2025
La belle revue trimestrielle dirigée par Nathalie Lescop-Boeswillwald se présente à nouveau sous une splendide forme graphique : papier de très bonne qualité, mise en page professionnelle, illustrations subtiles, un impressionnant dossier (réalisé par Michel Bénard) sur l’artiste Hélène Morel, avec la reproduction de ses vitraux évoquant la « résurgence de Notre Dame de Paris ».
Dans les proses, impossible de ne pas succomber au charme du récit mi-fantastique L’orgue du diable, de Roland Mercadal. Dans les essais et critiques, nous retiennent surtout un beau texte sur La Béatrice du Dante par Pierre Mironer, le bouleversant article Les détails de l’Histoire de Jean Moraisin (« L’Histoire ne ment pas pourvu qu’on ne la déforme pas en la maquillant aux traits du visage de la haine et parfois jusqu’au mensonge d’État »), les chroniques de Jeanne Champel Grenier sur Révélations, poèmes d Thierry Sajat, et L’ours et l’oursin, fables d’Olivier Dessibourg, la poignante évocation Victor Hugo et Léopoldine, par Michel Bénard, le passionnant dossier De la bohème montmartroise à la retraite contemplative : Max Jacob et Pierre Reverdy, par Pierre Guérande, et les notes de lecture de Nathalie Lescop-Boeswillwald (dont sur les revues Poésie sur Seine, Florilège, L’agora, Art et poésie de Touraine).
En lisant les poètes qui enchantent ce numéro, nous citerons quelques vers qui nous ont semblé emblématiques de la poésie d’aujourd’hui, ancrée dans un monde en crise et recherchant des sources de revirement humain et spirituel :
Prince des mots, mais sans tracas, / Pense au poète qui m’inspire / De la grâce et des falbalas… / Puisque sa vie il sut sourire. (Robert Parron, Ballade au poète ignoré)
Dompter le réel / En dessinant d’une main ferme des lignes sinueuses / Qui dansent entre les espoirs déçus (Sandra Le Penven, Le grand départ)
L’apparence du vide / Avalanche d’ivresse et de nausée / Fiel de la terre fiévreuse / Déplie le sommeil rose sur les galets blancs / Porte nos silences dans l’intervalle d’un poème renversé. (Moïse Coussement, La décadence)
l'anneau de fer mate le pied / le collier donne forme au cou – / de quel revers naîtra l’espoir / d’oser un jour les déposer (Soledad Lida)
… le cri muet de la foule monte vers le ciel comme une montagne aliénée et maudite · le sang absurde brille dans le labyrinthe céleste · les veines jaunes couvrent le miroir de leur coupable lâcheté (…) rien ne peut être lu – et pourtant hélas ! tout peut être compris (…) des bouches démentes à travers lesquelles le rien semble parler (Ara Alexandre Shishmanian, la mort témoigne)
Nous ne voulons plus de patrons (…) parce qu’ils volent, ils piétinent infatigablement / parce qu’ils tuent, ils tuent / sous tout ciel jour et nuit (Ferrucio Brugnaro)
…Mais le désert avance / Le monde entier / A perdu sa luminescence. / L’eau évaporée a perdu / Sa transparence. / Mais nous, enfants du feu / On cherche encore un peu d’espérance. (Aude Gorce)
L’éditorial de ce numéro nous touche tout particulièrement : Nathalie nous fait part du combat contre la maladie, engagé par Christian Boeswillwald, « rédacteur technique et compagnon fidèle en terre-poésie et humaine » – et nous souhaitons à tous les deux beaucoup de courage et de patience pour traverser cette lourde épreuve. Aussi, bon vent à la revue, qui poursuit sa route – et si elle passe en format numérique, nous l’aimerons autant !
Diérèse n°s 91
& 92
La consistante revue trimestrielle de Daniel Martinez (env. 320 pages par numéro), qui fête cette année ses 28 ans d’existence (voir l’historique de ses éditions sur le site de La poéthèque), nous fait découvrir en son numéro 91 (automne 2024), au volet Poésies du monde, des poèmes en version bilingue de Teresa Soto (traduction de l’espagnol : Max Alhau), Peter Härtling (présentation et traduction de l’allemand par Joël Vincent), Nuno Júdice (présentation et traductions du portugais par Jean-Paul Bota), Stamatis Polemakis (présentation et traduction du grec par Raymond Farina). Sous cette même rubrique, le numéro 92 (hiver 2024) nous procure le plaisir de continuer la découverte du poète portugais Nuno Júdice, disparu il y a tout jute un an (dans la traduction de Jean-Paul Bota), auquel s’ajoutent : José Manuel de Vasconcelos (traduit du portugais par Cecilia Basilio), Reiner Kunze, pour le domaine allemand (présenté et traduit par Joël Vincent), et enfin le poète français Alain Fabre-Catalan (traduit en italien par Elisa Bartolini).
La revue nous présente ensuite plusieurs « cahiers » de poésie, une section de Proses, un section Journaux, et deux sections (Focus, et Bonnes feuilles) dédiées toutes les deux aux chroniques et notes de lecture.
