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jml
| Envoyé vendredi 03 décembre 2004 - 22h40: | |
LEOPOLDO MARIA PANERO (Espagne) Fils d’un poète connu de l’époque, il est né en 1948. Dès l’âge de 3 ans, sans avoir lu de poésie ni savoir écrire, il dictait déjà des poèmes à sa mère. »Dieu avançait et disait : bientôt finira le monde. Les livres parlaient seuls et disaient : je m’enterrerai. ». Il a traduit Lewis Carol en espagnol et l’auteur de Peter Pan. Depuis les années 1970, il est incarcéré à l’Hôpital psychiatrique de Mondragon, à une heure d’Hendaye, en plein pays basque espagnol. Malgré son importance dans le renouvellement de la poésie espagnole dans les années 1970, il n’a jamais été publié en français. Les poèmes qui suivent ont été écrit à l’asile et ne sont peut-être pas représentatifs de ses recueils publiés avant son internement. Un fou touché par la malédiction du ciel Chante humilié dans un coin Ses chansons parlent d’anges et de choses Qui coûtent la vie à l’œil de l’homme La vie pourrit à ses pieds comme une rose Et désormais près de la tombe, passe à côté de lui Une Princesse. * Les anges voyagent à dos de tortue Et le destin des hommes est de jeter des pierres à la rose Demain mourra un autre fou : Du sang de ses yeux personne n’aura d’autre que la tombe Demain ne saura rien. * LAMED WUFNIK Je suis un lamed wufnik Sans moi l’univers n’est que néant Les têtes des hommes Sont comme de sales puits noirs Je suis un lamed wufnik Sans moi l’univers n’est que néant Dieu pleure sur mes épaules La douleur de l’univers, les flèches Dont les hommes le transpercent Je suis un lamed wufnik Sans moi l’univers n’est que néant Je racontai un jour à un Arabe Sombre, tandis que je dormais Cette histoire de ma vie Et il me dit « Tu es un lamed wufnik »* Sans toi Dieu n’est que pur néant ·chez les Arabes, un kutb * Il y a quatre cent hommes Qui se lavent sur la pierre du malheur Viendras-tu demain ? Tu es l’unique espoir d’échapper à la pierre du malheur Car tout le reste est un monde possible. Viendras-tu demain ? Il est facile de dire pour toujours. Traduit de l’espagnol par François-Michel Durazzo Dans le sombre jardin de l’asile Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais ISBN 2-910703-00-2
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jml
| Envoyé vendredi 03 décembre 2004 - 23h08: | |
FRANCIS GIAUQUE (Jura) Séjours à la clinique, cures d’insuline, électro-chocs, psychothérapie, après deux tentatives de suicide, âgé d’une trentaine d’années, il s’est donné la mort au cours du mois de mai 1965. Merci pour l’amour refusé La plénitude jamais accordée L’abondance ignorée Merci pour les nuits d’errance Et d’abrutissement dans l’alcool Merci pour l’horreur de la maladie Merci pour les sourires narquois Les ricanements Les sarcasmes Le mépris La haine L’indifférence Merci pour les aveux mensongers Les caresses mendiées Les chutes dans l’océan de la nuit Merci pour les portes toujours closes Merci pour les yeux vitrifiés par les larmes Merci pour la bouche écrasée Qui jamais plus ne s’ouvrira sur un aveu Merci pour les mains disjointes Qui ont perdu le chemin des caresses Merci pour l’apaisement Qui jamais n’arrive Merci pour tous ceux en dérive Vers l’archipel du désespoir Merci pour tes yeux Miroir de mon dénuement Merci pour les râles et les cris Arrachés à la bouche des suppliciés Merci pour la mort Qui jette sa défroque Sur les épaules de l’enfant malade Merci pour les promesses Jamais tenues La tendresse repoussée Merci pour les compagnons de clinique Qui se sont suicidés Merci pour ceux qui errent Dans le vent de l’épouvante Merci pour les parias Enfouis dans les replis du désespoir Merci pour l’oasis interdite L’ombre et la nuit Largement dispensées Merci pour les crachats La générosité tournée en dérision Merci pour l’implacable malédiction Qui pèse sur moi Comme sur tant d’autres Avec toi Non sans toi Il n’y a plus de toi désormais Des apparences d’ombre Dans l’étreinte des arbres morts Des troncs pourris Des sources trop hautes Où l’aube se prostitue Pour mendier un peu de lumière Terre de dénuement Éditions de l’Aire présentation de Georges Haldas
