Auteur |
Message |
   
YV
| Envoyé jeudi 09 décembre 2004 - 00h37: | |
Divine comédie L’homme, comme à l’ordinaire, s’était levé avec l’aube. Il avait bu son café avec un demi-sucre avant de prendre sa rue qui transpirait sous une brume mouillante et immobile, à vous faire douter de l’existence même de cette ville informe. Il marchait comme toujours vers un travail de bureau dont il n’avait jamais compris l’utilité. Son maigre salaire payait-il réellement ces journées insipides gâchées à supporter heure après heure ? Les brumes de l’esprit n’étaient-elles pas pires à longueur d’années que celles qui noyaient les toits ce matin-là ? Il monta sur le trottoir de droite en enjambant cette ancienne ligne de fracture entre les pavés qui porte toujours malheur à qui y pose son pied gauche. Les façades voilaient leurs volets encore fermés et leurs géraniums engloutis dans l’ombre. Le bruit de ses propres pas semblait de plus en plus lointain, comme s’ils le précédaient au lieu de le suivre. Il était proche de son bureau quand des battements de volets semblèrent se répondre d’un côté l’autre de la rue. Or, pas le moindre souffle. Les feuilles mortes ne divaguaient pas. Il passa devant le porche de sa société, fasciné par la conversation grinçante de quelques persiennes. Ses collègues n’allaient pas se lancer aussitôt à sa recherche car il se donnait toujours, par crainte d’arriver en retard, une bonne demi-heure d’avance. Cela lui laissait du temps pour un peu de vertige. Les brumes s’épaississaient comme si la nuit revenait mais les murs avaient tourné aux teintes passées de Venise et les fenêtres applaudissaient frénétiquement à ces coquetteries. La lèpre des crépis fondait. Les maisons prenaient les formes inattendues de raides découpages qu’on ne voit jamais au fond des vieilles villes. Tantôt elles s’entassaient en cubes réguliers comme des maisons grecques, tantôt elles s’empilaient au hasard de sphères inimaginables. Un hôtel en forme de L majuscule le fit sourire. Les brumes ne s’évaporaient plus mais prenaient des teintes crépusculaires. Elles enveloppaient la cité en papillotes de cadeau. Après le L, des bâtisses en forme de lettres il en dépassa de plus en plus souvent. L’homme osa penser qu’elles avaient peut-être, folie pour folie, un désir de se lier en mots. Il revint sur ses pas et reprenant la rue il la vit la formes des façades écrire clairement : LA MER, puis un vide, puis ATTEND. Un kiosque en forme de T’ vint tout combler. Quand il reprit sa marche la rue était : LA MER T’ATTEND. Son pas se pressait de plus en plus. Il aurait été architecte il aurait bâti des missives, mais ce n’était encore qu’un fonctionnaire de bureau. Il traversa en courant un croisement mais de l’autre côté c’était le vide et le silence. Le brouillard reprenait, froid et morose. Les maisons alignaient leurs fenêtres sur des façades bourgeoises prétentieuses et sales. Demi-tour pour reprendre l’avenue vers le port. Phrases et façades retrouvèrent leurs vieux pastels et leurs sens. Les brumes se remirent à s’effeuiller comme des tranches dorées de livre ancien. Et soudain, la mer. Non pas celle des cargos et des lamparos mais à l’infini un océan de petits alphabets qui s’agitaient en vagues heureuses avant de venir se briser à ses pieds contre le quai. L’homme regretta de ne pouvoir lire ce qu’elles disaient avant de disparaître dans l’écume mais elles fuyaient trop vite. Surgirent au large les formes d’un grand navire dont les voiles déployées n’étaient qu’immenses parchemins jaunis par le temps et les embruns. Ce vaisseau fantôme, nul ne semblait le commander. Aucun humain n’avait jamais dû en tenir le gouvernail. L’homme pensa que ce voilier n’existait qu’ici et seulement dans la tête de celui qui l’admirait. Il ne se sentit plus seulement seul, mais LE seul. La ville avait disparu dans la pâte épaisse des brouillards. Il s’accroupit et tenta de sa main de voler à la mer quelques lettres d’or mais toutes filaient comme des petits poissons entre ses doigts maladroits. Il réussit enfin à enfermer entre ses paumes une poignée de ces petites bêtes tièdes qui s’agitaient. Une passerelle s’étant tendue il la traversa. Le pont du navire était un livre immense. Les vagues jetaient des phrases de plus en plus longues contre sa carène. Sur la flamme du pavillon de poupe battaient deux mots que jamais ni lui ni personne n’avaient lus ailleurs : « DIVINE COMEDIE ». Il se sentit en communion avec ces pensées étrangères tandis qu’un fouillis de phrases venait tonner contre les flancs de son navire. Une joie furieuse montait. Peut-être même l’homme accompagnait-il les lames de son chant. Le vent qui soufflait grand frais poussait des foules de strophes au large vers des continents à venir. Un chapitre entier couvrait peu à peu la voilure tandis qu’un immense poème soulevait les flancs du navire comme une respiration. L’homme restait à peine l’homme. Il ne savait plus ni où il était ni ce qui le menait ni même qui il était et cela lui était égal. Comme il ne pouvait plus retenir les mots qu’il emprisonnait entre ses mains il les ouvrit et ils jaillirent, à peine le temps de lire : « TU SERAS DANTE ALIGHIERI »
|
   
