Dans la froide pénombre
Dans la froide
pénombre de la nuit, alors que l’horloge pointait les trois heures, je me
levais, le corps lourd de fatigue.
La gare de
Corbeil, avec ses rails scintillants sous les premières lueurs du jour,
théâtre d’un ballet silencieux.
Les
premiers trains de banlieue pour Paris.
Sur les
quais, les voyageurs émergeaient lentement du sommeil, leurs yeux encore
voilés des rêves ou des cauchemars de la nuit.
Parmi eux,
une dame au grand manteau, capuche sur la tête, un sourire chaleureux
illuminant son visage.
Elle était
comme une amie retrouvée, un rayon de lumière dans la grisaille de
l’aube. Parfois nos regards se croisaient, et un simple geste échangé
tissait un fil invisible entre nous.
Il y avait
bien ce bonhomme, toujours en bout de quai, son index fixé sur sa montre.
Avec cette grimace rituelle "encore en retard ! "
Salle des
pas perdus, le local des conducteurs, le parfum du café fraîchement
moulu.
Les
murmures sourds de mes collègues résonnaient comme une rengaine.,
Un étrange
mélange de confidences.
Réfugié
derrière sa loge vitrée, le chef de feuille, avec ses mimiques d'effets
miroir. Inamovible régulateur des retards et des trains supprimés.
Une
cigarette de papier maïs au bec.
Polo, le
joueur des courses hippiques, dans ses calculs savants. Métronome des
paris perdus.
Chaque
parcours racontait une histoire, chaque sourire une promesse. Parfois un
voyage sans retour.
Dans le silence
Dans le
silence
ces heures
qui s'effritent,
comme du
vieux papier,
Murmure du
vent,
Ces voix
oubliées
Un matin
au pied du vieux cerisier
Les rires
de mes amis
Un écho
fulgurant
qui ne
fait que passer
et les
filles en fleurs
plage du
prophète à Marseille
Visage plein de soleil
Solitude
amère
Chaque pas
sur ce chemin,
trace un
vide
J'attends
au gré des
saisons
le retour
du printemps
Je ne sais
plus
remettre
ce masque
que je
n'avais jamais retiré
Seul
Je ferme
les yeux
Étranger à moi-même
Comme un
être perdu
Je vais là
où le vent me porte
Mes yeux
grands ouverts
s'abandonnent
à la couleur bleue du ciel
Les pins
parasols couvrent de leurs ombres
Les
dernières fleurs de genets sauvages
J'aime
entendre
siffler la
grive musicienne
avant son
long voyage vers des rives lointaines
Plus tard
elles reviendront, bien plus tard
comme des
nuées effarouchées
se jeter
sur les buissons de genièvres
Seul dans
mon hiver
j'attiserai
les braises
Dans mon
bol de terre
ce café
noir des matins amers
©Richard
Taillefer
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