Une bonne vingtaine de poètes occupe les pages des 3 cahiers du numéro 91, dont nous retenons tout particulièrement : Jean Ancet, Christian Viguié, Pierre Dhainaut, Marc Alyn, Gérard Bocholier, Michel Passelergue, Daniel Martinez, Claude Albarède, Alain Brissiaud, Jean-Paul Bota, Mathiar Lair, Richard Roos-Weil, Guillaume de Pracomptal. Des 2 cahiers de poésie du numéro 92, nous retenons Max Alhau, Béatrice Pallier, Isabelle Lévesque & Pierre Dhainaut, Alain Fabre-Catalan, Mathieu Hilfiger, Christian Degoutte, Michel Diaz, et à nouveau, Daniel Martinez et Jean-Paul Bota.
Au-delà de la grande diversité des écritures et des styles, on perçoit à travers les meilleures pages de poésie de ces deux éditions successives comme un frisson de sacralité cathartique issue d’une prise immédiate avec le corps, la souffrance, l’angoisse, l’horreur, les désastres présents ou à venir, dont la parole poétique se fait l’oracle. Qu’il nous soit permis de cueillir quelques vers, un peu au hasard, pour illustrer ce sentiment de lecture :
Vous voyez venir ce que vous ne
voulez pas voir. Vous voyer le feu brutal dans le
déclin de l’ombre. (…)
Et qu’entendez-vous que vous ne
voulez pas entendre ? Quels cris qui ne sont pas d’oiseaux,
Quels hurlements en pleine lumière
dans le fracas et la poussière ? (…)
Le froid revient, vous en êtes
sûrs. Des morceaux de ciel se brisent
Sur des têtes errantes, et ce que
vous voyez tomber ce ne sont pas des feuilles
Mais des yeux et des mains. (…)
Mais qui pourrait vous voir dans
cette clarté cendreuse, qui
Vous entendre dans ce froissement
interminable, qui
Vous atteindre de ce toucher
humide qui laisse sur la peau une trace luisante ? (…)
Tout a basculé, le froid vous a
saisi, quelque chose comme du givre traverse les couleurs (…)
Vous savez qu’à chaque instant
tout bascule, que le monde n’est plus le monde mais ce chaos
Où la douleur appelle, vous
l’entendez, mais vous redites comment, comment quitter cette beauté
Son désespoir de feu avec vos
mains tendues qui ne sentent rien d’autre que ce qu’elles ne touchent
pas ?
Jacques Ancet (inédit, numéro 91)
…
nous qui ne sommes ni rivière / ni jupe ni feuillage ni oiseaux / comment
savoir si nos mots / enlèvent ou ajoutent quelque chose au monde ? /
Comment savoir si nos mots débordent / ou suivent avec paresse le courant
noueux de la rivière ? / Et sont-ils comme nous un début d’aurore / ou une
combinaison du fini ?
Christian Viguié (numéro 91)
… ce
feu n’a rien d’hostile, / le feu en profondeur du poème : / écrire, tout
l’art consiste à l’en extraire, / à ne pas tomber dans la chute, / qu’elle dure
un instant, l’éternité.
Pierre Dhainaut (numéro 91)
Le
Verbe – mon pays natal / au goût de maïs grillé – / respirait en moi / à
contre-silence / fébrile mais tenace / dégagé de la machine à tambour du temps.
/ Vague après vague / je me laissais porter vers le large / insubstantiel / et
véhément.
Marc Alyn (numéro 91)
Vous qui revenez de la neige / et
sur la porte vous ébrouez / du vent blanc et du froid, / comment était le doute
dans l’entrelacs des bois morts ? (…)
Comment était le doute quand vous marchiez
sur la blancheur / et, farouchement, la profaniez ?
Claude Albarède (inédit, numéro 91)
Ton ombre désavoue la nuit / quoi
qu’on en pense. / Elle t’entraîne à l’extrême d’une route / dont l’infini est
le nom.
Ne perds pas ton ombre : / tu
ne saurais la retrouver / dans le désordre des jours / et de l’inclémence des
hommes.
Max Alhau (inédit, numéro 92)
… ses mains à lui au musicien /
illuminent ce qui reste de noirceur / embellissent les indices / d’une prise de
possession du monde / par la musique des sphères / toute une gamme de gestes
simples / condensant les veloutes sonores
Des forces croissent indivises /
une volonté inconnue change d’expression / librement hardiment / éclate la
Délivrance
Daniel Martinez (numéro 92)
fallait-il croire qu’un ordre très
subtil, aux très obscures lois, présidait dans sa sombre grandeur à l’harmonie
du monde, en sachant que tout près ou aux frontières proches, ou sur quelque
autre continent, mûrissent d’effroyables massacres ?
ou plutôt faudrait-il penser que
tout n’est qu’asservi à un mouvement illogique où les cris noirs des goélands
ouvrent des brèches dans la mer, où les forêts accouchent de déserts tapissés
de silice et de quartz, et qu’héritiers d’un vacillant passé, perdus à
mi-genèse, ayant dilapidé notre archaïque part de feu, nous sommes de
perpétuels mutants, arrogants bâtisseurs de ruines, enivrés par le bruit de la
mort violente et l’odeur d’orgasme du crime ?