albemaran
| Envoyé jeudi 09 décembre 2004 - 05h36: | |
coucou les accros sociétôt, tu seras Al Dante...pas un mince projet, mais... "Small is beauty fool Il n'existe pas de grand dessein sans petits croquis" Alan Gwensad Paroles de LibéLOL En goule M le 9-12-04 5 h du mat si j'y mettais mon grain de sel ( marin oeuf corse ) j'aurais envie d'ajouter " ni sans Béatrice" bien le bon jour, B+...alain |
   
fourmi
| Envoyé jeudi 09 décembre 2004 - 11h37: | |
Attirée par l'odeur du café frais j'ai commencé à lire j'ai été séduite par les détails le trottoir ennemi des pieds gauches par exemple je n'ai pas pu m'arrêter et comme je voudrais avoir le talent d'un grand cinéaste pour filmer cette rue de rêve ! tiens je pense un peu à la fête des lumières à Lyon Même si tu n'y parlais pas de Dante . ce rêve peut être celui de n'importe quel écrivain bises de fourmi |
   
yv
| Envoyé lundi 13 décembre 2004 - 00h00: | |
Salut, dame fourmi. Derrière cette histoire à vlef il y en a une autre, bien sûr. Celle de la découverte à partir d'une vie banale, des mots puis de l'océan de mots sue donne le possible, puis de l'embarquement sur une oeuvre, puis de son aboutissement qui fabrique un écrivain. Ce peut être l'histoire de Dante comme ici, mais aussi bien de n'importe qui dont la vie rencontre la rue des mots puis l'univers qu'ils ouvrent à l'embarquement de la création...etc |
   
ali
| Envoyé lundi 13 décembre 2004 - 22h16: | |
Printemps dans les mots quand l'hiver est là qui hiberne encore? |
   
ali
| Envoyé lundi 13 décembre 2004 - 22h21: | |
Je goûte mes lèvres dans l'incendie de tes feux je gèle d'élan tu n'es plus là!!! |
   
mohand
| Envoyé mercredi 12 janvier 2005 - 02h07: | |
La rue n'est qu'un désert qui n'ose y mourire renoncerait à la vie |
   
fourmirit
| Envoyé mercredi 12 janvier 2005 - 18h24: | |
qui n'ose y mou, rire??
|
   
fouroulou
| Envoyé mercredi 12 janvier 2005 - 22h12: | |
T'es là Mohand mon "orph" de mon "bouta"!!? hihi!!
|
   
lafourmi
| Envoyé mercredi 12 janvier 2005 - 23h36: | |
ah ! le mort de rire est donc ton ami fouroulou? tu nous le présente? les amis de nos amis sont nos amis
|
   
fouroulou
| Envoyé jeudi 13 janvier 2005 - 01h15: | |
Je sais pas quoi dire ma belle Fourmi!!Mohand est un amoureux de la poèsie,il écrit de très belles choses!!voilà prèsque tout!hihi!
|
   
lafourmi
| Envoyé jeudi 13 janvier 2005 - 09h09: | |
oui il me semble qu'il est très humain dans sa poésie depuis que j'ai lu ses participations ce matin certaines m'ont touchée bienvenue mohand . tu es marocain , comme Ali ? |
   
Opaline
| Envoyé lundi 17 janvier 2005 - 18h04: | |
J'ai bien aimé cette porte sur la mer, on l'imagine nous emporter au loin ... |