Actu : MAI 2015 - D'une
langue
à
l'autre...
POÈMES,
Margara Russotto
Espagnol /Français
traduction de l'espagnol par Flavia Cosma et Denis Emorine
Poèmes de Margara
Russotto

*
Íconos
rusos
A las puertas del museo
desierto
duerme un jazmín salvaje.
Entrar
es un crujir de madera
en lengua desconocida.
Una legión de ángeles impasible
te mira
evocando el eterno acontecimiento:
tendrás un hijo que llamarás Emmanuel.
Y todo será otra vez comienzo.
Y vas de Pantocrator a modestas
tablillas consulares,
a vida de santos y martirios,
a los días de fiesta y de cultivo.
Trabajo, preñez, cabezas cortadas.
La pintura a témpera sobre madera
está recién salida del taller
de Jaroslaw, hace doce siglos,
y no mostrará ningún idilio
de lo que hay sobre la tierra.
Te invade de pronto
relampagueante intuición:
es la representación más antigua de la vida
lo que promete
extrañamente
continuidad de la tuya.
Como envuelto en
el mismo barniz que protege
ulterior a su creación
se ha detenido el tiempo.
Es un brillo seguro.
*
Icones
russes
Une plante
de jasmin sauvage dort
Aux portes du musée vide.
Entrer c’est provoquer un grincement de bois
Dans une langue inconnue.
Une légion d’anges impassibles
te regarde
évoquant l’éternelle éventualité :
tu vas avoir un fils que tu nommeras Emmanuel.
Et tout sera à nouveau un commencement.
Et tu vas de Pantocréateur à de modestes
plaques consulaires,
aux vies des saints et martyrs,
aux jours de fêtes et de culture.
Travail, femme enceinte, têtes coupées.
La peinture tempera
est sortie récemment de l’atelier
de Jaroslaw, il y a à peine deux siècles,
et n’indiquera aucun idylle
de ce qui se passe sur la terre.
Une intuition fulgurante
va t’envahir tout d’un coup :
c’est la représentation plus antique de la vie
celle que te promet
en mode paradoxal
la continuité de ta vie.
Comme enveloppée d’un même vernis
Que protège depuis sa création
Le temps arrêté.
C’est un éclat certain.
Les Rouge
queues noirs
Recojamos el signo
de este vuelo
rasante
con la brizna de paja en el pico
Que nuestra condición pensante
no nos engañe
Que nada nos distraiga
del estupor.
Les Rouge
queues noirs
Nous ramassons
la trace
De ce vol
Rasant
Avec un brin de paille dans le bec
Ne laissons pas
notre condition de penseurs
Nous tromper
Rien ne va nous distraire
De la stupeur.
Extraits
de Cahier de Lavigny – 21 jours de poésie (2010)
XXX
Anotado en los
márgenes de un libro de astronomía
del Padre Eusebio Kino
Pero entonces
si la belleza del saber se esconde
y tenues flotamos en el éter
de quimeras astronómicas surcado
¿a qué buscar en tanto libro
la errada vanidad mundana?
Todo sabremos del espacio
sensorium de Dios y su medida
Algo más sabremos de ciertas pasiones
Todo quizás de los vientos
de los climas
Menos lo indecible
tan ansiado.
Annotation
dans la marge d’un livre d’astronomie de Padre Eusebio Kino
Mais alors
Si la beauté de savoir se cache
Et si nous flottons, faibles, dans l’espace céleste
chiffonné
Des chimères astronomiques
Pourquoi chercher dans tant de livres
La vanité mondaine erronée?
Nous saurons tout de l’espace
Du sensorium de Dieu et de Sa mesure
Nous saurons même plus sur certaines passions
Peut-être saurons-nous tout sur les vents
Sur les climats
Mais rien sur l’indicible
tellement convoité.
Extrait
du volume El diario íntimo de Sor Juana – Poemas
Apócrifos /
Le journal intime de Sœur Juana – Poèmes Apocryphes (2004
IV
8
Cuando aplacó la
tormenta
me dispuse a excavar hasta el fondo
con mis propias manos
cada vez más adentro
atrás
muy atrás. Y
allí estaban
los fragmentos
de signos cuneiformes.
Tablas de la ley desintegradas
bajo las ruinas.
Ley del padre vuelta inútil
Arqueología. Y
más atrás aún
bajo cavernas prehistóricas
los trocitos de carbón
que fueron huesos pelos uñas caricias
apenas índices protozoarios
azufre
polvo.
No, no era un asunto personal.
8
Une fois la tourmente
apaisée
Je me suis disposé à creuser jusqu’au fond
Avec mes propres mains
Chaque fois plus profondément
En arrière
Très en arrière. Et là-bas
étaient
les fragments
les signes cunéiformes.
Les tables de la loi désintégrées
sous les ruines.
La loi du père devenue inutile
Archéologie. Et
encore plus profondément
sous des cavernes préhistoriques
les restes de carbone
qui une fois étaient des os, des cheveux, des ongles, des
caresses
à peine des indices
protozoaire
soufre
poussière.
