Actu : JANVIER 2014 - D'une
année
à
l'autre...
Bonne
Année

(photo copyright Gertie)
En
ce début d’année je
forme le vœu de pouvoir
adopter pour moi-même, et faire adopter autour de moi,
l’état d’esprit qui se
dégage, comme un frais parfum de sapin de Noël dans le
salon d’une maison de
campagne, des pages de Colette Nys-Mazure
reproduites ci-dessous, d’une écriture aussi humble que
belle et admirable
: que l’auteure soit remerciée pour le partage de cette
grâce du cœur et de
l’esprit.
Dana Shishmanian
Du début
à la fin
Premier
janvier. Je
descends alors que tous
dorment encore. Pas une chambre de la maison qui ne soit
occupée ; la
salle de séjour a été transformée en
dortoir pour cinq petites-filles
enchantées. J’entends les respirations, les ronflements et les
toux des
dormeurs. Afflux de tendresse.
Hier soir au
JT,
écœurement provoqué par les
sujets, uniques comme la pensée : l’euro et les
restaurants ; seuls
avaient droit au chapitre les banquiers, les agents de change et les
cuisiniers. Là où est ton trésor,
là
aussi est ton cœur. Nous avions proposé à nos enfants
de sortir en nous
confiant leurs petits. L’aînée a joué de la
flûte traversière en guise
d’entrée, puis nous avons savouré le repas
« commandé » par la petite
de quatre ans. En pyjama, nous avons regardé La
petite sirène. De ce
passage d’une année à l’autre, je garderai l’abandon de
la belle endormie dans
mes bras, tandis que les bébés avaient sombré
comme des pierres dans ce sommeil
des nourrissons retournant au magma originel entre deux
tétées.
La pièce est un
capharnaüm ; sur le
sol : bavettes, dessins aux motifs coloriés, châle
qui fut blanc, hochets
musicaux… mais je ne rangerai rien ; d’abord le bruit serait
susceptible
de réveiller les assoupis et ensuite j’ai envie d’un temps de
suspens. Moment
solennel. Page vierge, page blanche, neige intacte. Saisir une
anthologie reçue
en cadeau. J’ouvre au hasard : un poème de Guillevic
m’enchante
aussitôt.
"Assiettes
en faïence usées
Dont s’en va le blanc,
Vous êtes venues neuves
Chez-nous."2
Mots accordés à cette
bascule d’une année à
l’autre, poème comme une nature morte : assiettes dont nous
usons chaque
jour, dont j’ai la représentation peinte par René Huin
sous les yeux – quelques
cerises enfantines, rouges et allègres sur l’assiette blanche.
Il y a si
longtemps que nous avons inauguré ce
« service », présent de mariage.
Heurts et bris, fatigue des vaisselles « dont s’en va le
blanc », dévoilant la matière brute. Entre
cette mise en service et aujourd’hui, l’expérience, les
épreuves, les repas
quotidiens, ceux de fête et de deuil, « Nous
avons beaucoup appris ».
Oui !
Que
retiendrai-je
de cette parole de
poète ? Naïve résolution du premier de
l’an : écoute et patience, infinie bienveillance. Tendre
l’oreille,
vraiment ; tolérer mes errements aussi bien que ceux
d’autrui ; ne
jamais céder à la peur. La vie germe sans qu’on puisse la
forcer en aucune
manière.
Jour inaugural.
« Je vous
écris sans
conclure.Si ta
vie quotidienne te paraît pauvre, ne
l’accuse pas, accuse-toi plutôt. Dis-toi que tu n’es pas assez
poète pour en
convoquer les richesses » (Rilke).
Colette Nys-Mazure (1)
(extrait
de Secrète présence,
Desclée
De Brouwer, 2001, pp. 215-216)
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Passe-temps
par
Dominique Zinenberg
« Cette année, j'ai
décidé d'offrir un haïku à chaque ami
à qui j'adresse mes vœux. »
(écrits
le 28-12-2013)
A l'horizon l'an neuf
Est-ce un appel ?
Est-ce un essor ?
Elle n'est rien qu'un muret blanc
Une main qui caresse
Un jour qui naît
Différent.
Ce sont balbutiements
Ce sont chants et rhapsodes
Les saisons qui s'en viennent.
Nous avons franchi
L'obstacle de l'année
Le souffle ne manque pas.
Tu l'as rêvée musicale
Elle a rythmé tes nuits de l'avent
L'année qui vagit.
Dehors un cerne mauve
A dessiné une arche
D'oiseaux assoiffés.
Nous serons passerelle
D'odeurs
Pour l'année qui s'élance.
Branche d'aube
Une année de plume
Caresse le ciel.