Michel Diaz (inédit, numéro 92)
D’ailleurs les éditoriaux, signés par Jean-Louis Bernard pour le numéro 91 (La part du réel en poésie), et par Gabriel Zimmermann pour le numéro 92 (Quels sont les enjeux, théoriques et réels, de la poésie de nos jours ?), relançant au fond la sempiternelle question, posée pour la première fois par Platon dans Ion, de ce qu’est la poésie, réaffirment la vocation du poète non pas de « reconstituer » ou d’« englober » le réel, mais de créer par l’imaginaire même un réel génuine « dont nous habitons les fissures » et qui « participe de notre vision globale du chaos » (nous dit Jean-Louis Bernard, en citant Novalis : « Il faut que le chaos brille dans chaque poème »). Or le poète ne peut, ne doit pas éviter l’expression du « je » poétique face au monde d’aujourd’hui, où « la démagogie, l’agressivité politique, la parole ordurière sont plus rentables qu’argumenter avec respect, rigueur et nuance », ni aller dans la pudeur et la neutralisation du « je » jusqu’à « occulter les horreurs contemporaines » : il faut « rappeler l’origine ignée du langage poétique, la part d’incandescence et de déflagration qu’il porte en lui » et « exhumer le souffle natif de la poésie dont, à l’Antiquité, les premières œuvres racontent les exploits de personnages ardents, en quête de dépasser leur condition de mortels » ; un nouvel optimisme « comme dynamique créatrice » et « disponibilité exclusive à l’instant » est ainsi attendu (nous dit Gabriel Zimmermann, en invoquant « cet état que Philippe Jaccottet désigne par "accueillance" »).
Quant aux nombreuses chroniques à des recueils de poésie, nous citons, parmi les auteurs recensés : Angèle Paoli (par Pierre Dhainaut), Zéno Bianu (par Bruno Sourdin), Jacques Robinet (par Gérard Bocholier et Bernard Pignero), Evelyne Morin (par Jean-Louis Bernard), Gilles Lades (par Michel Diaz), Guy Goffette (par Gabriel Zimmermann), Max Alhau (par Gilles Lades), Max Alhau & Michel Lamart (par Éric Chassefière), Béatrice Pailler (par Éric Barbier), au numéro 91 ; Isabelle Lévesque (par Pierre Dhainaut), Michel Diaz (par Marie Claude San Juan), Gabriel Zimmermann (par Chantal Danjou), Marie Alloy et Danièle Corre (par Jean-Louis Bernard), Ara Alexandre Shishmanian (par Éric Chassefière, pour son « épopée lyrique » La létale de la lune), Béatrice Pailler (par Michel Lamart), Jean-Pierre Otte, Éric Chassefière, Marie-Hélène Prouteau, et Éric Barbier (par Michel Diaz), l’anthologie Resistir par Rocio Duràn Barba (par Bernard Fournier), Guénane Cade et Yvon Le Men (par Pierre Tanguy), Charles Akopian (par Éric Barbier).
De très belles aquarelles (de divers artistes) illustrent les numéros de cette cette revue foisonnante.
Traversées n° 109 (2025 – 1)
L’élégante revue dirigée par Patrice Breno et éditée à Virton (Belgique), sur du papier glacé avec un graphisme exquis, regroupe en ce numéro des textes de nombreux poètes francophones contemporains dont Claude Vancour, François Teyssandier, Christian Sapin, Martine Rouhart, Christophe Pineau-Thierry, Béatrice Pailler, Iren Mihaylova, Olivier Lechat, Jean Maison, Michel Guéneau, Maureen Boyle, Margaux Francisco, Jean-Marc Feldman, Sophie Djorkaeff, Muriel Carminati, Serge Brédart, Alexis Bottemer, Xavier Bordes, Nicolas Boldych, Patrice Blanc, Horia Badescu, Catherine Andrieu. Les accompagnent de belles reproductions d’œuvres picturales, photos ou dessins, dues à Dominique Linel, Isabelle Le Toullec, Christophe Pineau-Thierry, Cédric Hamelin.
Et pour encourager les auteurs, les lecteurs, les critiques à fréquenter les revues littéraires voire à en créer – fabuleuse aventure sinon vocation irrépressible qui s’étend parfois sur la durée d’une vie – le revuiste Claude Donnay nous raconte l’histoire de sa Bleu d’encre qui fête ses 25 ans (pp. 210-212).
Pour finir sur une note aigre-douce la lecture de ces 200 pages de poésie imbues d’un goût plutôt amer par les temps qu’il fait, et qui ne laissent aucun poète indifférent, un extrait de la Balade de l’insatisfaction chronique de Bertrand Gaydon :
Las
: l'infini n'est pas appréhendable,
Mais
le fini forcément trop petit,
Et la
vie n'est qu'une mauvaise fable
Pleine
de bruit, de fureur et d'orties,
Pourtant
on veut la vivre au ralenti,
Aussi
fait-on la gueule quand on meurt ;
Quant
à l'amour, il ne dure qu'une heure
Puis
disparaît comme neige de mai
Mais
on en peint et repeint les couleurs
Tout
en rêvant qu'il n'y ait pas de mais.
La revue imprimée (trimestrielle) est doublée en parallèle par une édition en ligne, où paraissent régulièrement des chroniques, des textes poétiques, des essais, des actualités littéraires.
