Auteur |
Message |
   
aglaé
| Envoyé dimanche 12 septembre 2004 - 20h34: | |
Stabulation libre Ce hall est immense ! On dirait un hall de gare, ou plutôt l’entrée de la piscine si j’en crois le brouhaha indistinct qui parvient jusqu’ici. Cette grande baraque date du siècle dernier, une époque où les domestiques et le chauffage ne coûtaient pas cher…Au moins vingt pièces là-dedans…Un Jeeves prend mon vêtement et mon sac…J’ai une de ces pétoches moi !….Courage ma Glaé et entrons ! Trop tard pour faire demi-tour. C’est superbe comme salle, grande et haute, plafonds et murs blancs, un éclairage doux et chaud dissimulé je ne sais où, une longue table de monastère chargée de mets sympa et de bouteilles…Des bouquets partout formant des boules jaune soleil. Dispersés en petits groupes, les invités de Madame Verneuil…A vue de nez, j’estime à soixante personnes ce petit troupeau distingué. Je ne connais personne. Normal, car je ne devrais pas être ici. Madame Verneuil réunit quelques amis ce soir…Des amis de trente ans, comme on dit,( c’est à dire des gens dont on n’a pas réussi à se débarrasser !) à l’occasion d’un vernissage exceptionnel : celui des ses toiles personnelles, accrochées sur les murs autour de nous. Je dégote quelques centimètres carrés auprès d’une plante verte et me poste à l’affût. Un garçon en habit me repère et m’apporte une flûte de champagne. Il est drôlement bon. Tous ces gens devant moi caquètent et la pièce ressemble à un étrange poulailler. Ils appartiennent à la bonne société, bien habillé et bien nourris. Les femmes mûres portent des tailleurs simili Channel des années mille neuf cent cinquante et des sautoirs qui cascadent gaiement entre des seins de la même époque…C’était joli comme mode….Les jeunes sont d’une folle excentricité, avec des robes qui ne recouvrent ni la poitrine, ni les jambes, juste un petit chiffon pour faire le ménage, dans un tissu coûteux….Elles sont minces et longues et se ressemblent toutes…Près du buffet, les artistes. Cheveux non coupés depuis mille neuf cent soixante huit, baskets ruinées, moustaches de pirates. Quelques crânes rasés et bronzés : les marins, nombreux dans notre ville de bord de mer. Bien sûr, je ne me sens pas très à mon aise parmi ces gens, mais les voir ainsi, dans leur jus, me récompense largement J’entends des bribes de conversation. On commente les toiles de Madame Verneuil. Qu’en dire ? elles se ressemblent toutes un petit peu. On dirait qu’on vient d’arracher des affiches laissant le support moucheté de tâches multicolores, de traces de colle, sur lequel un graphisme hésitant…une sorte un ver de terre à trois têtes…apparaît comme une étrange calligraphie. Quelques coulures parfois. Quelques grattages. Un vernis mat. Une peinture qui ne donne pas envie de rigoler. La voici justement Madame Verneuil. L’élégance même. Tailleur–pantalon de lin grège, décolleté appétissant, collier en pâte de verre bleutée de grand style. Elle traverse la salle, s’arrête deux minutes, légère comme une ballerine, auprès de chacun des groupes de ses invités, et pique droit sur moi qui tente de rentrer définitivement dans la plante verte. - Je vous cherchais depuis un moment, mais cette plante verte idiote vous dissimulait parfaitement. Je veux vous présenter mon fils Charles. C’est ce grand dadais près du buffet avec un chapeau noir à larges bords. Il a dix neuf ans et suit, trop mollement à notre goût, les cours de l’Ecole des Beaux-Arts. Figurez- vous qu’il est fou de vos peintures. - Vraiment ? Il les connaît comment ? - Il était avec des copains dans le petit café, au Pont 3, « Le Music-Bar » le soir du vernissage le mois dernier. IL veut que son père lui offre »La Biguine à Gogo » ou « Doudou-mauvaises-manières » - C’est une peinture très primitive et j’ai peur que vous soyez très très déçue en les voyant. - Mais non. Pas du tout. Mon mari n’aime pas mes toiles. Il dit que cette avant garde sera d’arrière-garde en très peu de temps. Il aime Nikki de Saint Phalle et Di Rosa… - Des génies tutélaires pour moi… Dites moi ce que je peux faire ? - Nous apporter ces deux tableaux en venant dîner avec nous en petit comité la semaine prochaine. C’est l’anniversaire de Charles et, tous ensemble, nous accrocherons vos peintures dans sa chambre. A partir de ce moment-là, je les ai trouvés charmants. Je ne comprenais plus la gêne éprouvée au début de la soirée. J’ai demandé avec assurance, une flûte de champagne au loufiat de service, et j’ai entamé une conversation animée avec un garçon bien bâti de vingt ans de moins que moi. La solitude, ça n’existe pas, comme chantait l’autre. Aglaé
|
   
Nehru Michael
| Envoyé lundi 13 septembre 2004 - 22h09: | |
Histoire bien faite où le narrateur est lui même le personnage principal dela nouvelle;les évenements se déroulent dans le méme éspace,à partir de deux moments différents l'un totalement "antagoniste"de l'autre!Un très beau style!Merci Aglaa |
   
Ali
| Envoyé mardi 14 septembre 2004 - 13h07: | |
Trés belle nouvelle Aglaé ,on peut pas entamer sa lecture sans aller jusqu'à sa fin;surtout qu'elle traite d'un sujet très lié aux soucis des artistes!Merci |
   
Cécile
| Envoyé mercredi 15 septembre 2004 - 12h18: | |
J'aime beaucoup la façon dont tu racontes ces moments très chère Aglaé. beaucoup de sensibilité, un vrai regard d'artiste et aussi d'écrivain. Je pourrais te lire des heures durant. Si tu écris ou a écris un roman, je crois que ça me plairait de le lire. Amitiés, virtuelles certes, mais sincères. Cécile |
   
aglaé
| Envoyé vendredi 17 septembre 2004 - 16h29: | |
Cécile Quel bonheur de te lire et quel encouragement pour moi! Je t'envoie un petit récit en 18 courts chapitres que j'ai commis cette année, si tu me donnes une adresse postale...C'est plus agréable sur papier et ce sera un plaisir pour moi Amitiés Aglaé |
   
aglaé
| Envoyé vendredi 17 septembre 2004 - 17h05: | |
j'avais oublié, et je bats ma coulpe, de dire merci à Nehru et à Ali, indulgents comme des frères avec leur vieille petite soeur! Affectueusement Aglaé |
   
Ali
| Envoyé vendredi 17 septembre 2004 - 22h07: | |
T'as Aglaé de très belles phrases quelques fois "grossièrement" amusantes comme celle là: "..gaiement entre des seins de la même époque…" |
   
aglaé
| Envoyé mardi 21 septembre 2004 - 12h50: | |
Ce texte vient d'être accepté par PLEUTIL qui présente chaque jour un texte et un auteur...Ils ont vraiment bon goût!!!ça va mes chevilles, je vous remercie...Aglabises |
   
Ali
| Envoyé mardi 21 septembre 2004 - 13h39: | |
Je très heureux pour cette nouvelle mon Aglaé,je t'en félicite.Bisesfraichesd'automneaglaennes |
   
Cécile
| Envoyé mardi 21 septembre 2004 - 13h53: | |
Bravo Aglaé ! |
|