
La
nuit
La
nuit encre
pupille
dilatée à l’extrême
qui
recouvre nos âmes et nos têtes
horizon
dense
entrelacs
La
nuit
linceul
sombre de nos jours
souvenir
oublié
battement
de nos peurs
depuis
le temps de nos premiers pas
destin
des hommes fragiles
La
nuit sans fond
maille
d’étoile
comète
vive
lune
pointue
lumière
au creux d’une paume
La
nuit est trouée par nos espoirs
La
peur est comme une brèche dans la confiance, un minuscule trou qui vient
rôder, puis inciser, puis entailler et enfin fait perdre l’équilibre. Mais,
si la confiance est suffisamment forte, informée par l'expérience et les
mots, les actes, pleine de ce qui est invisible mais qui la tend comme la
voile blanche de l'oiseau libre, alors la peur sera condamnée à errer, à
tenter vainement de conquérir de minuscules territoires, à se
recroqueviller sur elle-même, sèche et vide.
La
confiance entre toi et moi est là depuis le premier regard, elle a traversé
les ans et tout ce qui aurait pu nous éloigner, elle nous a bercés et
enlacés. Alors une nouvelle fois donne-lui ta main et la peur s'éloignera,
vaincue.
j’ai
cueilli le soleil ce matin
j’ai
mordu dedans
des
rais de lumière ont coulé sur mes joues et mon cou
et
une aurore a réchauffé ma main
le
temps a passé
un
peu d’ombre a rafraîchi mes lèvres
elle
avait le goût d’une sieste
ou
d’une récolte automnale
j’ai
rassemblé une couronne devenue tiède
et
un champ magnétique qui déclinait
je
les ai caressés avant que la nuit brille
pour
les endormir d’un rêve doux
l’arbre
du ciel est désormais tranquille
avant
la musique des grands bourgeons jaunes
des
sphères neuves qui palpitent et grandissent
demain
une autre récolte épousera mes doigts

Un
enfant joue et le ballon qu’il pousse entraîne le monde, une grande danse
se met en mouvement, cercle que dessinent des arbres et des océans doux
Une
fête où la musique retentit, les instruments entrechoquent leurs notes et
les gestes s’enlacent tendrement
Un
fruit qui, sous la langue, donne à boire la pulpe qui apaise les soifs
Une
main qui dépose sa paume au creux d’un visage et le berce dans un sourire
Un
texte patiemment appris dans la dureté des nuits et de la solitude et qui
enfin se révèle infiniment
Un
soleil qui enfle dans la mer et recouvre de lumière nos rétines
L’eau
qui lave et qui purifie, qui bruisse de son murmure de souvenirs
Le
présent qui n’est pas le passé englouti ou le futur inexistant mais le
battement immédiat de ma présence au monde
La
joie, possible à chaque instant et en tout lieu, vêtement que nous pouvons
habiter de nos vies.