Nouveaux délits, n° 80
Une remarquable moisson de poésie – immédiatement narrative, faussement lyrique, ouvertement dramatique, secrètement mythique, formellement surréaliste, apparemment absurde, toujours lucide, acerbe, écrite à l’aqua forte – dans le dernier numéro de la petite revue de Cathy Garcia Canales qui est toujours, comme le tardis du Dr. Who (désolée de me redire), bien plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur…
On y découvre cette fois Jean-Paul Bota, Jérémy Sernet (Pèregarou), Lionel Mazari (Broyer du blanc), Jean Ginestet, Aodren Buart (Madeira), Pablo Gelgon (Vie et mort d’un ouvrier intérimaire dans le BTP), Simon Degrave (Conférence à Berlin) : des textes puissants ancrés avec la même désinvolture dans le quotidien ou dans la psyché profonde et qui touchent le cœur et frappent l’esprit, comme autant de voix et de voies différentes qui se cherchent. Que veulent-elles ?...
« … ce que je pressens ou cherche dans les mots, une vibration, une inspiration du monde non pas pour en dépasser les drames inévitables qui sont en nous, noués au plus intime, mais pour en retrouver le chant premier…. » (Jean Ginestet)
Car, comme le dit la responsable de la publication de ces « délits » dans son édito : « Regarder, se regarder simplement soi-même, c’est vertigineux. »
(Dana Shishmanian)
***
Revue Portulan bleu, n°44,
octobre 2024
Le revue Portulan bleu est publiée par l’association Voix Tissées, qui rassemble poètes et artistes autour de la promotion de l’écriture poétique, sous la direction de Martine Rigo Sastre. Elle paraît trois fois par an, en février, mai et octobre.
Ce numéro a pour thème l’infini, dont Patricia Bruneaux dans son éditorial nous dit qu’il est « indicible », qu’il est « la voie empruntée des âmes qui portent leurs questionnements existentiels ». Et bien sûr l’on songe à l’infini apparent des espaces intersidéraux : « L’infini des physiciens, des mathématiciens, des astronomes, des cosmologues, est l’infini questionnement du Vivant. Êtres des étoiles, nous avons toujours interrogé le ciel, dans toutes les civilisations, depuis la nuit de nos créations. Comme une attente vitale, nous questionnons la taille du cosmos pour en repousser les limites. Nous sondons nos âmes en espoir de découvertes d’autres semblables ou de différents dans une altérité universelle ». Et Patricia Bruneaux de poursuivre : « Souvent le Poète emprunte le plus court chemin, le plus certain aussi. Il interroge le cœur. Et son cœur d’amour infini lui enseigne que le fini n’est pas humain, que les rouages du Vivant échappent à notre entendement […] L’infini est libre, d’une liberté éternelle, absolue, indéterminée, et créatrice ».
Une trentaine de poètes sont à l’affiche de ce numéro. Reproduisons ici le poème de Giacomo Leopardi, traduit par Philippe Jaccottet, intitulé « L’infini », qui vient conclure l’éditorial :
Toujours j’aimais cette hauteur déserte
Et cette haie qui du plus lointain horizon
Cache au regard une telle étendue.
Mais demeurant et contemplant j’invente
Des espaces interminables au-delà, de surhumains
Silences et une si profonde
Tranquillité que pour un peu se troublerait
Le cœur. Et percevant
Le vent qui passe dans ces feuilles
-
ce silence
Infini, je le vais comparant
À cette voix, et me souviens de l’éternel,
Des saisons qui sont mortes et de celle
Qui vit encore de sa rumeur. Ainsi
Dans tant d’immensité ma pensée sombre
Et m’abîmer m’est doux en cette mer.
Mensuel de poésie LIBELLE, n°372, février 2025
Cette petite revue, composée d’une double feuille et d’un feuillet intercalaire (« un bloc-notes en six pages »), paraît mensuellement depuis 1991, année de sa création par Michel Prades et Bernard Rivet, publiée par l’association du même nom. Michel Prades en assure seul la coordination.
De courts poèmes se succèdent, égrenant pensées et sensations. Citons, au hasard de la lecture, Sacha Zamka :
par
les matins divergents tout n’est que poussière et grâce
on
voudrait être autonome on est seulement nomade
on
marche vers un verger on s’éternise on s’attarde
certains
fruits sont sans pépins certaines fleurs sans pétales
effacé
le souvenir de la cime de deux arbres
le
ciel redevient visage et demain déjà s’exalte
on
goûte à l’éternité comme à ce qui est suave
et Gabriel Zimmermann :
Ces
quelques mots
Avant
la grande ombre
Oui
elle passera
À
peine plus qu’une marche en forêt
Elle
sera ce que tu en dis
Puissante
mais brève
Une
zébrure
Un
ondoiement du temps
Après
Nous
retournerons à nos habitudes
À
notre usage du jour
Après
nous dinerons
Le
pain les fruits sont frais
Mais
je ne peux cacher
Tu la
sens cette peur
Qui
monte en moi
A
l’instant où le soleil
S’absente.
Revue Rose des temps, n°50, septembre-décembre 2024
La revue Rose des Temps, conduite par Patrick Picornot et Aumane Placide, est publiée par l’association Parole & Poésie, créée en 2009, dont le but est de promouvoir la dimension orale et écrite de la poésie française et francophone. Elle paraît trois fois par an, en mai, septembre et janvier.
