La porte du dedans
J’ai
rêvé d’une porte
Qui
ne s'ouvrirait que
De
l'intérieur
Une
porte du dedans
Sans
clé ni serrure
Qui
nous protégerait
Des
leurres et des fêlures
J'ai
rêvé d'une porte
Sans
embrasure
Ni
saignée
Dans
les murs
Juste
un droit-d'entrée
À
l'évasure de notre amour
Où
je ne perdrais plus
Mon
centre
Car il serait partout
Viens avec moi
Viens
avec moi
Je
te dirai les yeux de cet enfant
né
à l'ambre du levant
et
n'attendant que les bras d'une mère
pour
le soustraire à l'assoiffé des pierres
Viens
avec moi
Je
te dirai le cri térébrant des loups
dans
la forêt de ces mémoires infidèles
qui
nous renvoient toujours l'écho truqué
des
grandes peurs ancestrales
Viens
avec moi
Dépose
ton âme près de la mienne
sur
le vélin de notre toile inachevée
Tu
me dessineras le miracle du vent
Je te dirai le poème de la mer
Le pacte
Je
conclurai un pacte avec le Temps
Il
me laissera effacer tout l’obscur
de
cette mémoire déflorée
à
expurger
Je
conclurai un pacte avec l’Enfance
Pour
permettre au rêve de revenir
au
jour d’avant
Et
pouvoir me dire,
– je suis née demain –
Sous les étoiles
De
cette moisson d’étoiles
En
germe sous tes paupières d’enfance
Il
ne subsiste plus que ce regard flétri
Par
le froid sans répit d’un exil intérieur
Et
le flou givré des grandes solitudes
Son
si beau rêve d’un monde nouveau
À
se réinventer toujours sous le ciel
N’est
plus qu’un vase creux
Où
s’est engouffré ce sanglot
Trop à l’étroit dans sa gorge
Je n’habite nulle part
je
n'habite nulle part
ailleurs
que dans tes yeux
je
te parle encore entre deux silences
mais
je ne suis que cet instant
sans
visage et sans nom
où
je ne me vois plus
et
seuls tes yeux me font paysage
La mue
Elle
naît en moi
de
petits riens
qui
ont peur
d'entrer
dans le temps
Elle
naît en moi
entre
le visible et l'invisible
dans
la hantise à chaque mot
de
changer d'âge ou d'apparence
Elle
naît en moi
au
sortir de mes songes faméliques
et
me surprend à détourner
les
rivières asséchées
pour
remonter à ma source
Elle
naît en moi
cette
onde silencieuse
qui
a surgi d'une brisure dans la roche
et
court sur une terre d'absence
comme
une couleuvre
que
la mue a rendue muette
Les heures immobiles
J'ai
usé les pierres
pour
retrouver la trace de ton visage
J'ai
voulu dans le ciel rechercher ton nom
inscrit
peut-être au décousu des nuages
J'ai
écouté le vent et le chant de la mer
à
m'en vider la tête et m'étourdir le cœur,
jusqu'à
en perdre l'équilibre
Mais
je n'ai jamais su que le silence
et
le clair de ton absence affichée à ma fenêtre,
mêlés
à la rosée de l'aube où je bois ton sourire,
cette
douce ivresse éployée sur la crête
des
heures immobiles.
La soif de Babel
J'ai
bu
La
rosée du Verbe
À
la pâleur de l'aube
J'ai
écouté
Le
bruissement d'un rêve
Courant
sur ma peau
Et
pour m'éclairer
À
la clarté de l'âme
J'ai
avalé le jour
En crevant l'abcès du soleil
Sous nos pas
Il
y a des mots en creux
qui
flottent dans l'air
et
ne se posent jamais
défiant
toute gravité
Ceux
qui finissent par éclater
comme
bulles de savon
sous
la pression fatale
de
sens à vide
Et
puis il y a les mots qui ouvrent
des
chemins
en
tracés d'eau vive
sous
nos pas de soif

Photo :
Elisa Ka
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