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jml
| Envoyé vendredi 03 décembre 2004 - 23h16: | |
Seigneur Seigneur je ne demandais que le repos Et le pouvoir d’aimer en libeté Mais tu m’as garrotté Sur un lit de feraille Avant que j’aie eu le temps de pousser un cri Tes tortures tu me les as dispensées quotidiennement Avec une implacable rigueur Sois remercié Ignoble rapace Qui étalais ta grâce dans les électrochocs Sois béni toi qui me réveillais Du fond du coma insulinique Pour m’envoyer sangloter dans une chambre anonyme Aujourd’hui j’espère férocement que tu existes Afin qu’un jour je puisse te cracher à la gueule librement
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jml
| Envoyé vendredi 03 décembre 2004 - 23h57: | |
JUAN GARCIA (Québec?) Est né au Maroc en 1945. Il émigre au Québec en 1957, publie ses premiers poèmes dans la revue Liberté et fonde en 1965 la revue Passe-partout. Son premier livre, Alchimie du corps, paraît en 1967. Il quitte le Québec la même année pour la France où il sera interné dans un hôpital psychiatrique. C’est de là qu’il écrit la plupart de ses poèmes qui seront publiés dans des revues québécoises. Corps de gloire obtient en 1971 le Prix de la revue Études françaises. À l’hôpital Ce matin j’ai marché dans le parc La folie m’a repris par la main Et comme d’habitude j’ai salué les arbres Qui sont au fond de ma pensée Je n’ai pas ri depuis que je suis ici Il y a trop de haine sur le bord de mes lèvres Et d’ailleurs je redoute ces moments Où l’on tombe dans le ciel pour des riens Je suis passé à côté de monsieur le Directeur Il sait que parfois je vois des anges Mais il ne me demande jamais si je vais mieux Il sait très bien que personne n’est fou Et que nous faisons exprès d’être en vie À midi Bergerwet m’a donné du pain Nous sommes assis depuis des siècles Pour juger ceux qui font le mal Et aussi pour manger ce pain Qui nous illumine les entrailles Demain je vais me souvenir que je suis un homme Je vais enjamber ma vie pour de bon Dieu dit que la corde c’est le mieux Cela fait-il mal de mourir Mais ce soir j’ai envie d’écrire : Je sens comme un oiseau se dégageant de moi Mais ce n’est que mon âme à la recherche du vent Ce n’est que moi prisonnier de mon corps Qui regarde de l’autre côté du jour Octobre vient et les passants sont morts Au fond d’une allée triste où le silence est long Le sentiment de vivre est à jamais parti De ce monde bordé de fine pluie
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jml
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 00h12: | |
INTÉRIEUR EXTÉRIEUR Une seule ligne qui se défait De courbe En courbe Sur la page, Un espace blanc entre chaque pensée, Une image n’étant pas image Mais signe d’une autre image, Un silence en bribes Jusqu’à l’éclatement final De la parole, Une idée fixe qui chemine Mot à mot Dans la mémoire, Des sons qui prennent forme Autour d’un non-sens Comme la vie à vivre, Des couleurs mentales Qui sortent Une à une Dans un néant visible Pour se cristalliser en sourires Et en gestes Que l’avenir capte, Restant d’un monologue Qui pèse depuis la fin des âges Dans la conscience des peuples Ou qui prend son essor De l’intérieur des choses, Condition d’homme N’ayant plus droit à sa condition Et rendu aux derniers décans De sa personnalité, Écriture qui renvoie le cri À son origine Pour faire place à des discours Que la langue natale abolit, Virgules qui se forment en îles Traçant sur le papier Leurs propres politiques, Et diagnostic du poète Découvrant le monde jusqu’à l’os À mesure que le soleil augmente Et que la terre décroît.
