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Mai-Juin 2022

 

 

 

Patrick Devaux, Martine Rouhart, Mouvances de plumes

(Éditions Le Coudrier, mars 2022. Illustrations de Catherine Berael. Préface d’Anne-Marielle Wilwerth, 16 Euros).

 

Note de lecture de Sonia Elvireanu

 

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Comme une envolée d’oiseaux

 

Un recueil à deux mains, telle une composition musicale, Mouvances de plumes naît de l’amitié de deux poètes belges qui partagent leurs poèmes à la manière d’un chant d’oiseau qui fait chanter un autre oiseau. De leur profonde sensibilité jaillit les mots qui s’envolent de l’un à l’autre avec la délicatesse d’un bruissement d’ailes.

Nous écoutons deux voix aussi sensibles que méditatives, l’une masculine, l’autre féminine, qui nous révèlent leurs vibrations intimes dans ces instants de grâce où les mots font parler le silence de leurs gouffres intérieurs. Correspondance et partage poétiques comme en musique entre deux voix qui chantent ensemble la même mélodie.

Une troisième interprète vient ajouter à ce chant de paroles sa touche de grâce par l’image, suggérant par ses dessins d’oiseaux l’envol, la beauté, la fragilité, de même que la concertation des arts. Ainsi, les oiseaux deviennent-ils les messagers du partage poétique et artistique :

 

« avec

un partage

d’ailes

 

à

  

rouge

gorge

déployée

 

chaque

instant

 

sublime

l’envol » (Patrick Devaux)

 

Cet envol est suggéré par Patrick Devaux par la fluidité des vers libres, très courts, qui se déploient sur la verticale sans aucun signe de ponctuation, sans titre, en mouvement perpétuel, tel le temps qui s’enfuit et ne laisse que des traces éphémères du vécu, les poèmes mêmes. Comme le chant de l’oiseau au petit jour, les deux poètes sifflotent leur poèmes-chants dans la lumière de leur communion en poésie.

De cette heureuse complicité poétique transparaît quelque chose de leur « vie profonde/ indéchiffrée/ à partager », de l’amitié dont on veut faire « une œuvre d’art/ un balcon/ sur des espaces infinis/ une île/ où se reposer » (Martine Rouhart). On voit leur sensibilité et délicatesse de cœur dans le miroir de leurs poèmes. La mouvance de leurs plumes, pareille au frôlement des ailes d’oiseaux, est à l’écoute ce qui palpite encore dans le silence, le rêve, l’indicible :

 

« Rêver un monde/

l’on entendrait

 

seulement

 

des cœurs-ailes

d’oiseaux »   (Martine Rouhart)

 

C’est le rêve de vie de tout poète d’écrire le Poème magique, enchanteur, tel le chant d’Orphée :

« On aimerait

faire des rêves

si bleus

que même

les oiseaux

de nuit

s’arrêteraient

de pleurer »  (Martine Rouhart)

Le poète est toujours à l’écoute du silence intérieur qui refuse souvent de lui parler, de se convertir en paroles. Chaque mot, tel un battement d’aile, est joie, espoir d’un poème à surgir. On attend de lui le pouvoir de « guérir des adieux », de vaincre la solitude et le vide.

Il est « dresseur de mots », « faucon » (Patrick Devaux) qui chasse dans un vaste espace, un oiseau blessé qui traverse l’infini, il est à la recherche de son rêve de lumière poétique, en perpétuel combat contre le silence :

 

« Nous rêvons

d’une écriture

        qui serait musique

                 transes

     confidences d’oiseaux

               danses

       pleines d’élans

       au bord du vide » (Martine Rouhart)

 

 

Dès que le silence lui parle, la joie du partage revient et le poète

« attend

 

la missive

d’une autre aile

 

en retour » (Patrick Devaux),

 

il attend la réponse aux graines d’amitié qu’il éparpille dans le vent pour se prouver que la connivence entre les êtres est possible. C’est ce qui reste après tout pour parler de l’éphémère, de la fragilité, des sentiments :

 

« confiés

au vent

tous

les papiers

 

aux regards

d’encre

 

ne sont pas

perdus

pour autant » (Patrick Devaux)

 

Les poèmes de Patrick Devaux trouvent leur parfaite correspondance dans ceux de Martine Rouhart, tous les deux savent faire danser les mots avec grâce, tel un peintre assortir les couleurs dans un pastel :

 

      « à

   l’aube

 

   retouchés

   d’un large pinceau

      solaire

 

 nos mots

 s’éveillent

 

de concert »  (Patrick Devaux)

 

 Ils ont en commun le désir de partage, la sensibilité et la sagesse de se réjouir de l’existence.

Les deux poètes nous suggèrent d’écouter « ce que le poème ne dit pas”, comme si on écoute un bruit infime venu de quelque part, car il y a toujours une part de mystère derrière les mots, l’inaudible. Le rouge-gorge de Catherine Berael, qui ouvre et clôt le recueil, est lui-même un poème à écouter.

 

©Sonia Elvireanu

 

 

 

Note de lecture de Sonia Elvireanu

Francosemailles, mai-juin 2022

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