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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

 

Printemps 2025

 

 

« Plus aucun minotaure… »

 

Poèmes inédits et photos de François Teyssandier

 

(*)

 

 

 

1

 

Chevaux de braises incandescentes

Qui traversent la nuit en traits de feu

 

Comme des comètes silencieuses

À souple chevelure de lune

 

Si rapides qu’elles ne laissent aucune trace

De lumière dans tes yeux et ta mémoire d’enfant

 

Chevaux du soleil qui s’enflamment

Et se consument en cendres

 

Que l’air dépose sur ton front au matin

En fines et tièdes gouttelettes de lumière

 

2

 

Silex tranchant des mots

 

Blessures à cœur ouvert

Dans la chair tendre des jours

 

Une goutte de sang tombée du ciel

Coule sur ton front comme un rêve d’azur

 

Dans la mémoire périssable

Des jours et la fragrance du soleil

 

S’enfonce l’épée verticale du temps

À l’aplomb d’un dernier rêve qui disparaît dans ton regard

 

 

3

 

Ton nom s’efface lentement

Comme la fumée d’un feu lointain

Et devient cendres encore chaudes

Sur la pierre des souvenirs

 

Tu n’es plus qu’une trace

Invisible dans la brume du matin

La nuit a dissous tes derniers mots

Ta voix à peine audible devient sèche

 

Et craque comme une feuille morte

Que foulent tes pieds nus

 

 

4

 

Raisin noir du soleil

Dans la coupe de tes mains

 

Ouvertes sur la lumière

Qui s’attarde sur tes lèvres

 

Jus savoureux du poème

Dans la bouche grande ouverte du ciel

 

Raisin blanc de la lune

À l’ombre des ceps endormis

 

5

 

Un soc d’étoile laboure le ciel

La nuit s’amasse dans tes rêves

 

Nuages qui traversent le bref

Éclair des désirs inassouvis

 

Ta peau nue frissonne

L’amour devient un baiser sur tes lèvres

 

Des fruits mûrs tombent du soleil

En lourdes grappes d’azur

 

Un soc d’étoile laboure

La terre vierge de ta naissance

 

 

 

 

6

 

Chaque poème

Est un brin d’herbe

 

Que tu mâches

Entre tes dents

 

Et qui te nourrit de sa sève

Comme un arbre planté dans ta poitrine

 

 

7

 

La lumière éblouit tes yeux

Le ciel dépose ses couleurs

 

Sur le bleu inversé des nuages

Que reflète l’étang placide du soir

 

Il fait déjà nuit dans ta voix

Tu t’endors sur l’épaule des ténèbres

Dans la chambre immense de tes rêves

 

 

8

 

Stèles du soleil

D’un bleu d’azur

 

Aux chiffres qui se brisent

Comme ossements des morts

 

Tombeau du silex et de l’éclair

Pour honorer l’absence et l’oubli

 

De tout amour ancien égaré

Dans le gouffre insondable du temps

 

9

 

Tu sais bien que les pierres

Ne peuvent pas parler

Ni même crier quand tes pieds nus

Les écrasent sans pitié

 

Mais il te plaît d’imaginer

Que ces pierres ont une vie

Et qu’elles chantent de plaisir

Quand le soleil leur épargne

 

Les brûlures de ses flèches acérées

Ou qu’elles gémissent de désespoir quand la grêle les assaille

Oui ces pierres que tu ramasses chaque jour

Et qui prennent la forme de tes mains

 

Tu penses qu’elles ne sont pas

Une matière inerte mais qu’elles ont

Une chair savoureuse que tu prends plaisir

À goûter sur ta langue et à mordre jusqu’au sang

 

 

10

 

Une porte refuse

D’ouvrir à ton ombre

Par peur de laisser le passage

À cet inconnu qui te ressemble

 

Tu as beau frapper de ton poing

Elle ne s’entrebâillera même pas

On dirait une bouche qui reste fermée

Pour qu’aucune voix ne sorte de la tienne

 

Tu heurtes de ton front le bois noueux

De cette porte qui devient un ciel infranchissable

Reclus dans la mémoire votive de tes mots

Comme un pâle reflet de la mort aux aguets

 