Le poème de couverture sur la rose est ici de Raymond Rillot : « Quelques roses / près de la fontaine lui souriaient / alors il se mettait à chanter », le thème du numéro étant « La vie entre réel et songe ».
Dans son éditorial, Patrick Picornot dit l’importance de l’imagination comme outil de résistance aux pouvoirs humains de toutes natures. Et de donner des exemples : « Chez les Gitans, une règle essentielle de vie consiste à rêver longtemps à l’avance tout acte important de l’existence, qu’il soit réalisé dans l’espace public ou l’espace privé. Le réel se voit ainsi toujours précédé du rêve. Gaston Bachelard a bien montré que toute invention humaine majeure, telle par exemple que celle du feu, naît fortuitement d’une longue période appartenant à l’univers du songe. Albert Einstein ira même jusqu’à affirmer que « tout ce qui est possible dans notre imagination est possible dans la réalité » […] Plus que jamais, sans relâche, mais aussi sans tapage, le poète œuvre entre réel et songe, peut-être dans le secret espoir de changer le monde avant que celui-ci ne soit définitivement perdu ».
Une quarantaine de poètes sont à l’affiche, et comme toujours une section fort bien nourrie consacrée aux chroniques de livres et de revues complète la sélection de poèmes, suivie dans ce numéro d’un hommage à Madeleine Riffaud, résistante, poète, journaliste et militante anti-colonialiste, décédée dans sa centième année en 2024. Voici pour terminer le très beau poème intitulé « Alizé » du poète haïtien Raymond Chassagne placé en ouverture du numéro :
en
vain nous allongeons les promesses du temps
le
temps nous a menti
et
l’homme au long désir file une étrange laine
au
pays des grands froids
je
parlais je parlais ce n’était que des mots
à
l’alizé du rêve
l’amour
allume un phare au-delà des bas-fonds
plus
haut que nos fanaux
le
poète renie les tristes vérités
des
vers aristocrates
et sa
main de danseur n’est plus qu’un trait d’union
de
chance et de justice
le
poème enfin rampe et côtoie tous nos frères
de
peine et de raison
les
destinées ne sont que des formes de foule
et la
mort disparaît
puisque
l’homme renaît sans cesse et se refait
à
l’alizé du rêve
Revue Coup de
soleil n°121/122, octobre 2024
La revue triannuelle Coup de soleil dirigée par Michel Dunand
et Marie-Françoise Payet-Saliesiani, et publiée par
la Maison de la Poésie d’Annecy, a été lancée en 1984.
Au sommaire de ce numéro, les textes d’une douzaine de poètes ainsi que des chroniques. Citons par exemple ce poème intitulé « Aurore » de Henri Perrier Gustin, qui parle de sa ville :
Un ciel pastis
arrose Marseille,
de tons or
sur fond bleu.
Une lueur de craie
frôle les pierres,
et se joue d’ombre.
Observer le vieux port
sa citadelle
éclaboussée de lumière.
Puis accueillir,
dans un coin du cœur,
les bruits des quais,
cliquetis et chants de ville.
Et celui d’Andrea Genovese intitulé « Crépuscule » extrait de « Idylles de Toulouse »:
Dans l’horizon fermé
les briques roses
translucides
sont dorées par la pluie
L’arc-en-ciel égrène
sa fresque éphémère
sur les ponts
déployant les pétales de la nuit
Revue L’arbre parle n°11,
Automne 2024
Cette revue « sauvage et poétique », une vingtaine de pages simplement agrafées au format A4, paraissant deux fois par an, a été créée en 2019 par Didier Ober dans le cadre de son association « L’arbre barde ».
L’éditorial de Didier Ober s’intitule « Obsolescence programmée » et dresse un constat sombre de l’évolution du monde sous la double pression de l’évolution technologique et du désintérêt croissant de l’homme pour la préservation de la nature. Laissons parler Didier Ober : « Nous nous préoccupons de la destruction de la nature et du vivant tandis qu’ils parlent réarmement et « économie de guerre » pour détruire encore davantage, nous nous soucions de l’avenir de l’humanité pendant qu’ils expérimentent l’intelligence artificielle (qui sert aussi à détruire des êtres humains dans les guerres en cours…), nous parlons poésie pendant qu’ils nous parlent dématérialisation, identité numérique, monde virtuel… Allons-nous vers une dématérialisation et un contrôle généralisés du monde et de l’être humain ? - Dématérialisation ou atomisation ? - En tout cas, vers une déshumanisation certaine. Décidément, nous n’en avons pas fini avec leur folie totalitaire et destructrice… Ont-ils à ce point peur de la nature, peur de la vie ? ». Des mots qui résonnent particulièrement dans la nouvelle donne politique mondiale installée par l’oligarchie au pouvoir outre-Atlantique.
Une vingtaine de poètes au sommaire de ce numéro, ainsi que les lectures de Didier Ober relatives à une quinzaine de revues, et des chroniques de recueils. Georges Cathalo souligne le gouffre qui sépare la poésie du monde de l’argent : « inutile de vous en faire / ou de prendre vos précautions / amis poètes d’un jour ou de toujours / aucune place ne vous attend / auprès des grands seigneurs de la finance / rien n’est prévu pour vous / car nul ne connaît votre existence / et vos chefs d’œuvre encore moins ». Jeanne Champel Grenier dit dans son poème « Fresque » l’espoir du renouveau, voire de la re-création, du monde :
Devant
moi se suivaient les biches matinales
Avec
leurs très grands yeux étirés vers les tempes
Flancs
à demi noyés d’une brume d’estampe
Au
pied de la montagne aux formes minérales.
