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PascalDuf
| Envoyé mercredi 09 mars 2005 - 20h42: | |
4 femmes. Quatre femmes allongées sur un lit immense et rond. Dans la ville, le tumulte du soir, une fin d’été – un crépuscule étouffant. Quatre femmes en chemise qui rêvent. Un miroir au plafond : AUCUN REFLET. Les cieux qui se déchirent d’un frémissement imperceptible, se teintent, faisant briller la plaine d’une clarté orange et pourpre. La nuit qui ferme les yeux des hommes, fait bondir les étoiles, donne le ton. Une maison bourgeoise, haute, toute fleurie de jasmin capiteux. Dans la chambre du second, le souffle régulier de quatre femmes qui reposent… -« Demain, je m’avancerai, nul besoin d’artifices, la bête restera tapie. Elle se cachera, muette et sombre ». - « Réellement… Que ferai-je quand tout sera terminé ? J’ai vu par la fenêtre un rosier refleurir. Que ne donnerai-je pour être déjà plus loin ? » - « Moi aussi ! Je m’impatiente ! On ne peut même pas imaginer ce que tout deviendra… Pas encore… Pas tout de suite… » - « La bête ! Croyez-vous mes sœurs que la bête périra ? » Quatre rêves, quatre respirations à peine audibles dans le fracas de la cité. Des lèvres qui sourient sur des visages sereins. Des corps paisibles sur le satin. PAS DE REFLET. Des femmes. Quatre. Belles. Quatre âges de la vie. Une grand-mère. Des cheveux blancs. Une femme dans la plénitude de la quarantaine. Une adolescente gracile et androgyne. Une fillette rose et potelée comme un bouton de fleur. Des cheveux blancs, blonds, bruns et nattés, roux et frisés. Des yeux de cerne bleu par des veilles sans fin. Quatre esprits endormis, mais en transe, de cette sorte d’éveil que procure l’hypnose… * Une meute d’hommes n’ayant pas de remords, véritablement sourds à toute compassion. Une troupe disparate, éclatée, dans les artères de la cité obscure, accoudés aux bars sombres, accostant les sirènes désenchantées arpentant le bitume. Haleine chargée, paroles bruyantes, vantardises pitoyables, exploits de Tartarin. Regards morts qui ne regardent rien, ne distinguent rien. Néons des bistrots… Les hommes se posent sur de hauts tabourets, se ruent sur les verres pleins. Gueules ouvertes, babines retroussées, tas de muscles avachis par des soirées poisseuses. Dizaines d’histoires salaces dont ils sont les héros… Un cauchemar… Dans les étages, les alcôves, les salons, raclements des chaussures que l’on jette sur le tapis blanc. Voix fortes qui vibrent sur les balcons, Portes qui claquent… Enfants qui se cachent sous les couvertures… Arrêts sur image. Courts instants de répits. Le visage de la peur un moment aperçu. Vêtements arrachés, poings qui frappent, nez qui saignent. Rouge peur. Le choc de la bête sur le doux visage du monde, un crachat sur la tendresse. Le ventre délicat harassé par la douleur. Hurlements terribles qui inondent la nuit. Terreurs, misères… Portes qui se referment sur des histoires brisées, des vies de femmes… Enterrées… Vivantes… Souvenirs déchirés comme des photographies que l’on jette après usage. * Service des urgences. Sous le regard d’une infirmière, la femme couchée sur la civière, nez cassé, sanglote sous la lampe blafarde. Le médecin regarde les radiographies. Encore une, pense-t-il… Ecœuré, inutile, éreinté à l’idée de recommencer encore. Il secoue la tête et frissonne. Une illumination rapide. Des images terribles emplissent son esprit – fumées grises sortant d’un crématoire, squelettes vivants, puanteurs de crasse qui s’infiltrent partout, des champs de fleurs que l’on piétine. -« Déviation du cartilage, deux, non … Trois côtes fêlées, non déplacées… » Il regarde la femme allongée, veut lui sourire, mais ne se sent pas le droit. Il retourne chez lui. Une maison bourgeoise, haute, toute fleurie de jasmin capiteux… Dans la chambre du haut, quatre femmes rêvent… Le dos à la fenêtre donnant sur le jardin, il parle : -« Là-bas, près du jardin public, deux kilomètres vers la banlieue est » La fillette remue. -« Deux hommes devant un café, ils titubent… » -« L’un des deux urine sur la roue d’une voiture… » dit la plus âgée. Les voix sont calmes, apaisées. -« Oui. Deux hommes, un petit brun et un barbu, deux tristes héros du dérisoire… » -« Ce sera facile » souffle la petite, un petit sourire sur son visage doux. -« Au nord, dans une cuisine, un type de trente cinq ans, il a une ceinture de cuir à la main… Vous pouvez y aller… » -« Il est temps… » dit la femme de quarante ans, « Commençons car la nuit sera longue… » -« La lune vient de se lever sur le parc… » annonce la vieille dame. Quatre femmes allongées vibrent sur le satin, main dans la main, une aura violette suspendue, immobile… Un silence énorme et puis… Une mélodie très triste, très belle, très étrange, comme un adagio improvisé s’élève de nulle part, de partout… -« Commençons ! » Les corps semblaient se dématérialiser, la couleur violette s’assombrit, prenait une consistance solide, implacable. Les mains jointes, les quatre femmes aux quatre points cardinaux se préparaient à combattre. * Le barbu se rajustait d’une main malhabile lorsque l’onde de choc le foudroya. Son compagnon, l’air étonné, se mit à vomir. Ils n’eurent pas le temps d’avoir peur. Les pensées troublées par les nombreuses libations s’étiolèrent, les mains qui ne savaient que frapper se figèrent définitivement.. Sur le trottoir humide, deux enfants nus se regardèrent hébétés et se mirent à pleurer… Maurice, l’air hagard terminait sa dixième ou onzième bière, quelle importance… Dans la chambre voisine, les deux petites tremblaient, les policiers venaient de repartir, impuissants… Faire un énième rapport… Il faut qu’il aille demain à l’hôpital, remplir les papiers -« Fichue idiote qui me met toujours en rogne… » En même temps que la musique pénètre son cerveau, Maurice sent ses membres rapetisser, il laisse échapper le raisonnement bestial qui lui tient lieu d’esprit, sa rage devient vent léger, fantôme de folie… Les deux petites accoururent alertées par les pleurs d’un enfant inconnu qui, le derrière à l’air, au milieu de la cuisine, faisait pipi sans honte… Arrêts sur image. Le silence revient… Dans la ville éveillée, des milliers de gosses pleurent dans les rues, quelques sirènes de macadam tentent vainement de les calmer en les berçant. Des voitures arrêtées au milieu des carrefours – des gosses qui courent partout, dans les rues et les parcs. Dans une chambre d’hôpital, une jeune femme s’éveille doucement. Le soleil se lève sur l’horizon turquoise. Dans le vent frais, le feuillage chante une mélodie très triste, très belle, très étrange, comme un adagio improvisé… * Quatre femmes s’éveillent, quatre générations. Elles ont toujours existé, elles ont enfanté la terre. Elles se regardent les yeux brillants. - « Bien ! » Dit la plus âgée, « je vais faire le café ! J’ai fait cette nuit un rêve bien étrange… »
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Anonyme
| Envoyé vendredi 08 avril 2005 - 20h20: | |
J'ai beaucoup aimé... ou, plutôt, j'aime beaucoup ** |
   
