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aar
| Envoyé dimanche 12 mars 2006 - 10h48: | |
Vers mes vingt ans, je suis retournée dans le ventre de ma mère. J’y ai rencontré quelques uns de mes demi-frères, mais surtout le petit Iona se souvint de moi. Pour lui le monde était un puits. A mon retour, c’était comme si j’étais morte un jour. Par où je suis revenue, je ne le sais plus. En mourant un peu en dedans, la vie de dehors s’est décollée de moi-même comme une peau. Dans un coin, j’ai aperçu une grande poupée. Il était chaud mon sosie de ventre. Mais mon corps s’est refroidi. Je n’ai pas retrouvé le petit lit à barreaux, les jouets idiots et bruyants, seulement le plaisir. Ruxandra Cesereanu
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aar
| Envoyé dimanche 12 mars 2006 - 10h50: | |
Je me suis confessée au ventre de ma mère. Elle était morte, d’un seul battement d’aile angélique. Elle avait encore un sein ferme et une main à six doigts usés me tirait par le cheveux pour me faire rentrer dans la matrice. C’était un ventre comme un lit au crépuscule non débauché, les draps mélodieux. Sous les hyacinthes les frères, jeunes mariés, m’attendaient, tout transparents et plantés dans l’air. Il faisait froid et les frères jeunes mariés caressaient les rats venus s’empiffrer de cette créature. Folle, maman, crie, blasphème, casse les assiettes. Elle a un mari ivrogne et un millier de fils. J’aurais pu être le mille un si je n’avais pas su que le ventre était mort. Mon cerveau est une boule de barbelés. Homme anormal, sans croix, la peau pâle de vierge. La lune a l’auréole blanche des saints. Le père jette à la poubelle les bâtards des saints il ne les supporte pas car ils ne sont pas sauvages. Des petits anges roses bourdonneront autour d’eux comme des mouches en pondant des œufs saints. Maman, ton ventre est un immeuble de neuf étages et combien de lumières s’allument le soir à la Sainte-Cène ; Ils boivent, aiment, recommencent. Personne ne va dans le désert. A l’occasion des fêtes, les fils sortent aux balcons et agitent des drapeaux. Dans la cuisine, Dieu jette les casseroles et boit du vin rouge. Oh maman, combien de petits anges as-tu fait. Quelque uns sont en haut et se cachent le visage d’une aile blanche pour ne pas être reconnus, d’autres restent dans le ventre blanc et ne veulent pas sortir. On les appâte avec du sucre d’orge et des femmes. Maman donne des coups de poings dans le ventre -immeuble. L’infanticide c’est une femme morte. L’assassinat du ventre, c’est le seul vivant. Qui es-tu ? Tu n’es pas Lui, et pourtant un d’entre nous t’as vendu et a prié en claquant des mains en plein jour. Je ne sais plus lequel de tes fils c’était mais il semblait être un homme, et il pleurait. R Cesereanu
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aar
| Envoyé dimanche 12 mars 2006 - 10h52: | |
J’ai dans le cœur un cri de lotus grand comme le poing d’un enfant et le poing tord les boyaux et fait rugir le soleil et la lune. Ceux des ventres blancs donnent des coups de poing en frappant dans mon cœur. Leurs doigts me sortent par les oreilles en baragouinant dans une langue interdite au sommeil. Leur mains s’accrochent à des objets et déchirent l’immense ventre. Bloquez l’entrée de l’enfer. Je ne suis pas génitrice de petits dieux ratatinés et visqueux. Boum boum. Je ne sortirai pas avant terme. Du cercueil de ton ventre, bienheureuse duchesse de sang. Je vois les bébés courant vers l’abattoir. Ton nom d’ange me coupe la tête suis non née je cherche et ne me repentis pas. Parmi les cercueils que tu as dans la tête un seul fait du bruit. C’est la poche ventrale chaude de la mort que je sens la nuit. Dès le crépuscule je m’enferme je frappe lentement dans le ventre. Boum boum. Je ne veux plus t’accoucher je ne veux plus t’endormir. Dehors il pleut. Sur le ventre les gouttes sont comme des moineaux mous et transparents. Boum boum. Ne frappe plus étranger va-t-en dans le pays violet de dedans. Ruxandra Cesereanu, 1993 (in Poètes roumains contemporains)
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