Peux-tu
expliquer ta démarche sur le choix de ta langue en poésie ?
À vrai dire, j’ai choisi le français le sentant comme une langue
plus proche de ma sensibilité et de ma manière de m’exprimer avec une
certaine aisance. Ce n’est qu’ensuite que j’ai éprouvé le besoin d’écrire
en italien toutes les émotions, sensations et réflexions que j’avais
peintes dans mes poèmes français.
Lorsque tu as
commencé à écrire en français, comment s'est passé le choix de cette
autre langue ?
J’ai aimé le français dès que j’ai mis pied dans un laboratoire de
français à l’université. Ma destinée était de devenir professeur
d’anglais, langue que j’ai étudiée dès le collège ; en effet quand
je me suis inscrit à la faculté de Langues et Littératures Étrangères,
mon but était l’anglais, mais la rencontre avec le français (ma deuxième
langue, que je n’avais jamais étudiée avant) a été déterminante.
Ce fut comme un « coup de foudre » et depuis je n’ai plus
quitté le français en prenant ma titularisation (votre CAPES ?)
comme professeur de Langue et Civilisation françaises dans les lycées
italiens.
*
La marque de la
littérature française est perceptible. Ton univers onirique se déploie parfois comme un
conte aux accents rimbaldiens :
L’écrin
Un rayon de soleil
Révéla l’amour à une source de larmes,
Il entra dans son cœur
En lui donnant la lumière et l’espérance
Il éclaira le visage de la nuit
En peignant la lune et les étoiles.
Il prit une larme
Et arrosa un marais où fleurirent
Des lys et des aubes flamboyantes,
Il brisa les chaînes du monde
Et les laisses de la douleur.
Il demanda aux vents tumultueux
De balayer les envols du temps
Et sourit à l’éternité poussant ses bateaux
Vers des mers sans tempêtes.
Il leva le rideau opaque
Tombé sur les crépuscules
Et versa des grains d’infini
Sur les fleurs sauvages ;
Il leva les yeux vers le ciel
En montant un escalier de cristal.
Enfin, il franchit le seuil d’un rêve
Et ouvrit un
écrin où dormait le bonheur ;
Il le réveilla en soulevant un voile
Et donna à la Terre ses fruits
Pour qu’il n’y ait plus de larmes.
Lo scrigno
Un raggio di
sole
Rivelò
l’amore ad una sorgente di lacrime,
Entrò nel
suo cuore
Offrendogli
la luce e la speranza,
Illuminò il
volto della notte
Dipingendo
la luna e le stelle.
Prese una
lacrima
Ed irrigò
una palude dove fiorirono
Gigli e albe
fiammeggianti.
Spezzò le
catene del mondo
E i
guinzagli del dolore.
Chiese al
vento impetuoso
Di spazzar
via il volo del tempo
E sorrise
all’eternità spingendo i suoi battelli
Verso mari
senza burrasche.
Alzò il
sipario opaco disceso sui tramonti
E versò
granelli d’infinito sui fiori di campo,
Levò lo
sguardo al cielo
Salendo
scale di cristallo.
Infine,
varcò la soglia di un sogno
E aprì uno
scrigno dove dormiva la felicità;
La risvegliò
sollevando un velo
E donò alla
Terra i suoi frutti
Perché non
vi fossero più lacrime.
*
Sans être explicitement cité, un
auteur me semble entrer dans l'intertextualité de ton recueil, je pense à
Ovide, et son Art d'aimer. Voici ce qui pourrait être présenté comme ton
art d’aimer :
Ailes et racines
Ton baiser suspendu sur cette courte éternité
Enferme le son de mon âme dans un amour sans limites
Qui se renouvelle chaque jour comme un miracle imprévu
;
Fragrance de ciel, comme une vague sur les rives de mon
cœur,
Ton visage lisse mon passé
Et me ramène l’ancienne caresse, fidèle amante secrète.
La lumière
rencontre mes lèvres,
s’éloigne du temps
Quand elle
s’allonge sur ton corps nu
et tremblant,
Au sommet de son infini.
Le vent écrit mon essence en
caressant le manuscrit de la vie,
Libre
de cette illusion
éphémère
Larmoyant
sur les
cils d’un
adieu.
Ailes et racines
Prennent
mes mains comme des ustensiles précieux,
Animés par des fables
et des
mythes
Pour éterniser l’instant d’un autre baiser au goût de mer
S’élevant dans ce ciel où
de petites
vagues versent sur moi
La douceur incessante d’une
joie naïve.
Ali e radici
Il tuo
bacio, sospeso su questa breve eternità,
Racchiude il
suono della mia anima
In un amore
che non ha fine,
Che si
rinnova ogni giorno come un miracolo inatteso;
Fragranza di
Cielo sulle rive del cuore
Come
un’onda, un volto leviga il mio passato,
Mi riporta
l’antica carezza fedele amante segreta.