ali
| Envoyé vendredi 08 avril 2005 - 22h54: | |
Oui un très beau texte empli de rêverie!! |
   
Anonyme
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 07h36: | |
Rêverie ?... Eternelle dualité de l'homme et de la femme, parallèle entre la douceur tendre et la brutale bestialité, la grossièreté et le raffinement, étrangeté d'un cocon préservé, comme suspendu dans un monde de colère et de violence. Cela va bien au-delà de la simple rêverie ** |
   
anneau Nîmes
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 10h11: | |
tu as style très agréable anonyme si c'est toi qui as semé te mots un peu partout depuis hier. si tu écrivais sous un pseudo toujours le même on pourait te suivre avec plaisir
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Anonyme
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 12h08: | |
C'est moi, oui, qui ai semé....juste une plume d'essai. Merci de ton accueil. Sans doute m'inscrirai-je... si je trouve le mode d'emploi !!! ** |
   
anneau NÏmes
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 14h16: | |
pas de mode d'emploi ici pas de mot de passe. ils demandent seulement de metre une adresse la première fois même yahoo ou hotmail mais ça ne fait pas barrage si tu oublies
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Anonyme
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 14h26: | |
j'avoue ne pas comprendre grand'chose... Je ne tiens pas à ce que mes nom et prénom apparaissent en clair : comment entrer un pseudo ? Où ? A qui s'adresser ? Pas de mot de passe, alors n'importe qui peut écrire sous le pseudo de n'importe qui ? Ou, une fois encore, ne comprends-je rien ? :o |
   
PascalDuf
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 15h59: | |
Merci pour tous ces gentils commentaires au sujet de 4 femmes... Et non, je ne pense pas que l'on puisse écrire sous le pseudo de quelqu'un d'autre... Sinon gare au copyright... Amitiés |
   
PascalDuf
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 16h01: | |
Merci pour ces gentils commentaires au sujet de "4 femmes", et non je ne pense pas que l'on puisse écrire sous le pseudo de n'importe qui, sinon gare au copyright.... Amitiés Pascal |
   
Anonyme
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 16h46: | |
Ce ne sont pas de gentils commentaires ! Si je n'avais pas aimé je l'aurais dit de la même façon. En te lisant, je voyais comme un film se dérouler, avec ce grand lit rond comme une bulle, comme un ventre et, tout autour, la glaucité sordide d'un monde de bas-fonds. Oui, décidément, j'aime ** |
   
Garhance
| Envoyé samedi 09 avril 2005 - 17h01: | |
>à anneau Nîmes dorénavant, je serai Garhance  |
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