 

 

12

 

Visage

Sans bouche

 

Ou bouche

Sans visage

 

Tu n’es que le reflet

De ce que tu as été

 

Au miroir de l’absence

Et de l’oubli

 

 

12

 

Chaque mot est une musique

Que module ta voix d’oiseau

Arpèges qui trouent le silence

D’un invisible orchestre d’étoiles

 

Dans l’infini désert du monde

Qui tremble et respire en toi

Peuplé de vide et d’absence

Au plus secret des méandres

 

De ce cœur qui bat à perdre le souffle

Dans ta poitrine et ta mémoire perdue

 

 

13

 

Tu ne parles aucune langue

Pas même celle des oiseaux et des pierres

 

Tes mots n’ont pas plus de sens

Que la secrète énigme du ciel

 

Tu traverses à l’aveugle la lumière des jours

Et ta voix saisie par le froid devient muette

 

Comme celle du temps que durcit

L’insondable givre des souvenirs

 

14

 

Tu marches pieds nus

Sur des tessons de lumière

 

Des barbelés s’enfoncent

Dans ta chair tu saignes

 

À n’en plus finir jusqu’à

L’épuisement complet du corps

 

Il ne reste plus sur les pierres des chemins

Que la mue sèche de ce que tu as été

 

 

15

 

Au matin

Dans un tourbillon

De lumière

 

Le vent pourpre

Dérobe aux arbres

Le sang de leurs feuilles

 

 

16

 

Le poème

Que tu viens d’écrire

 

N’est plus qu’une

Tache d’encre

 

Sur tes mains

 

 

 

17

 

Lumière

Qui ruisselle

 

Comme une cascade

De songes

 

Sur la peau nue

Des pierres

 

Et les mousses

Odorantes du ciel

 

 

18

 

Tu t’obstines à écrire

Avec tes mots les plus simples

 

Une ode à la joie de vivre

Ou le chant mélodieux de la lumière

 

Mais tu n’es aussi qu’un regard

De désespoir à grand peine jeté

 

Sur ce monde en ruines

Ou un cri d’angoisse et de peur

 

Lancé dans les ténèbres pour tenter

De combattre à mains nues

 

Tous les désastres et brasiers futurs

 

 

19

 

La neige

Comme un linceul

D’oubli

 

Tu te dévêts

De ta chair dans

Ses plis et replis immaculés

 

 

20

 

Tes pas annoncent

L’éclat futur d’une lumière

 

Qui viendra nimber d’ocre

Et de bleu chaque parcelle

 

De ta vie si prompte

À s’effacer dans tes rêves

 

Tu resteras allongé

Sur les pierres des chemins

 

Comme une mue d’insecte

Te laissant emporter par le vent

 

Et le ténébreux vertige de la nuit

 

 

 

21

 

Le soleil perd

Son sang

 

Comme une rose

Se fane

 

Sans un cri

De douleur

 

 

22

 

Temps suspendu

À tu ne sais quelle branche

 

D’un arbre millénaire

Qui n’existe que dans l’exil du vent

 

Loin de ce rivage céleste

Tes mots s’emplissent de lumière

 

Et s’effarouchent de ton ombre

 

 

23

 

La vie

Est aussi frêle

Que cette barque

 

Que tes mains ont

Creusée dans le bois

Friable de tes rêves

 

 

24

 

Le temps s’apaise soudain

Comme la lumière du soir

 

La mer n’est plus qu’un lointain

Souvenir dans la mémoire des vagues

 

Le ciel et les nuages s’apaisent

Dans le silence des jardins abandonnés

 

Tu n’attends plus qu’un éclat de lune

Pour célébrer les ténèbres de la nuit

 

Avec ton chant de pécheur d’étoiles

Et ta voix mélodieuse qui trace dans l’air

 

Le vol criard d’oiseaux presque invisibles

Comme si tes mots prenaient les formes

 

Et les contours d’un inaccessible royaume

Où chaque pas deviendrait une énigme

 

Pour qui voyage dans les dédales du cœur

 

