TERRA INCOGNITA

 

 

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Archives : Terra incognita

 

Nouvelle rubrique depuis 2019 : découverte…

 

Mars-avril 2023

 

 Iren Mihaylova :

 

« Où est ma lumière … »

 

(Poèmes inédits)

 

(*)

 

Maria Desmée, série Éclosions (n° 3), 2022

(reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste)

 

 

Ciel de ma mémoire

 

Bouclier de fantômes 

 

Où est ma lumière qui éblouissait

les pas trompés de l’étoile de plomb  

sont les gouttes inondant  

mon chemin bercé de l’attente ?

 

Car longue est la nuit sans accalmie.

 

Je suis tombée de mon berceau

de milles couches de sa chair qui

m’ont tant bercée à tort.

 

À tort, car ma douleur, ici, effleure

la peau trempée de l’ascendance. 

 

Où est cette nuit qui m’abritait, où

mon songe baissait la tête sur l’oreiller, 

est sa voix câlinée, ses douces mains ménagées, 

sonorité ébahie qui autrefois chouchoutait l’apaisement

de l’autre bout du continent austère des fantômes ?

 

À tort, car ma douleur, ici, s’aiguille

sous la prunelle qui a trompé mes ravivés :

Songes, Témérités, Espoirs émaciés

 

Quand elle s’immisce dans ma pensée, emportant ma solitude,

mes lèvres cirent leur seule promesse dernière :

 

« Chaque jour est une main tendue vers la quiétude ».

 

 

La mémoire des fleurs 

 

Certains jours dans mon pays d’Est m’éveillent la pluie,

l’eau qui dérobe les bords des fenêtres 

et la marée qui foisonne ;

 

Je m’endors lentement comme pour

chasser la soif des mots ;

comme si 

les caresses de souvenirs 

portaient la mémoire des fleurs ; 

 

dès lors 

certains jours je désespère tant 

que je cesse de rêver tout court 

 

le matin tire sur mes lourdes paupières

serrée dans les bras d’un inavouable adieu 

et ma tête comme un tambourin 

dont les battements creusent en abîme 

 

au bas du ventre qui tourne à l’envers

au plus bas du cœur qui déplore

ce creux inconsolable qui attarde les adieux 

et peut-être même qu’il détourne les roues des navires.

 

Ainsi, si tu retournes en arrière

frôlant les bords de la marée

ainsi que les fenêtres en appui,

l’eau qui frisonne, 

pieds engloutis dans le sol,

toute la mer t’emporterait 

sur ses voiles douces en argent ;

 

Mais c’est d’abord ainsi qu’au réveil je désespère,

puisque je sais

 

Que même si tu marches toujours vers mon pays d’Est

les marées te poussent subitement vers le Nord.

 

 

Orage

 

En moi le jour

cherchant son reflet

d’un lys caresse

l’automne en été

 

Dans ma couronne vive

épargne la pluie

de ses capricieuses envies

le chemin bercé

 

Dans le fleuve qui scintille

mes traits se dissipent

des fleurs acrimonieux

dans la brume extasiée

 

parmi les saules bleus

et moi j’y disparais

 

 

Confluences Équivoques

 

Tard dans la nuit

ce qui éblouit

se trompe

 

Croisant ma route

lanterne de fer

de mon chemin écarte  

le doute ;

 

Tard dans la nuit

ce qui éblouit

se trompe.

 

Pour autant,

à deux doigts

son image

m’ombrage :

 

 

« Mine de rien 

elle étire ses ombres »

 

"Le temps est perdu et jamais

de retour”

 

Morts lovés dans les cryptes

Inscrits les mots

de la connaissance là où

l’attente retrace l’horloge. 