Ainsi
je pouvais voir l’ensemble de la harde
C’était
l’antique fresque bondissante et sauvage
Tous
les profils des têtes dans le bon sens du vent
Que le
matin du monde peignait là devant moi…
L’univers
était neuf, tout allait arriver
Et
debout sur le seuil, je regardais passer,
Moi,
chamane oublié depuis le fond des âges,
L’infini
du troupeau sur le pur sablier
Je
déposai ma main sur la paroi mouillée
Et
soufflai fort dessus afin de la signer
Revue Verso, n°1979, décembre 2024
Ce numéro, comme tous les numéros de la
revue (4 numéros par an depuis 1977), est introduit par un sonnet de
Shakespeare, traduit par Mermed. Alain Wexler, s’inspirant a posteriori des poèmes publiés dans le
numéro, en a composé le titre suivant : « un grain, une
étoile ». Citons le début de son éditorial : « Du grain de sable
à l’étoile, n’y aurait-il qu’un pas ? Nous sommes dans un entre-deux,
entre un porte-plume et la lune. Nos souvenirs s’éteignent comme certaines
étoiles, nous évoluons dans l’espace par des portes dérobées, des
interstices ».
Une trentaine de poètes sont présents
dans ce numéro. Citons, au gré de la lecture, Anne Barbusse :
Il pleut furieusement sur le monde
et il nous faudra tant de mots pour nous
extraire
de l’obscurité – à peine si la pluie nous
regarde, tombant sans phrase et sans
oiseau, noyant
décembre de crépuscules diurnes, toujours
inoculant
l’hiver aux présences furtives et brunes,
et
le tilleul
fait naufrage avec élégance sans feuilles
et sans remords
tête baissée dans toute syntaxe délirante
yeux éclaboussés d’eaux,
livres
demi-fermés et avec les brumes
alanguies si blanches que le jardin
déconstruit pardonne
aux vivants provisoires,
jardiniers
des terres froides
Ou encore Gaël Tissot :
En amont des grands vents
Tu berceras la toile des rêves
Et des orages passés.
En amont du grain et des terres sèches
Tu vêtiras les lames de l’oubli
Éclairée
La cendre
La lumière pétrifiée.
En amont de la parole
Tu épelleras le jour
Nombreuses chroniques et notes de lecture sur recueils et revues suivies d’un entretien de Carole Mesrobian avec la poète et psychologue Gili Haimovich que l’on peut retrouver sur la revue en ligne Recours au Poème (https://www.recoursaupoeme.fr/par-dessus-la-guerre-la-poesie-entretien-avec-gili-haimovitch/).
Revue Comme en poésie, n°100,
janvier 2025
La revue trimestrielle éditée depuis maintenant 22 ans par Jean-Pierre Lesieur dans sa « fabrique du poème », atteint son centième numéro. Voici ce qu’il écrit dans son éditorial :
« La naissance de mon numéro 100 n’intervient pas sous de super auspices et sa lecture ne fera pas bouger d’un iota les conditions climato-guerrières, mais enfin elle permettra à ceux qui le liront d’oublier un temps l’absurde connerie des hommes de notre siècle et favorisera un peu de réconfort. / Oh je ne me fais pas d’idée préconçue ni de pouvoir que je n’ai pas et qu’elle, la poésie ne possède pas non plus, mais vous verrez que quand les lieux sont en mauvais état un petit coup de poésie ne peut faire de mal à personne. / Alors en route vers le numéro 200 cela ne me fera que 119 ans et je serai ainsi le plus vieux poète du monde à fabriquer une revue qui aura résisté à une guerre mondiale et nucléaire en dépit des aléas de la bêtise humaine et de tout ce qui s’y rattache. / BON VENT ET DEBOUT LES PAS MORTS ».
Une cinquantaine de poètes au générique pour cette livraison. Oui, la poésie nous aide à vivre, comme l’affirme Jean-Pierre Lesieur, mais aussi, parmi beaucoup d’autres, Alain Jean Macé dans ce poème glané en fin de numéro :
Pour
nous aider à vivre il faut un fou qui parle
dans
la nuit qui déferle en poussant son rideau
qui
gueule comme un âne aux portes des étoiles
et
chatouille la lune au cœur du firmament
oui un
fou que le vent porterait dans son ventre
comme
un galet bercé aux vagues du sommeil
qui
fasse chanter l’ombre au rythme des horloges
pour
répondre au muet et au sourd qui se tait
et qui
aille à la source allumer les flambeaux
pour
lire à livre ouvert dans l’espace et le temps
en
dansant sur les mots au contour du silence
Terminons en citant Basile Rouchin : « Capituler face à l’adversité, tendre l’autre joue dans une posture sacrificielle, soudoyer les puissants prompts à acheter le silence ou des pages de publicité, en échange de subventions, n’ont pas leur place dans « Comme en Poésie » ! Et Jean-Pierre Lesieur de s’interroger régulièrement sur l’identité de « la belle » portée au pinacle, de son avenir, de celui des revues comme espaces d’expression (à préserver) et bannières de résistance (à brandir). Non seulement la lutte passe par les mots, l’indépendance éditoriale (loin du parisianisme ambiant ou des salons littéraires mus par l’appât du gain) mais aussi par le réalisme à échelle humaine et la persévérance. En dépit de graves problèmes de santé (1988, 2018) et d’une pathologie évolutive, l’écriveur-artisan déclare : « je continue la revue et maintenant les éditions, tant que je pourrai encore penser et me mouvoir, ensuite adviendra que pourra » (éditorial, 51).