Viens donc
N'aie peur de rien
Année nouvelle.
La beauté
s'est ouverte à minuit.
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Comme elle a palpité
Jusqu'au seuil du jour
L'année nouvelle.
Elle est particulière
Elle est sans nom
Cette année qui s'ouvre.
Elle baigne nacrée
telle une nymphéa
L'année naissante.
Des pas et des appels :
Elle approche,
Elle est là,
L'année d'aujourd'hui.
On protège sa voix
d'une écharpe d'azur
On la sait si fragile...
Nous balayons le seuil
Pour la recevoir
La flûte bleue de l'année neuve.
Les oiseaux ont franchi
Avant nous
L'année nouvelle.
On a défait sa chevelure
Au parfum de litchi
Et la voilà l'année nouvelle!
Litchi ouvert
Palpitant
Nacre de l'année naissante.
Je croque, ô saveur,
Le fruit
Translucide de l'année qui vient.
Sa beauté est pareille à un frison
du temps.
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Je te donne
Ce cœur à vif
De l'année neuve.
On recueille le suc
Du jour
Dans un pétale de neige.
On accepte le vent,
On accepte la nuit,
Pour la folie prochaine du coquelicot.
Que ne donnerais-tu pas
Pour la force du fruit
Dans le creux de ta paume ?
Le fruit bat comme un cœur tremblant
Rose, noir, blanc
Une année entière.
Le souffle de l'année
Est corne d'abondance
Nèfle d'azur.
On l'a quittée
Elle est revenue, rajeunie
L'année au poing fermé.
Pont des saisons
Un sourire
A l'année qui s'élance.
L'année chassée
Comme un cil sur la joue
Clarté d'aujourd'hui.
En traversant le pont
J'ai marché
Sans y penser
Jusqu'au printemps.
Elle n'est pas recensée la beauté de
chaque aurore.
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Est-il saisissable
Ce pont
Entre hier et aujourd'hui ?
Vers quel printemps
Ce pont d'autrefois
Conduisait-il ?
Dans la saisie du monde
Comment compter
Tous les pleurs ?
Creuser le nuage
Et le creuser encore
Jusqu'au ciel de l'ange.
Qu'emporte l'écume ?
Qu'emporte la poussière ?
Des bruissements dans la bruyère.
C'était passerelle de ta voix
La feuille morte
Traversant le nuage.
Nous n'offrons plus
Qu'un puits vide
Vers l'avenir.
Mais c'est offrande
De tous nos jours
De toutes nos nuits.
Nos zéniths sont pauvres
L'herbe folle
Rayonne.
J'ai deviné ton bavardage
Et ton pas sur la pierre
Loin des friches.
La beauté est passe-murailles
jusqu'à l'inconnaissance.
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Nous ne douterons plus du jour
Quand il sera là
Dans sa splendeur d'écorce.
Dansez l'orange
Ne cesse d'advenir
Impérieuse voix.
Ce sont sursauts de neige
Cercles de pluie
Regards de chien.
J'ai convoqué la pierre
J'ai convoqué le feu,
Et l'eau je l'ai bue.
Ciselure du temps
Blessure
L'horizon infini.
J'ai jeté ma peine
Par-dessus le toit
Mais pas par-dessus moi.
Hier est un jadis
Qui veille comme un cierge
Jusqu'à l'aube.
Contente-toi de ce mot
Comme un souffle sur toi
Un soupir sur moi.
je te parle pour toujours
Dans la clarté
De tes épaules.
Les consignes sont claires
Entre toi et moi
L'embrasure vive.
La beauté fait boomerang à midi
juste.
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Humeur Matinale
(de ce premier janvier 2014)
Ceux
qui
croient que la poésie
N'est qu'une
affaire de goût
Comme on peut aimer ou pas
Le pop corn, le fromage, le tennis,
La voile, le scrabble, le soleil,
L'orage, le rose, le noir, etc.
N'ont pas conscience de son intérêt primordial
Pour l'humanité
En gros, sans poésie
vous
êtes morts
Vraiment morts !
Il est encore temps de se lancer
De lire de lire et de lire
De chercher les mots qui vous font vibrer
Et d'écrire, s'il le faut
Car où donc trouverez-vous un sens à votre vie
Si la poésie n'est pas au centre de toutes vos actions?
Karim Cornali (3)
(en pleine
forme,
levé aux aurores grâce à bébé)
***
Francopolis vous offre ses voeux de Belle Année
tout en découverte littéraire et culturelle.
Un peu de poésie et toute la planète respire mieux.
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Spéciale
Nouvelle Année
de Dana Shishmanian,
Colette Nys-Mazure
Dominique Zinenberg
et Karim Cornali
Francopolis janvier 2014
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