Auteur |
Message |
   
Leezie
| Envoyé samedi 12 avril 2003 - 16h44: | |
Ceux qui t’aiment prendront le train Pour te suivre jusqu’à d’illusoires terres promises D’autres descendront à contre-voie Ou sauteront en marche, quitte à se blesser Par peur des cahots, des tunnels Des arrêts en rase campagne. Tu ressembles à la vie C’est le même bruit sourd des essieux La même gare de triage que l’on traverse L’hiver à l’aube Le même ballast enjambé à la hâte La même quête recommencée Au terme de chaque voyage Tu t’installes à distance Sur des collines aux sentiers escarpés Ou sur les hauts plateaux de la musique. Aux autres le talus glissant. Le vertige et les ronces. Ton parcours est obscur Comme est obscure la destinée des hommes Avec ce regret de l’enfance De tout ce qui est perdu d’avance Et lentement s’éloigne Fanal de braise d’un dernier wagon dans la nuit. Oh, ne crains rien Notre affection Nous ne la retournerons pas contre toi Comme une arme Ceux qui t’aiment prendront le train Pour te suivre jusqu’à d’illusoires terres promises Les cinq chiffres de ton prénom étrusque Martèleront leurs tempes Au rythme lassant des boggies J’attendrai sur le quai avec ma cigarette Qui s’éteindra d’une petite mort très douce dans la tranquillité morne du jour qui point Roger Lecomte (titre emprunté à Patrice Chéreau)
|
   
Aglaé
| Envoyé samedi 12 avril 2003 - 17h08: | |
"Les chuchotis de platane" du poème précédent,et les trois derniers vers de Roger Lecomte valaient bien une courte visite;sur Francopopo...et hop! |
   
Leezie
| Envoyé samedi 12 avril 2003 - 21h35: | |
Roger est un homme très sympathique, théâtreux, et surtout diseur fabuleux des textes des autres (dénicher les siens est toute une science) qu'il sert inlassablement d'une voix tout particulièrement vivante allez je vous en mets un petit dernier, celui-ci particulièrement pour Flo (il date de décembre 2001) L’écriture … D’abord, il y aurait l’écriture secrète et solitaire comme une nuit sans lune et sans ami Pierrot l’écriture arrachée aux terres de l’insomnie avec son verbe en friche et ses images obscures l’écriture héritée d’une enfance perdue dans les miroirs adultes l’écriture comme un départ soudain vers la nuit intérieure ou un laissez-passer pour une échappée belle comme un théâtre d’ombres, un masque qu’on soulève quand les lumières baissent comme un reflet des choses, une mise en abîme comme un frêle défi à l’ère matérielle, à la fureur du monde et à ses convulsions il y aurait l’écriture pour l’amour fou des mots jusqu’à l’incandescence pour ranimer la flamme des belles aux yeux de nacre qui nous hantent le soir sous les hauts marronniers de nos étés défunts pour dénombrer les cicatrices au dossier des blessures classées l’écriture comme un deuil quand les vivants désertent comme un baume parfois sur l’amitié à vif, sur ses pas qui déclinent à l’aube dans l’hiver l’écriture, indicible musique venue nous murmurer qu’il faut s’aimer très vite avant le premier givre l’écriture, infidèle et rétive lorsque l’ami Pierrot n’a pas prêté sa plume et que là-haut, la lune aux molles opalescences referme ses persiennes et puis un jour, il y aurait la page blanche et son silence de neige, très longtemps… Roger Lecomte
|
|