il
pose des questions, une main après l'autre
et
des regards sépia comme pluvieux
il
attend
la
réponse vient comme un azur
un
rire cascade qui cataracte dans sa bouche
note
après note
et
accroche le manteau du ciel
il
s'en enveloppe
il
boit au creux d'un nuage
une
eau au goût de cœurs qui se touchent
c'est
doux et sucré
il
n'a que des réponses
Un
arbre pousse dans ma tête
Lentement,
avec la confiance de l’inéluctable et des cycles
Calmement,
avec la force de ses ancêtres et de leurs récits
Il
ondoie sous le flux de mes rêves et de mes pensées
Vibrant
Une
branche vient effleurer mon front comme une caresse vive
Des
feuilles poussent vers les nuages interrogateurs de mes iris
Une
canopée légère se mêle à mes cheveux dans un murmure
Je
cherche un nom pour l’arbre qui se déploie
Pour
son tronc large qui ressemble aux siècles
Pour
son écorce où je repose mon âme
Je
cherche
Et
lorsque les fruits apparaissent, graines minuscules
Puis
promesses colorées, puis formes puissantes
Nourritures
à venir
Le
nom vient
L’arbre
des demains germe en mon sein

la
pluie floque sur ma peau comme un léger mal de crâne
goutte
à goutte du ciel qui perfuse mon soir
rigole
d’hiver qui ne promet rien qu’elle même
les
hommes ces autres mois sont rentrés
guettant
l’humide sur les murs nets
avec
la crainte d’un suintement invisible
peut-être
la prière murmure l’un
peut-être
l’oubli et le sommeil rêve l’autre
mais
il faudra attendre le verdict du lendemain
pour
espérer la rosée plutôt que l’infécond
le
sec soleil d’un ciel plutôt que les eaux
et
la peau qui pelure sous mes doigts
dit
une nuit qui sera longue
L'oiseau
se pose sur son épaule et picore les grains de souvenirs et les images des
demains ; dans son minuscule bec la succession des instantes toupies et des
moments mélanges lui fait tourner la tête comme si le tourbillon de la vie
lui faisait un cadeau. Un trille, la respiration
vibrante de son être, s'échappe et vient frôler la nuque frémissante qui
est son nid. Une main cueille d'un baiser cette intrication des
mondes. Tu es le bonheur chante l'oiseau.
ne
sois pas intranquille mon elmée
le
cœur sur lequel je repose
et
dont les battements cadencés
rythment
une douce osmose
ne
sois pas intranquille car tu es la promise
celle
dont les jours sont mélangés
ne
sois pas intranquille
ma
promise, mon île
la
crique où je vais m'abriter
la
terre que je vais habiter
ne
sois pas intranquille
va
d'un doux sommeil
réparer
tes forces si belles
reposer
tes douces pupilles
celle
dont le corps est mêlé
au
goût exquis de cerise
ne
sois pas intranquille
mon
printemps
la
terre fertile
de
mes futurs du temps
Je
t’attends ; c'est une attente qui sinue dans mon corps, fourmille dans mes
muscles, électrise mes synapses, gonfle mes cellules et tambourine mon
cœur.
Je
t’attends ; c'est l'attente de tes yeux sur ma peau, de ta main sur ma
nuque, de tes seins contre ma bouche, de ton souffle dans mon souffle.
Je
t’attends ; c'est l'attente des promis, des confiants, des bienveillants,
des elmants.
Je
t’attends ; c'est une attente qui a duré des siècles, englouti des univers,
avalé des magmas et rempli les océans.
Je
t'attends et je sais que tu es là et que d'un geste tu vas délivrer nos
mondes.
La
goutte pouvait suivre deux chemins, l'un l'amenait à devenir larme, l'autre
à devenir rosée.
Au
matin la rosée était là.
La
goutte pouvait aller vers la mer et rejoindre le sel, ou rester sur sa joue
pour lui donner à boire.
Elle
la prit entre ses mains et la lui tendit car elle voulait apaiser sa soif,
car elle était son eau.
La
goutte pouvait serpenter mille corps et mille bouches, dévaler des peaux et
des muscles innombrables.
La
goutte était à la naissance de tes yeux, là où est l'aurore, le vert du
soleil.
La
goutte dévalait la pente du glacier à vive allure ; elle avait froid. Elle
luttait pour ne pas se diviser sous l'effet de ses tremblements et de la
vitesse. Elle espérait le lac au bout du périple.
La
goutte sentait les rayons du soleil l’assécher ; elle savait que si elle restait
ainsi elle allait bientôt disparaître et devenir trace sur le bitume,
mourir. Elle aperçut l’ombre de cette femme embellie par un chapeau ; son
salut était une silhouette d'été.
Les
gouttes se rencontrèrent, se rebellèrent, se coalisèrent, se mélangèrent.
Ensemble elles finirent par former un grand lac émeraude où les femmes se
baignaient sous le soleil du printemps.