La luce
incontra le mie labbra, si allontana dal tempo
Quando si
adagia sul tuo corpo nudo e tremante
Al culmine
del suo infinito. Il vento scrive la mia essenza
Accarezzando
il manoscritto della vita
Libera da
ogni effimera illusione
Lacrimata
sulle ciglia di un addio.
Ali e Radici
prendono le mie mani
Come
utensili pregiati animati da favole e miti
E fermano
l’istante di un altro bacio dal sapore di mare
Asceso a
quel cielo dove piccole onde versano su di me
L’incessante
dolcezza di un’ingenua gioia.
*
T'arrive-t-il
d'écrire d'abord en français puis de te traduire ensuite en
Italien ?
Oui, bien sûr, j’ai commencé en écrivant seulement en français,
ensuite j’ai fait les « versions italiennes » (je préfère
« version » au mot « traduction ») puisque même si
les 2 langues se ressemblent ce n’est pas toujours facile de traduire mot
à mot, et paradoxalement au début j’ai trouvé un peu difficile de rendre,
comme il faut, dans ma langue maternelle, ce que j’avais pensé et écrit
en français. Puis, j’ai inversé le procédé, d’abord j’écris en italien et
après je fais la version française, je le trouve plus facile.
Introduis-tu
des modifications dans tes traductions, comment cela se passe-t-il ?
Cela t'apporte-t-il quelque chose sur le plan de l’écriture poétique?
Oui, parfois je suis obligé d’introduire des modifications quand je
fais la version d’une langue à l’autre, car le rythme, les sonorités, la
métrique ne sont pas les mêmes, voilà pourquoi je parle de
« version », puisque ce n’est pas toujours possible de traduire
du français vers l’italien (et vice-versa) malgré la grande ressemblance
des deux langues ayant en commun nos racines latines.
*
Pourrais-tu
dire que l'une des deux langues convient mieux à ton inspiration ?
ou cela dépend-il du thème ou du sujet traité ?
Ça dépend du thème, ou de l’inspiration du moment. Il m’arrive
souvent d’écrire d’un jet en français et de faire ensuite la version
italienne, ou bien d’écrire en italien et d’éprouver le besoin de faire
aussi la version française, tout de suite après avoir écrit mon poème en
italien.
C'est peut-être aussi du ‘déplacement’ entre
deux langues que se nourrit ton inspiration, autour du voyage, de la
méditation sur le temps et l'ailleurs, entre douleurs et douceurs du
changement, de l'exil…
Pour Venise
Quand tu te tais et que le silence te serre contre soi
Ton cœur me surprend en me parlant de tes peines
Si tes vagues et tes ponts peignent
Tout l’amour qui a été oublié entre égoïsmes et
lâcheté.
Tu attends l’imprévu qui sauve ton avenir
Parce qu’il te manque ce que tu voudrais
Pour soigner ta beauté qui saigne,
Comme une blessure profonde,
Parmi mille mots en fuite.
Dans les veines de tes canaux coulent les eaux du Ciel
Et sur tes flots vêtus d’orient
Des rameurs habiles voguent
Semblables à des cygnes sinueux et agiles.
Toi, Sérénissime, courtisée par le monde
Et ses bateaux, tu chantes au clair de lune
Frôlée par un vol de hérons et la caresse
De gondoles en amour.
Le temps scande ses pas sur l’ancien Palais des Doges,
Embrasse les jardins du Grand Canal et leurs secrets
Alors qu’un vol de colombes
S’élève au-dessus des cloches de Saint-Marc
Comme un mirage féerique décoré de marbre et d’or.
Lumière adamantine,
Tu es parfois la proie de rapaces insolents
Vils prédateurs de tes sourires
Mais tes ailes retrouvent leur blancheur
Renaissant des cendres du phénix qui vit en toi.
Au coucher du soleil,
Une douce musique se lève des maisons peintes de roses
Déployant les voiles de mes désirs
Qui naviguent sur tes vaporettos pour apprivoiser
Les solitudes de la vie
Et caresser mes pensées secrètes.
Tes splendeurs immortelles, Rialto et son arche blanche
Chargée de vie et d’anciens souvenirs,
Le Pont des Soupirs, témoin discret de libertés
paumées,
Tes basiliques
M’emmènent à un autre temps où ton Art
Et ton Romantisme
M’offrent un ailleurs prodigieux.
Au fond de tes ruelles, je marche vers l’infini
Et dans chaque coin sublime
Ta réalité transfigure ma fantaisie.
Per Venezia
Quando taci
e il silenzio ti stringe a sé
Il tuo cuore
mi sorprende parlando del tuo dolore
Se le tue
onde e i tuoi ponti dipingono
Tutto
l’amore dimenticato tra egoismi e viltà.
Attendi
l’imprevisto che salvi il tuo avvenire
Perché ti
manca quello che vorresti,
Quell’equilibrio
che ti rischiari e curi
La tua
bellezza che sanguina
Come une
ferita profonda tra mille parole in fuga.
