Cueillis le thym le chiendent et
l’opprobre
Les
lézards s’accélèrent
Les
combes des collines ne dessinent que l’anfractuosité de la joie
Au
matin après avoir ébahi les oiseaux le soleil parfait son global warming centenaire et nous alignons les désastres
Puis
les hommes boivent et leur discours alcoolisé te réifie à mi-voix comme
ciel plombé
Les
oiseaux ont plus de joie, si tant est que les cris soient des joies
Au
fond ne persiste que la pierre élémentaire, avec la rugosité silencieuse
des écorces cosmiques qui imitent les totalités des astres couronnés
Ensuite
tu poses ton corps vécu sous le ciel sidérant et attends que les oiseaux
pleuvent, dans l’irrespect touffu à peine des fleurs de merisiers
Ta
croyance n’est emportée par aucun vent
Tu
te défies des drogues en vente libre autorisées pour que les hommes ne
renversent pas les États démocratiques absolus
Et
ton ivresse sobre a des subconscients de bourrasques et ta réclusion
prend la forme stellaire d’un fruit défendu
Les
mythes ont l’aplomb de la pierre et le présent s’éparpille
Dehors
les forêts grouillantes s’adaptent aux randonneurs déracinés et aux
passants très ignorants de la terre
Tu
t’assois et ne contemples pas, tes angoisses planétaires désamorcent
toute contemplation, et seuls les oiseaux invisibles comme les joies
t’atteignent avant midi
Les
chênes ont un langage façonné par le vent, l’éolienne a un langage bas
carbone et résilient
Tu
mets en route le moteur du mistral et regardes les énergies s’agripper à
l’existence brute, cueillie à maturité, cueillie d’incertitude
*
Les
chênes sont vieillards discrets sans morale et sans foi
- quand tout à coup un oiseau innommable
lance un cri distinct -
Ne
te restent plus que les arabesques des mots libérés tout en haut du
monde, là où la montagne ne parle plus qu’aux ciels et aux vents et aux
arbres déliés
Dans
ce dialogue d’après la joie, les chênes s’affairent à une introspection
analphabète sous des espaces métalliques et quasi fictifs sans nuage
aucun
Cette
gageure déplie les forêts vivantes, fabrique des instincts de pré-conscience malgré le point d’eau asséché, sculpté
de sabots enfoncés
Les
bêtes allaitent le monde par intermittences et survivent à pas lents à
nos pestes mondiales
Toutes
les pierres souffrent sans le dire. Dans la chaleur montante. En mars et
en avril
Nous
avons désaxé le monde et aujourd’hui chaque bourgeon est un pari sur la
sécheresse galopante
Tout
s’accélère parmi les vibrations industrielles
C’est
par le mensonge que les hommes gouvernent
L’amandier
a plus d’un tour dans son sac et repart à la base du tronc, lançant de
jeunes branches à la face du désespoir
Les
hommes appellent cela politique et les cités perdurent, délitées dans
l’espace, cernées de faubourgs insatisfaits
Mais
aucune demande ne parvient jamais à maturation
C’est
sans fruits que nous veillerons dans le paysage abasourdi
*
Oiseau
cerné de soleil
Cri
d’oiseau ratifié par l’absence effrayante des nuages
Depuis
presque deux mois que la pluie ne s’est posée sur la terre et que les
lézards prolifèrent
Les
chasseurs orange fluo ont croisé les sangliers avec les porcs et depuis
malgré tous les confinements du monde sont en mission destruction
Des
papillons nocturnes mangent les buis gris
Toute
l’humanité en mission destruction
Même
les silences sont exploités par les brumes consommables
Ici
pourtant aucun media ne focalise l’espace, mais la terre asséchée est une
réalité touchée des oiseaux seuls
Il
nous faudra tellement marcher sans foi avant que la mort vienne
Les
suicidés fabriquent tant de cendres de leur non-vie calculée et tranchée
à l’orée des arbres
Ne
restent que le thym et les turgescences nucléaires comme des familles aux
destins faméliques
*
La
prière est une aberration centenaire. Tous les oiseaux ont tissé des
désespoirs plus que vivants
Mistral
arrêté, soleil branché, passion électrocutée, alors aucun souffle ne nous
astreint à la conscience extrapolée
Puis
la forêt nous adopte avant de nous rejeter dans les supermarchés et les
vallées, sur les routes et les villes
En
bas sévit le couvre-feu, et demain un confinement amélioré (plus besoin
d’attestation dans un rayon de 10 kilomètres)
Le
reste est un vent déchu, un printemps asservi, l’échec de l’ère
post-industrielle, des émissions de CO2 tels les fantômes discrets de
notre cartésianisme post-humain
Les
chênes ne prient pas. Je ne suis que forêt désaxée et souffrance
transcendée de forêt
La
vieillesse est si lente qu’elle nous prend par surprise, parfois un matin
d’avril à la lisière
Sans
toit toutes les maisons de pierres s’enruinent
dans les ronces quotidiennes, les épines et le lierre
Le
chêne vert cultive la mort tout en haut de ses branches tandis que les
forêts enracinent leurs arborescences et leurs connexions sans voix
Quand
la forêt t’expulse, ne te restent que les routes et les hommes, les
hôpitaux psychiatriques et le devoir
La
maternité ne surgit que dans la conscience renversée
Et
chaque trajet devient une émission de CO2, une non-prière sidérée et un
parjure de la lumière
*
Le
thym n’a pas de douleur, et ta féminité aucune définition intrinsèque. De
légers nuages voilent la crudité de la lumière
Le
fait que tu persistes encore quelques années sans dieu est un point
d’interrogation. Mais cela n’occulte pas les arbres
Par
instinct tu te lèves et mécaniquement le monde tourne
Les
lézards sillonnent les pierres calcaire et on
rassemble des brindilles
Le
feu achève les ordures
Nous
sommes les passagers d’une seule terre, immanente, déplacée
Dans
les vallées électriques nous sommes repus comme vautours
Ciel
voilé, montent les dernières motos venues des villes
Leur
moteur s’accélère dans la forêt, oiseaux tus, soleil laiteux
Il
faudra bien que la douleur s’ouvre
Nous
y logerons des mots abstinents
Des
veuves fuiront parmi les ruines mitoyennes et cadastrées ruines
Puis
tu rechargeras la batterie de ton téléphone portable
Et
ta culpabilité n’aura pas de nom
©Anne
Barbusse. Les enfants sans mistral
(extraits
d’un recueil inédit)
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