Rayon
incident, léger changement dans le cours fluide du temps, oblique qui fait
ombre sur la peau, cercle de lumière rampante, œillet qui grimpe sur la main
et en souligne les veines, battement battement de
rouge mêlé, un autre liquide s’écoule à la lisière de mes sens, là où le
soleil précipite les couleurs comme un alchimiste médiéval, et palpite à
mes tempes. Rayon incident qui ajoure le voyage, bouche ouverte sur le
dehors.
Rayon
incident, découpe infime d'un soleil distant de plusieurs vies, parvenu sur
une joue lieu minuscule en un temps précis qui est celui du regard
peut-être celui des destins. L'angle formé, qui change de taille et de
substance avec les mouvements invisibles, dessine intersection des êtres là
où il ne reste plus qu'un point comme un grain de beauté de lumière. Les
ombres sont repoussées et on sourit en pensant que l'étoile nourricière on
est le témoin.
Rayon
incident avant que la nuit ne l'engloutisse dans l'indistincte fratrie des
ombres. Un dernier éclat fatal, note de musique qui s'estompe et laisse la
mélancolie s'approcher à pas de lune. Bientôt une disparition, comme la
vague ressac qui est un souvenir but par le sable. Mais, le rayon incident,
je l'accroche sur un grand fil et dans l'anonyme obscurité il continue à
briller.
Tu
es la rosée, l'eau douce qui se dépose le matin pour rappeler la vie. Sur
la pulpe de mes doigts se promène la goutte de toi, je la laisse adoucir la
commissure de mes lèvres.
Ayant
porté la goutte à ses lèvres il sut qu'il n’aurait jamais plus soif, car la
goutte renfermait tous les océans et toutes les eaux.
Le
dragon, couché sur le flanc serre les dents, il a mal si mal
transpercé
de flèches, d'archanges et de malédictions,
et
chaque respiration lui arrache un cri guttural
lui,
pourtant, animal terrifiant de nos imaginations
ses
ailes semblent inutiles, prothèses insignifiantes
le
feu de sa bouche n'est qu'un fétide tiède
et
ses yeux sont voilés de larmes géantes
qui
creusent le sol rocailleux de la pinède
il
se retourne dans un dernier effort
espérant
voir à l'horizon le soleil ou la lune
trouver
un quelconque réconfort
en
ces temps de grande infortune
il
n’aperçoit qu'arbres et rochers et les armures des chevaliers
tordues,
déchirées, inhabitées
de
ses ennemis qui ont livré bataille
à
grands renfort d'ivresse de prières et de cisaille
il
sait alors qu'il ne reste que l'imagination
pour
réécrire l’histoire de ce combat
et
arracher une victoire sans contestation
contre
les phalanges grises et sépia
***
un
dragon insolent passe au-dessus de la ville et la pluie marque son vol
ostentatoire
une
eau rêche et acide se déploie comme un filet préhistorique
les
habitants se protègent avec de grands cris et des gestes incantatoires
et
les trottoirs s'animent de brumes de fantômes et d'histoires
le
dragon est déjà loin quand les têtes se relèvent
étourdies
par ce qui aurait pu advenir
troublées
par ce qui n'était pas un rêve
fabriquant
en toute hâte des corolles de souvenirs
Un
territoire où il n'y a plus de références, seulement l'invention permanente
de la vie qui s'imagine à chaque instant et à chaque respiration. Un
territoire où le beau et le calme se côtoient dans une caresse joyeuse. Un
territoire où les cœurs battent si fort qu'ils font penser aux chevaux au
galop dans l'horizon des vagues. Un territoire aussi immense que l'univers
et aussi infime que la cellule. Un territoire rond dans carré et terre enciélée. Un territoire à la clameur silencieuse. Un
territoire où je vais avec la promesse des bonheurs.