Nelle vene
dei tuoi canali scorrono le acque del Cielo
E sui tuoi
flutti vestiti d’oriente
Abili
rematori vogano simili a cigni agili e sinuosi.
Tu,
Serenissima, corteggiata dal mondo e dai suoi battelli,
Canti sotto
la luna sfiorata da un volo di aironi e dalla carezza
Di gondole
in amore.
Il tempo
scandisce i suoi passi
Sull’ antico
Palazzo dei Dogi,
Bacia i
giardini del Canal Grande e i loro segreti
Mentre un
volo di colombe si leva da Piazza san Marco
Come un miraggio
fiabesco decorato di marmo e di oro.
Luce
diamantina, sei a volte preda di rapaci insolenti,
Vili
predatori dei tuoi sorrisi,
Ma le tue
ali ritrovano il candore rinascendo
Dalle ceneri
della fenice che vive in te.
Al tramonto,
una musica soave si leva dalle case
Dipinte di
rosa, dispiegando le vele dei miei desideri
Che navigano
sui vaporetti per placare
Le
solitudini della vita e accarezzare i miei pensieri segreti.
Il tuo
splendore immortale, Rialto e la sua bianca arcata
Ricca di
vita e di rari ricordi,
Il Ponte dei
Sospiri, testimone discreto di libertà perdute,
Le tue
Basiliche ricolme di Storia
Mi portano
verso un altro tempo dove Arte e Romanticismo
Mi offrono
un altrove prodigioso.
In fondo ai
tuoi vicoli, m’incammino verso l’infinito
E in ogni
angolo sublime
La tua
realtà trasfigura la mia fantasia.
*
Quand tu
dis ou lis un poème devant un public, aimes-tu le dire dans les deux
langues ?
Généralement, je le lis en français, mais j’aimerais bien aussi le
lire dans ma langue, si le temps qui m’est accordé le permet, ou si
quelqu’un me le demande.
T'arrive-t-il
de préférer la version d'un poème dans l'une des 2 langues, si oui un
exemple ?
Bien sûr que oui, par exemple je préfère la version française de
mon poème « Marilyn », je la trouve plus intense avec une
musicalité du vers qui est moins évidente dans ma langue maternelle.
Marilyn
De ta beauté délicate il n’y a qu’une image
voluptueuse,
Le mirage de ton corps ardent ;
Tu souris et pleures quand un homme te chérit
Sans aimer ton âme fragile
Qui implore les câlins de l’amour profond.
Derrière ta sensualité il y a un monde que le monde
ignore
Mais tu aimes intensément parce que tu as besoin
d’aimer ;
Tu rêves de la passion, l’élan qui ne s’éteint jamais,
Loin des gitans mendiant le plaisir éphémère.
Ta beauté n’est pas de cette époque
Qui s’abandonne à tes seins sans jamais se demander qui
tu es,
Sans savoir pourquoi tu disparais dans les larmes d’un
sourire.
Tu es au piège, sans issue, lorsque l’égoïsme vole tes
fleurs
Et tu as envie de mourir
Derrière ce corps qui enivre sans être aimé.
Tu es sublime Marilyn, si belle et divine,
Dans ce désert insensible à ton cœur
Qui attend de s’envoler
Avant que le pinceau d’un artiste n’éclabousse ses
couleurs
Sur une toile remplie d’espoirs.
Ne pleure plus cette nuit, je te prends dans mes bras
Et berce ton sommeil pendant que le plus beau de tes
désirs
T’emmène où tes rêves ne s’écroulent pas.
Dors bien Marilyn, je suis là, à côté de toi,
Gardien secret
De ton silence mélancolique.
Marilyn
Della tua
delicata bellezza non v’è che un'immagine voluttuosa:
Il miraggio
del tuo corpo ardente;
Tu sorridi e
piangi quando un uomo ti ama
Senza amare
la tua fragile anima
Che implora
la carezza dell'amore profondo.
Dietro la
tua sensualità c'è un mondo che il mondo ignora
Ma tu ami
intensamente perché hai bisogno di amare;
Sogni la
passione, lo slancio che non smette di ardere,
Lontano
dagli zingari che mendicano il piacere effimero.
La tua
bellezza non è di questo tempo
Che si
abbandona al tuo seno senza mai chiedersi chi sei,
Senza sapere
perché ti nascondi tra le lacrime di un sorriso.
Senza via
d’uscita, sei in trappola quando l'egoismo
Ruba i tuoi
fiori e tu vuoi morire
Dietro quel
corpo che inebria senza essere amato.
Sei sublime,
Marilyn, così bella e divina,
In questo
deserto insensibile al tuo cuore
Che attende di
volare via
Prima che i
colori di un pennello zampillino
Sulla tela
di un’artista ricco di speranze.
Non piangere
stanotte, ti prendo tra le mie braccia
E cullo il
tuo sonno mentre il più bello dei tuoi desideri
Ti porta
dove i tuoi sogni non crollano.
Dormi
Marilyn, sono qui, accanto a te,
Custode
segreto
Del tuo
silenzio malinconico.
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