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le fou du journal
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 00h22: | |
le nombre de tentatives de suicide n'est pas un plus en poésie ,les électro-chocs non plus ...quoique.....je devrais essayer .....c'est peut être ça le secret blague à part, "Je suis passé à côté de monsieur le Directeur Il sait que parfois je vois des anges Mais il ne me demande jamais si je vais mieux Il sait très bien que personne n’est fou Et que nous faisons exprès d’être en vie" |
   
le fou du journal
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 00h30: | |
la preuve.... http://www.geocities.com/clemenconjp/item312.html et puis: Les anges existent bien sûr ....Mais ... les anges sont vides, j'en suis sûr vide comme du papier d'emballage les anges sont des images mais les ailes...? les vols !... et les chutes, oui, surtout les chutes ......... les anges me ressemblent c'est évident j-p
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jml
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 02h19: | |
* Hommes dit-il enfin en vous tout est absence Vous n’avez pas fermé les cendres sur le feu Vous avez laissé choir votre sang sur le sol Et sans ensemencer vos poumons d’un air libre Vous avez trébuché dans votre vérité Comme on refuse un pauvre en lui rendant sa main Et je vous tiens rancune pour vos foules sans tête Pour votre peu de voix à tant de bouches bées Châtelaine ce chemin s’ouvre autant que tes bras Tant mes pas l’ont fait naître au bout de mon regard Et tant parmi les fleurs j’ai vu l’aube flancher Car mon corps me quittait et j’étais en déroute Dans mon mal de mêler mon haleine à la tienne Et je n’ai pas laissé la folie m’envahir Au point d’être passible de silence et de paix J’ai simplifié le monde à jamais dans mon œil Fait-il calme au château qu’il domine la plaine Un brin d’herbe a suffi pour qu’il serve l’exil Et que notre salive y baptise l’amour Tel qu’en secret le ciel répond de l’avenir Ainsi à deux pas de déserter mon ombre Et de te retrouver au lieu dit du destin À cet amas de pierres je dédie ma patience La nuit comme le jour nous font place déjà Dans le temps les objets quittent leur promontoire La magie lève ses toiles autour de nous Et même si la flamme doit finir dans la cire Le monde mal éteint nous invite à le suivre … Juan Garcia Corps de gloire l’Hexagone Rétrospectives ISBN 2-89006-297-X
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jml
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 02h26: | |
Ce fil ne se veut pas une apologie de la folie ou du suicide mais un simple recoupement de textes. Je n'apprécie pas plus les tours d'ivoire que les trous à rats. Je préfère cependant les tours de magie aux tours d'écrou. |
   
Cécile
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 13h38: | |
"Vous avez certainement tous entendu parler de Nelligan, ce poéte quebecois qui a commencé à écrire des vers dès sa plus jeune enfance. Il a passé une quarantaine de sa vie enfermé dans un asile, après sa mort en 1941 il est devenu un poète très étudié au Québec. Dans sa poésie les thèmes de l'enfance, de l'amour et de la mort sont souvent présents. Vous trouverez d'ailleurs une véritable mine de poèmes sur le site : http://www.emile-nelligan.com ainsi que sa biographie, fort intéressante. Mais je voulais vous faire partager ce tout petit poème (issu de fragments), je me demande à quelle époque il a pu l'écrire et s'il était déjà à l'asile lorsqu'il l'a écrit. En effet, dans ce poème on pressent qu'il n'était pas compris et que la poésie était sa vie entière. Qu'en pensez-vous ? JE SENS VOLER Je sens voler en moi les oiseaux du génie Mais j'ai tendu si mal mon piège qu'ils ont pris Dans l'azur cérébral leurs vols blancs, bruns et gris, Et que mon coeur brisé râle son agonie"
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Cécile
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 13h40: | |
Romance du vin «Ce poème de neuf quatrains a été écrit par un soir de mai 1899. C'est dans ce poème qu'il a investi sa rage et sa douleur d'être un poète incompris, ses sanglots de vivre. La société contribue à son malheur, à son rire sonore, à ses sanglots étouffés. C'est une réponse aux journalistes croque-morts, aux femmes qui rient de lui, aux hommes qui repoussent sa main. Jamais Nelligan n'avait-il crié aussi fort. Toutes les strophes du poème sont ponctuées d'exclamations. Dans un moment d'extrême isolement, la place revient au cri et à l'ironie. Rien de plus à propos que de jeter à la face de cette auguste assistance, la dure vérité qu'elle applaudit la poésie sans comprendre le poète. C'est un diatribe adressée à la société, c'est un credo poétique. C'est l'inextricable ivresse d'être: affirmer son désir de vivre douloureusement et pleinement sa destinée d'artiste, dans l'effarante lucidité de son moi déréglé. Les énoncés et les images de ce poème convergent vers un état d'âme qui alterne les périodes d'excitation et de dépression. Il s'agit en effet, d'une alternance de gaieté et de tristesse, de gloire et d'échec, d'euphorie et d'apathie, de rire sonore et de sanglots... Ce fut le chant du cygne d'un homme meurtri, incompris et aigri.» WYCZYNSKI, Paul, Biographie de Nelligan, 1987, p. 290. Ironiquement, c'est ce poème (ce cri du coeur) qu'il a récité un soir de mai à une soirée au château de Ramezay qui lui a permis d'être enfin reconnu.
