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Bachy Pierre
| Envoyé vendredi 07 janvier 2005 - 07h27: | |
Bonjour, Ce beau texte... " Je suis dans ma chambre, à ma petite table devant la fenêtre. Je trace des mots avec ma plume trempée dans l’encre rouge... je vois bien qu’ils ne sont pas pareils aux vrais mots des livres... ils sont comme déformés, comme un peu infirmes... En voici un tout vacillant, mal assuré, je dois le placer... ici peut-être... non, là... mais je me demande... j’ai dû me tromper... il n’a pas l’air de bien s’accorder avec les autres, ces mots qui vivent ailleurs... j’ai été les chercher loin de chez moi et je les ai ramenés ici, mais je ne sais pas ce qui est bon pour eux, je ne connais pas leurs habitudes. Les mots de chez moi, des mots solides que je connais bien, que j’ai disposés, ici et là, parmi ces étrangers, ont un air gauche, emprunté, un peu ridicule... on dirait des gens transportés dans un pays inconnu, dans une société dont ils n’ont pas appris les usages, ils ne savent pas comment se comporter, ils ne savent plus très bien qui ils sont... Et moi je suis comme eux, je me suis égarée, : j’erre dans des lieux que je n’ai jamais habités... je ne connais pas du tout ce pâle jeune homme aux boucles blondes, allongé près d’une fenêtre d’où il voit les montagnes du Caucase. Il tousse et du sang apparaît sur le mouchoir qu’il porte à ses lèvres... Il ne pourra pas survivre aux premiers souffles du printemps... Je n’ai jamais été proche un seul instant de cette princesse géorgienne coiffée d’une toque de velours rouge d’où flotte un long voile blanc... Elle est enlevée par un djiguite sanglé dans sa tunique noire... une cartouchière bombe chaque côté de sa poitrine... je m’efforce de les rattraper quand ils s’enfuient sur un coursier... « fougueux »... Je lance sur lui ce mot... un mot qui me paraît avoir un drôle d’aspect, un peu inquiétant, mais tant pis... ils fuient... à travers les gorges, les défilés, portés par un coursier fougueux... ils murmurent des serments d’amour... c’est cela qu’il leur faut... elle se serre contre lui... Sous un voile blanc ses cheveux noirs flottent jusqu’à sa taille de guêpe. Je ne me sens pas très bien auprès d’eux, ils m’intimident... mais ça ne fait rien, je dois les accueillir le mieux que je peux, c’est ici qu’ils doivent vivre... dans un roman... Sarraute in " Enfance Les mots" Mes meilleurs voeux à toutes et tous |
   
mohand
| Envoyé jeudi 13 janvier 2005 - 00h40: | |
les mots qui meurent de faim explosent, déchirent les silences nocturnes des injustices de l'histoire. Ils se meurent pour nourrir un brun d'espoir sur les lévres d'un enfant affamé. |
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