Non, ce n’était pas une question personnelle
Extrait
du recueil Toundra (2013)
Osos
Es breve
la hibernación del oso pardo.
Con el deshielo de las primeras aguas
ya se agita,
bosteza y se estira
pisoteando los brotes de lavanda.
Ruge fuerte y marca
con aspaviento de danza
su territorio.
Los vecinos se inquietan:
¡Domestique a su oso, señora!
No me importa.
Yo los desprecio
y les hago así.
Y durante todo el verano entonces
le rasco la espalda a mi oso,
todo el verano
con mis largas pezuñas encrespadas para eso
porque para eso las tengo
y para eso nací.
Y aunque el sol esté alto
sigue mi cabeza en la oscuridad de sus fauces
para la higiene matutina.
¡Peligroso viejo oficio!
Y después nos revolcamos al sol
señores de la montaña
y estornudamos aparatosamente
por tan extrema sensibilidad al polen
y nos mordemos hasta sangrar.
Sé que el invierno no me aturdirá.
Bajo el peso de su pelambre
no habrá frío ni soledad
aunque se aplasten las flores de lavanda.
Hacia el otoño nos iremos al norte
porque migrar es preciso.
A las altas tierras del pielroja y el bisonte
donde siempre es primavera.
Todo el salmón del río espera por nosotros.
Quiere ser devorado totalmente
ansioso de saltar del agua a la garganta.
Lo comeremos felices.
Felices lo comeremos.
Todo lo comeremos
Indios
cazadores
fotógrafos curiosos de National Geographic
Todo el estado de Montana nos comeremos.
Nada nos detendrá.
Somos leyenda.
Les Ours
C’est bref
L’hibernation de l’ours brun
Avec le dégel des premières eaux
il s’agite déjà
il bâille et s’étire
piétinant de jeunes pousses de lavande.
Il mugit fortement et marque
Son territoire
avec sa danse excessive
Les voisins s’inquiètent:
“Maîtrisez votre ours, madame!”
Peu m’importe.
Je les méprise
et je continue ainsi.
Alors, tout l’été
je gratte le dos à mon ours,
tout l’été
avec mes longues griffes spécialement tordues
parce que c’est pour cela que je les ai
et pour cela que je suis née.
Et même si le soleil est haut
il a suivi ma tête dans l’obscurité de sa gorge
pour l’hygiène matinale.
Une vieille profession bien périlleuse !
Et depuis nous nous roulons par terre au soleil
seigneurs de la montagne
et éternuons avec magnificence
à cause d’une sensibilité extrême au pollen
et nous nous mordons jusqu’au sang
Je sais que l’hiver ne va pas m’étourdir.
Sous la lourdeur de sa fourrure
n’existera ni froid ni solitude
même si les fleurs de lavande
seront écrasées.
Jusqu’à l’automne on ira vers le nord
parce que migrer est nécessaire.
Vers les terres hautes des peaux-rouges et des bisons
Où il y a toujours le printemps.
Tous les saumons du fleuve nous attendent.
Ils aiment être dévorés totalement
Impatients de sauter de l’eau dans notre gorge.
Nous allons les manger avec joie.
Avec joie nous allons les manger.
Nous allons les manger tous.
Les indiens
les chasseurs
les photographes curieux du National Geographic
Nous allons manger tout l’état du Montana.
Personne ne va nous arrêter
Nous sommes la légende.
Extrait
du recueil Diccionario secreto de términos salvajes /
Dictionnaire secret des termes sauvages (2006)
Margara RUSSOTTO est née en Italie. Après des études et
un doctorat en théorie littéraire et littérature
comparée à l’Université de Sao Paulo,
Brésil, elle s’établit au Venezuela. Elle enseigne aux
États-Unis, à l’Université de Massachusetts,
Amherst.
Elle a traduit des poèmes et essais d’auteurs brésiliens
et italiens (dont Meirelles, Candido, Ungaretti, Magris). Elle est
l’auteur de nombreux livres de poésie et d’essais critiques
publiés en Amérique Latine, États-Unis, Italie et
Espagne. Elle a participé au XIe Festival International de
Val-David (Québec), organisé par Flavia Cosma.
Publications
récentes :
- Laboratorio lombrosiano (poetry on sculptures, in Spanish, English
and Italian; Firenze: Centro Studi Jorge Eielson, 2012)
- Erosiones extremas (San José, Editorial Universidad de Costa
Rica, 2010)
- Sustentación del enigma. Cuatro ensayos sobre Clarice
Lispector (Madrid: Torremozas, 2013).
Flavia COSMA (D’une langue à
l’autre, janvier 2014),
Denis EMORINE (Salon de lecture,
septembre 2015), sont des auteurs bien connus des lecteurs de
Francopolis.)
Margara
Russotto
recherche Dana Shishmanian
novembre 2015
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Créé le
1 mars 2002
A
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