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Cécile
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 13h40: | |
Sainte-Cécile Rêve d'une nuit d'hôpital Cécile était en blanc, comme aux tableaux illustres Où la sainte se voit, un nimbe autour du chef. Ils étaient au fauteuil, Dieu, Marie et Joseph, Et j'entendis cela debout, près des balustres. Soudain, au flamboiement mystique des grands lustres, Éclata l'harmonie étrange, au rythme bref, Où cent harpes brodaient leurs sons en relief, Musiques de la terre, ah ! taisez vos voix rustres ! Je ne veux plus pécher, je ne veux plus jouir, Car la sainte m'a dit que pour encor l'ouïr Il me fallait vaguer à mon salut sur terre ; Et je veux retourner au prochain récital Qu'elle me doit donner au pays planétaire, Quand les anges m'auront sorti de l'hôpital. (Les débats, 18 aout 1901). Émile Nelligan
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ali
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 16h06: | |
Cécile "Romance du vin " d'Emile Nelligan ;si tu te souviens bien,était parmi les premiers textes que j'ai publié dans "voixdumonde"..tu sais à l'époque on se connaissait pas bien encore;c'est pourquoi j'ai pas voulu ajouter "Sainte Cécile ..!;),je l'aime bien aussi ce poéme..merci et bises saintoïdes |
   
Cécile
| Envoyé samedi 04 décembre 2004 - 23h34: | |
Oui oui je me souviens !!! est-ce que tu as sous la main ce poème Romance du vin ? |
   
ali
| Envoyé dimanche 05 décembre 2004 - 14h53: | |
Le voici Céci: LA ROMANCE DU VIN Tout se mêle en un vif éclat de gaîté verte. Ô le beau soir de mai ! Tous les oiseaux en choeur, Ainsi que les espoirs naguères à mon coeur, Modulent leur prélude à ma croisée ouverte. Ô le beau soir de mai ! le joyeux soir de mai ! Un orgue au loin éclate en froides mélopées ; Et les rayons, ainsi que de pourpres épées, Percent le coeur du jour qui se meurt parfumé. Je suis gai ! je suis gai ! Dans le cristal qui chante, Verse, verse le vin ! verse encore et toujours, Que je puisse oublier la tristesse des jours, Dans le dédain que j'ai de la foule méchante ! Je suis gai ! je suis gai ! Dans le cristal qui chante, Verse, verse le vin ! verse encore et toujours, Que je puisse oublier la tristesse des jours, Dans le dédain que j'ai de la foule méchante ! Je suis gai ! je suis gai ! Vive le vin et l'Art !... J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres, Des vers qui gémiront les musiques funèbres Des vents d'automne au loin passant dans le brouillard. C'est le règne du rire et de la rage De se savoir poète et l'objet du mépris, De se savoir un coeur et de n'être compris Que par le clair de lune et les grands soirs d'orage ! Femmes ! je bois à vous qui riez du chemin Où l'Idéal m'appelle en ouvrant ses bras roses ; Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main ! Pendant que tout l'azur s'étoile dans la gloire, Et qu'un hymne s'entonne au renouveau doré, Sur le jour expirant je n'ai donc pas pleuré, Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire ! Je suis gai ! Je suis gai ! Vive le soir de mai ! Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !... Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre ; Enfin mon coeur est-il guéri d'avoir aimé ? Les cloches ont chanté ; le vent du soir odore... Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots, Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore, Oh ! si gai, que j'ai peur d'éclater en sanglots !
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