Il est à noter qu’entre les numéros 81 et 91, la revue affiche la couleur de son engagement : « la révolte, la fronde, le ras le bol ». À bien des égards, l’entreprise est noble.
Revue Florilège,
n°198, mars 2025
La revue trimestrielle Florilège, créée
en 1974 par l’Association Les Poètes de l’Amitié – Poètes sans Frontières
présidée par le poète et écrivain dijonnais Stephen Blanchard, présente un
sommaire très riche, allié à une présentation de belle facture. L’éditorial de
ce numéro, titré « Pourquoi j’écris ? » est de André Prone, qui le termine ainsi : « Alors, pourquoi
j’écris ? Pour que les mots deviennent un écho de la terre, un hymne à sa
beauté, un cri d’amour, et une promesse d’un monde meilleur ».
De nombreux poèmes, un par auteur, comme
toujours, citons par exemple Nour Cadour, avec son
poème « Femme de Palmyre », illustré d’une peinture de Andrée
Bars :
Les ruines grésillent avec mon âme
de nuages noirs
fragments de pierre dans cette lumière
où le soleil ne se lèvera plus
mais les sonnets de Palmyre continueront
de chanter
comme des jasmins suspendus au ciel
pulpe éclose
bouche ouverte
murmures imbibés d’immortalité
dont l’odeur suffit
à faire tourner le monde
Citons encore ce beau poème, intitulé
« Hiver », de Jyssé :
Les arbres se sont dépouillés
De leurs feuilles d’automne
Comme eux j’ai vu tomber
Les uns après les autres, les amis que
j’aimais
Les unes après les autres, les idées que
je défendais
Puis un à un, mes vêtements de comédien
Et je me retrouve seul et nu
Nu, devant un ciel de neige qui m’aveugle
Nu, sous le souffle glacial de l’hiver
qui me cingle
Nu,
face à ma mère, la terre, qui me réclame
La section des chroniques et notes de
lecture est également étoffée. On y apprend que le prix Marie Noël 2024 a été
attribué à Michel Santune pour son recueil
« Solstices ». Une longue chronique est consacrée par Marie-Christine
Guidon au poète argentin Juan Gelman, qui connaitra l’exil durant la dictature militaire. Citons l’un
de ses premiers poèmes, extrait de « Violon et autres questions »
(1956) :
Épitaphe
Un oiseau vivait en moi
Une fleur voyageait dans mon sang.
Mon cœur était un violon.
J’ai aimé ou pas. Mais parfois
on m’a aimé. Moi aussi
je me réjouissais : du printemps,
des mains jointes, de ce qui rend
heureux.
Je dis que l’homme se doit de
l’être !
(Ci-gît un oiseau
Une fleur.
Un violon.)
Beaucoup d’autres articles intéressants,
comme celui de la rubrique « Poésie & Philosophie » tenue par
Gérard Mottet sur Philippe Jaccottet ou encore la chronique consacrée par
Marie-Christine Guidon au poète et écrivain tchécoslovaque Jaroslav
Seifert, récipiendaire en 1984 du prix Nobel de littérature, avec lequel nous
terminerons cette note :
C’est seulement en vieillissant
Que j’ai appris à aimer le silence
Parfois il exalte plus que la musique.
Dans le silence apparaissent des signes
frissonnants
Et sur les carrefours de la mémoire
Tu entends les noms
Que le temps a essayé d’étouffer
Revue Voix d’encre, n°71, octobre 2024
À l’origine
de la maison d’édition, la revue Voix d’encre, lancée en 1990, paraît
deux fois l’an : une livraison au printemps, une autre à l’automne. À chaque
numéro, l’intervention d’un artiste rythme la maquette et fait respirer
l’ensemble, ici c’est le peintre Michel Verdet qui est accueilli. La revue est
animée par Alain Blanc, Jean-Pierre Chambon et Hervé Planquois. Les auteurs
présents dans ce numéro sont Gabrielle Althen, Michel
Lamart, Hervé Bienfait,
Alexis Audren, Gabriel Zimmermann, Delphine Chatrian et Mario Benedetti.
Quelques
extraits, au hasard de la lecture. De Gabrielle Althen :
« Un arbre blanc se présente et dit qu’il est blanc à l’homme qui est
venu le voir. / Ce dernier ne veut pas le croire et mâche d’anciennes idées
vertes. L’arbre s’envole et va se poser de l’autre côté de la colline, où le
ciel ne dira pas qui il est, ni comment il se nomme ». Michel Lamart écrit dans son long poème
« Mendiant » :
[…]
Osez la
tendresse et la
Reconnaissance
viendra
Naturellement
Accrochez
aux étoiles
Ces
paillettes d’aubes
Rêvées par
les crépuscules
Bleus
parfumés
De jasmins
et de roses
[…]
Accordez
A
l’étranger
Ce que
vous avez
En vous de
meilleur
[…]
Hervé Bienfait : « À l’intime de la dune, / dormir
au creux de l’immense. // Bonheur, entame d’un rêve / à la renverse du monde.
