LE CHAT TROP
ZÉLÉ
Un
matin d’été, un couple de mes voisins ont recueilli un
bon gros matou de
couleur blanche qui était en déshérence, ils le
virent arriver du fond du
jardin et sans crainte ni peur se présenta à eux en leur
caressant les jambes,
le dos bien rond et le ronron assuré. Touchés de tant de
gentillesse, ils lui donnèrent
à boire et à manger et un coin dans la chaufferie de leur
maison.
Le
bon gros chat ne se fit pas prier et accepta l’hospitalité. Tout
en gardant sa
totale liberté, pas question pour lui de rester sagement assis
aux pieds de ses
nouveaux maîtres : il lui fallait vaquer à ses
affaires, de nuit comme de
jour. Et c’est le soir tombé que ses maîtres le virent
revenir avec à la gueule
un lézard qu’il venait tout juste d’occire.
Et
tous les jours suivants, ce fut le même manège : qui
une souris, un rat,
un mulot, une clef de saint-pierre et quelquefois un oiseau… aucune de
ces
pauvres bêtes ne réussirent à trouver grâce
devant lui.
Les
maîtres n’aimèrent pas cette façon de faire,
d’autant que l’animal n’était
jamais mort au premier instant, le chat s’amusait de lui jusqu’à
la dernière
extrémité. Ainsi, il se montrait par trop cruel et les
maîtres n’aimaient pas
cela.
Chaque
jour, ce fut démonstration identique de son talent de chasseur
au point qu’il
lassa tellement ses bons maîtres que ceux-ci
décidèrent de le donner à un ami
qui voulait se débarrasser de souris qui avaient envahi son
grenier.
Trop
de zèle finit par lasser le meilleur des hommes. Dispensez votre
talent à petites
doses, ne vous montrez jamais sous un jour trop rutilent, mettez-vous
sous la
lumière le temps nécessaire à vous faire
connaître et sachez vous retirer avant
que l’on vous précipite en bas de l’estrade.
& & & &
LE CHIEN GALEUX
Un
pauvre chien, tout galeux, pelé de toutes parts, boiteux en fin
de journée, la
langue pendante, errant à la triste mine, rencontra sur son
chemin un petit
chien tout guilleret, la frimousse innocente, prêt à
japper à la moindre occasion.
Il venait de perdre ses deux parents, aux détours d’un chemin,
une balle perdue
tirée d’un chasseur pour l’un et un chauffard ivre pour l’autre.
« Triste
monde ! Comment vais-je faire ? » Se demanda-t-il.
Quand il
rencontra notre pauvre hère à la mine défaite.
À
l’instant, ils se prirent d’amitié. Foin de la différence
d’âge et de condition
physique, l’amitié efface ce qui ferait obstacle
d’ordinaire. À l’ancêtre, le
chiot redonna goût à la vie, soigna ses infirmités,
le rendit un peu plus
fringant, à l’inverse, le chiot reçut force leçons
sur ce qu’il fallait faire
ou s’abstenir de faire pour être bien vu par les humains.
Le
couple ainsi formé, bancal d’un côté,
redressé de l‘autre, s’aidant
mutuellement, quand l’un perdait moral, l’autre redonnait goût
à cette vie si
difficile.
Quel
ménage n’a jamais connu tel déséquilibre ? Et
tel autre n’a jamais fait
effort pour tirer la corde du côté opposé au
précipice…
Tout
est question d’équilibre. Nous sommes tous des funambules et
malheur à celui
qui laisse tomber le balancier !