la
chaleur est sur ma peau, sueur de soleil qui perle
une
goutte qui lentement se forme et s'arrondit, sphère salée
à
la commissure de mes lèvres, le goût de l'été
je
pense à la même goutte sur le hâle de ton corps
au
trajet de son imprévu entre tes seins et tes hanches
à
la saveur mélangée qui l'imprègne
à
la sensation corticale qu'elle insinue en toi
tu
portes la goutte à ta bouche avec ton doigt humide
et
tu y reconnais mes mots
le
sourire que tu éclos croque le ciel
cerise
tendre qui colorie ton visage
et
dans nos têtes une mélodie d'aurore se lève
Le
lac de tes yeux est le souvenir qui habite le corps de mon corps, le lieu
d'une baignade où mes gestes appellent des gestes, et le délié de mes
muscles accueille les caresses que tu murmures. L'eau ondoie dans la
mémoire vive que tu as enfantée, bonheur après bonheur, et qui désormais
reflète ton sourire. Lorsque l'en dedans remonte à la surface, pour
rencontrer ta peau et ta voix, souffle qui insuffle, pollen qui enfante, le
lac s'agrandit, enfle et déborde, car tu accomplis de nouveaux méandres et
de nouveaux deltas, tu dessines la cartographie à venir de nos vies. Je
navigue sur ces eaux, porté par le vent de ton regard et la force de ta
liberté, certain que des embellîles vont
apparaître à l'intersection de nos mains. Tu es le marin et je suis la
coque, je suis la boussole et tu es l'aimant, et le lac sait qu'il devient
océan.
Je
plonge dans le lac de ses yeux et j'éclabousse le monde de l'eau vive de
son regard et de nos mélanges, des rivières polychromes viennent lécher les
terres pour les fertiliser d'un pollen neuf qui est nos mains mêlées, des
jarres remplies de la vie qui apaise et soigne sonnent de gouttelettes qui
sont nos mots bijoux, des océans profonds aux noms préhistoriques se
forment là où nos semences se reconnaissant et s'aiment, je plonge dans le
lac de ses yeux et j'éclabousse le monde de l'eau vive de son regard et de
nos mélanges, car elle est la si belle qui m'a appelé.
J'ai plongé dans la piscine de tes yeux, eaux salines et lac émeraude, là
où ta pupille dessine un volcan vivant, lave ondulante et calme, là où ton
iris invente des monochromes qu'aucun peintre n'a imaginés, là où ton
regard crée le monde battement de cil après battement de cil. Je me baigne
et tu me rejoins.
J'ai
plongé dans la piscine de ses yeux, là où la pupille dessinait un monde
rond et secret. La sensation fluide de son iris a semé des arcs-en-ciel
dans mon sillage, enfantant une écume qui se teintait de tous nos
souvenirs. La courbe de ses cils contenait les battements de ma vie, un à
un et tous ensemble, dans le ressac de sa mer
intime. L'apnée ne demandait aucun effort car elle me nourrissait de toutes
les fertilités qu'elles avaient apprises. J'ai été encore plus profond et
lorsque j'ai aperçu son visage mes larmes se sont mélangées aux siennes,
heureuses de s'aimer.
Je
suis la ligne tracée, point à point, comme le funambule attentif sur le
fil, scrutant les bifurcations ou les détours, les rencontres et les
hasards, j'arpente et avance, patiemment, sans dévier, concentré,
Une
singulière impression de déjà vu, un quelque chose qui tend le cou
imperceptiblement, l'attention sollicitée avec un léger surplus de poids,
comme la responsabilité de résoudre une énigme,
Sur
le chemin géométrique du parcours une redondance se met en place devant mon
corps et mes yeux, un même qui est le segment déjà parcouru mais sans être
l'identique,
À
la mesure de mes pas, des inclinations de muscles et des diagonales des
souffles, la répétition renouvelée de la figure semblable devient une
évidence, je dessine sans cesse une forme qui est sa propre copie,
À
l'infini du voyage se superpose désormais la trace immuable de la fractale
que je crée en la découvrant, une éclosion inépuisable de la vie et du lien

©Chem Assayag
Photographies de l’auteur (extraites de sa page
FB)
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