// Le froid des étoiles / glissant sur le duvet ». Alexis
Audren : « à chaque intention une / explosion / de masques / à
jeter sur un visage // lesquels doit-on écarter / pour atteindre la / densité
de ta bouche // garder la distance du désir ». Gabriel
Zimmermann : « Avec un sac je partirai – vide / Et ouvert par le
haut il fera sur mon dos / Une calebasse prête pour être remplie // J’y
glisserai du sable ramassé dans le désert / Pour garder près de moi la chaleur
du vent / Mêlée à une terre qui ne connaît par la pluie // J’y mettrai des
feuilles, du branchage, des mousses / Pour préserver les mois de traversée /
Dans la forêt qui m’apprit la merveille ». Delphine Chatrian, avec ses
aphorismes : « Briller par son absence est un phénomène
parfaitement connu des astrophysiciens que le commun des mortels expérimente
souvent ». Enfin l’écrivain et poète uruguayen Mario Benedetti,
traduit de l’anglais par Christian Garcin :
Qui aurait
cru qu’il se tenait
seul dans
l’air, caché,
ton
regard.
Qui aurait
cru que cette terrible
occasion
de naître serait à portée
de ma
chance et de mes yeux,
et que
nous irions toi et moi, dépouillés
de tout
bien, de tout mal, dépouillés de tout,
nous enchainer dans le même silence,
nous
pencher sur la même source
pour nous
voir et nous voir encore,
mutuellement
épiés tout au fond,
tremblotants
d’eau
découvrant,
essayant d’atteindre
qui tu
étais derrière ce rideau,
qui j’étais
derrière moi-même.
Et
pourtant nous n’avons encore rien vu.
[…]
Revue Les Hommes sans épaules n°58, second semestre 2024
La belle revue pilotée depuis 1997 par Christophe Dauphin paraît deux fois l’an, en mars et en octobre, proposant 350 pages de poésie venue de tous les coins du monde.
Le numéro 58 est consacré au poète arménien Daniel Varoujan. Laissons parler Christophe Dauphin : « Daniel Varoujan, poète autour duquel tourne notre dossier central a été arrêté sans le moindre motif par la police turque, le 24 avril 1915, à Constantinople, vers minuit, comme de nombreux intellectuels et poètes Arméniens, dont Siamanto et Rouben Sévak. La rafle dite des intellectuels débute à 20 heures, dirigée par Bedri Bey, le chef de la police de Constantinople. Dans la nuit du 24 au 25 avril 1915, 270 intellectuels arméniens sont arrêtés, des ecclésiastiques, des médecins, des écrivains, des éditeurs, des journalistes, des avocats, des enseignants et des hommes politiques. Ils sont conduits dans des centres de rétention où la plupart sont immédiatement assassinés. Ces arrestations ont été décidées par le ministre de l’Intérieur Talaat Pacha.
En comptant les arrestations survenues les jours suivants à Constantinople, on atteint le chiffre de 2.345 déportations. Daniel Varoujan va passer quatre mois en prison. Tout va aller très vite dans l’ignoble. D’avril 1915 à octobre 1916, en un peu plus de dix-huit mois, le Parti-État Jeune-Turc élimine trois peuples constitutifs de l’Empire ottoman : les Arméniens qui vivent sur leurs terres depuis trois mille ans, les Grecs et les Assyriens. Les déportations sont systématiques. Elles visent « officiellement » à « déplacer » la population arménienne en Syrie et en Mésopotamie. 15 à 20% seulement des déportés parviennent sur leurs lieux de « déportation » sur trois axes : la ligne de l’Euphrate, la route Ras ul-Ayn-Mossoul-Bagdad, l’axe Alep-Homs-Hama-Damas-Amman-Sinaï... ».
Lisons Varoujan, à travers ce poèmes extrait de « Le chant du pain » (1915), intitulé « À perte de vue » et traduit de l’arménien par Vahé Godel, qui dit un profond désir de paix et d’amour :
Qu’à
l’Orient règne la paix.
Que
les sillons s’imprègnent de sueur
et non
de sang !
Que le
moindre village, aux sons de la crécelle,
s’emplisse
de louanges !
Qu’à
l’Occident la terre soit féconde.
Que
l’étoile fonde en rosée,
que
l’épi devienne de l’or !
Sur la
montagne, à l’heure où les moutons pâturent,
que
foisonnent bourgeons et fleurs !
Qu’au
Nord l’abondance rayonne.
Que la
faux sans cesse replonge
dans
l’océan des céréales !
Et les
greniers s’ouvrant à la récolte,
se répande
la joie !
Qu’au
Sud les fruits soient innombrables.
Brille
le miel au cœur des ruches,
que le
vin coule à flots, que les coupes débordent !
Et
quand la jeune épouse enfourne le bon pain,
s’illumine
l’amour !
Une quarantaine de poète au total au sommaire du numéro, comme toujours très riche et marqué à la remarquable érudition de son créateur.
(Eric Chassefière)