Reconnaissance
faciale
Haut entre les nues
En lent mouvement insidieux
La lune éperdue
Et nous
sous
le contrôle de son œil froid
***
Résistance
À l’aube
Tu fais provision d’espace
intime
À déployer au long des heures
Tu tentes de t'opposer
À l’inertie du malheur te
laissant
Impuissant foudroyé
Tu éteins les voix qui braillent
Fuyant les phares aveuglants
Tu retournes à la pénombre
Tu ressuscites la mémoire des
ombelles sous la brise
Des ciels criblés d’étoiles
Des regards sans malice
Tu remercies ceux et celles qui
En silence en secret
T’ont nourri soutenu de leurs
poèmes
***
Maison d’antan
La paix des lieux
Dans le roucoulement de gorge des
pigeons sur la gouttière
Tomettes rouges et luisantes
Maison qui n’est pas mienne mais
m’adopte
Cette allégresse des bulles
Des conversations fumantes autour
d’un pot au feu
Dans l’odeur de chêne ciré
Fleurit l’amitié franche
Joie d’être au monde parmi vous
***
Vu du train
Au
bout du champ
sous le ciel plombé
une maison ronde et
seule
qui
donc l’habite
En
ligne et en rigueur
les peupliers
d’Italie étêtés
par quelle grue
ou
quel ange
Innombrables
questions
déjà dépassées
dans le mouvement du
convoi filant
l’horizon
sans réponse
***
Intime zizanie
Railler
le débraillé des paroles
Et
l’esquive des conduites
Fatras
du monde en perpétuel émoi
Rechigner
à lui emboîter le pas
Voix
que la douleur rend rauques
leurs cris farouches
Des
peaux durement écorchées
mal suturées
En
quête des fossettes d’autrefois
Sous
la face éraillée fripée
Au
jour montant au jour couchant
Tenir
le cap le maillage humain
***
Territoires
intérieurs
La
nuit le sommeil se refuse à toi
Alors
tu déchaînes le rêve
Tu
suscites d’immenses territoires
L’enchantement
dresse une muraille
La
violence du monde s’y brise
un instant
Des
jardins à tue-tête
Lorsque
l’enfance roule dans l’herbe haute
Entre
les espaliers ruisselant de roses
La
glycine échevelée aux grappes translucides
Les
murets écroulés sous le chèvrefeuille
son parfum
Tu
élabores de plantureux bouquets
Pivoines
rouges et presque noires
Hydrangeas
blancs et bleus
Un
alliage délicat
De
cosmos multicolores
au
teint de porcelaine
Tu
flânes par le pré sauvage
Et
composes une foison champêtre
L’œillet
se marie au pois de senteur
Un
duo de papillons blancs t’entraîne
Tu
suis l’œil allègre
ses
arabesques
Là
ressuscite le plaisir d’être
Que
rien n’épuise
La
mémoire attise les sensations
Le
corps contraint transgresse les interdits
Tu
te sens au large
au
vif
***
Sous la menace
Regard
ahuri
mains qui tremblent
dos prêt à fléchir
se courber
Oserons-nous
relever la tête
et
courir tous les risques
***
Embarras
Tu
hésites sur le bord du trottoir
franchiras-tu la voie mal
éclairée
Ce
jour de brouillard opaque
ton égarement en
fourvoierait d’autres
Resteras-tu
indécis
pétrifié écartelé
Quelqu’un
te hèle de l’autre côté
© Colette Nys-Mazure
2-3 janvier 2024
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