 

25

 

Fragile

Rompu

 

Ce fil ténu

De lumière

 

Qui s’étire

À se rompre

 

Sur le sol rêche

Du désespoir

 

À fleur de mots

 

 

26

 

Ne brise pas la lumière

De tes mains ou de ta voix

 

Laisse-la franchir les murailles

Du ciel et les miroirs à l’abandon

 

Qu’elle traverse ton regard

De sa lame d’azur et de feu

 

Qu’elle soit tout entière

La rebelle amante de ton poème

 

 

27

 

Le soleil dépose un peu

De jaune sur les tournesols

 

Van Gogh peint le ciel de ses rêves

À larges aplats de bleu courbé vers la terre

 

Tu respires l’âcre ou suave parfum

Des fleurs et la douce clarté des étoiles

 

Le vent rougit de son sang vierge

Les cimes enneigées de l’amour

 

La nuit s’enroule autour des arbres

Et s’endort dans l’antre de ton poème

 

 

28

 

Plus aucun minotaure

Ne hante les labyrinthes du soleil

 

Plus aucun dieu ne foudroie

Les imprécations des vivants

 

Seuls les morts recousent

Leur propre linceul

 

Avec fil et aiguilles du temps passé

À jamais perdu dans le silence de leurs pas

 

 

29

 

Ne plus

Parler

 

Oublier

Même

 

Le silence

 

 

 

©François Teyssandier

 

 

(*)

 

François Teyssandier est né à Bassens (Gironde).

Études en langue et civilisation italiennes à la Faculté des lettres de Bordeaux. Conservatoire d’art dramatique de cette ville.
Comédien amateur à Bordeaux, puis professionnel à Paris.

Licence d’études théâtrales à Censier.
Enseignant.

 

PUBLICATIONS :

 

Théâtre : 3 pièces à L’Avant-scène théâtre : 

 

Des voix dans la ville, n°512,

L’Accusation, n°607,

Le Temps de solitude, n°687 (créée à Paris en 1984, au Théâtre de Plaisance, mise en scène et jouée par l’auteur)

        

Nouvelles publiées dans les revues :

 

Nota Bene, Roman, Brèves, Les Tas de mots, Népenthes, Diérèse, A l’Index, ADA Mag, Muze, Traversées (Belgique), Rue Saint-Ambroise, Moebius (Québec), Créatures, Les Dossiers d’Aquitaine, 15K (sur le Net), Francopolis (sur le Net), Pr’Ose, et dans quelques recueils collectifs.

 

Recueils de poésie :

 

La Musique du temps, éd. P.J. Oswald

Livres du songe, éd. Belfond, prix Louise Labé

Paysages nomades, éd. Voix d’encre

Équilibre instable de la lumière, éd. du Cygne

Mémoire des mots, éditions Polyglotte

La Lenteur des rêves, éditions Les Lieux-Dits

La Patience du vent, éditions Polyglotte

 

Poèmes publiés dans des revues :

 

Poésie1, Vagabondages, Artère, Glanes, Poésie 2000 (anthologie), Isis, Les Heures, Poésiades, L’Almanach des poètes, Le Coin de table, L’Arbre à paroles (Belgique), Diptyque (Belgique), Pyro, N4728, Traversées (Belgique), Décharge, Friches, Arpa, Verso, Comme en poésie, Le Capital des mots (sur le Net), Nouveaux délits, Convergences, Escapades, Voix d’encre, Recours au poème (sur le Net), Les Cahiers de poésie, Sipay (Seychelles), Poésie/Première, Revue 17 secondes, Phoenix, A l’Index,  Francopolis (sur le Net), Revue Margutte (franco-italienne, sur le Net), Bleu d’encre, La Piscine, Ecrit(s) du Nord. 

 

Ancien membre du comité de lecture de la revue Rue Saint-Ambroise.

Depuis 2017, membre du comité de rédaction de la revue Poésie/première.

 

Vit depuis 2021 à Saint-Nazaire.

 

 

 

 

Créaphonie : François Teyssandier  

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Créé le 1er mars 2002