 

Des années plus tard je traîne

cette plaie avec la honte

attachée, serrée

à petites gorgées

ravale le vent l’horloge 

 

« Crypte secrète

gémit

une joie 

craintive »

 

Poser

ses mains là et 

tirer     

 

À l’épuisement des derniers étangs de souffle –

les forces brisées

 

l’enfance 

tout semble perdu   

la solitude   lourdeur et fardeau 

efface toute dichotomie 

 

impersonnels les mots creusent 

le manque crie 

 

inscrits sur un scripte déchiré 

le passé sans oubli et la consolation 

au bord du manque 

  où j’écris :

 

« Ma vérité sera captée dans l’ellipse »

 

 

***

 

Là-bas    écriture

 

Émergence du singulier 

Elle 

 

(comme) à la marge de deux rivières 

Le démon côtoie l’ange  

La peur l’autre rive 

de ce désir de

traversées

 

L'Ombre croise une route blanche 

Contemple l’immuable 

Brise la nuée 

Toujours plus limpide

Ombre-sœur, ombre-rêve 

 

L’opacité de l’eau

Cette main que l’étrangère lui tend

à travers 

Que le chant du coq brise  

 

***

 

Les pierres s’alignent 

Dans l’urgence du livre 

 

La poussière enfonce le cœur

d’une ténèbre  

Engouffrée de bords  

 

La lumière plus fade qu’hier  

Le soleil encore plus haut  

Sur l’autre rive 

L’alcôve des silences   comme rempart  

 

***

 

l’effacement

d’une écriture –

 

« Jamais

tu n’y parviendras » 

 

 

Ton corps prostré (convoité) comme refuge 

 

Tes mains embaumées de promesses 

 

Tes yeux comme éclairés de 

SOLITUDE

 

 

Le refus que tu portes 

Comme refuge

En signature du manque 

Sera la clé de l’écluse invisible

 

 ***

 

Au fond des mots 

(Depuis) toujours 

Une même énigme :

 

Sauver ce qu’il y meurt 

Ou ce qu’il reste à vivre

 

***

 

Dieu se vide de lui-même  

                            et l’homme :

 

                            ce trou inconsolable 

           qui contient sa trace

 

***

 

Deux siècles à rayer la fin 

Cerner l’espace de deux silences 

 

Je remonte d’un abysse 

Rien ne me promet l’ascension 

 

Il suffit de grimper 

à l’échelle d’un manque

 

©Iren Mihaylova

 

(*)

Iren Mihaylova est née à Sofia (Bulgarie) en 1996. Elle obtient sa License des Études de français et psychologie à l’Université de Lancaster en Angleterre et poursuit un master en Psychopathologie clinique et psychanalyse à l’Université de Paris-Descartes à Paris. 

Psychologue clinicienne et écrivaine, elle écrit en français, bulgare, anglais et espagnol.

Dans ses écrits poétiques et romanesques, elle intègre ses connaissances en psychanalyse et en musique avec la sonorité du vers classique et la sincérité de la poésie en prose. Son projet littéraire est d’intégrer les études personnelles de l’âme dans une rhythmique musicale et sonore, tout en s’inscrivant dans les courants littéraires de l’époque. Elle est largement inspirée par la musique classique, baroque, romantique et impressionniste et par la peinture moderne.

 

Publication dans des revues :

Les papillons que la mémoire brûlera, À ce qui obscurcit l’homme dans sa beauté, La ville des bécasses : dans Lichen (7 septembre 2020, 2021).

Parmi les huîtres bleues : blog de Christophe Condello (21 avril 2021).

Trois années de la nuit profonde, Routes sous l’oubli : dans Souffle inédit (2 novembre 2022, 30 décembre 2022).

 

Premier recueil :  Tirer les ombres, Sans Crispations Éditions, 2023 (à paraître).

 

Son blogue poétique : Vivre en poète.

 

Iren Mihaylova nous révèle dans ses textes une psyché en quête d’identité propre autant que de communication avec l’autre, une double invention de soi qui traverse les abîmes et que seule la poésie peut véritablement mettre en œuvre et surtout, exprimer. Une autre « guérison » de l’être malade d’être, que celle imaginée par la psychanalyse ?... Peut-être plus effective, si pratiquée avec une totale sincérité et surtout – indispensable – avec le sens inné du style, et le talent inouï des mots ! Bon vent dans le monde des lettres à cette jeune poète et écrivaine !   (D.S.)

 

 

Iren Mihaylova

Francopolis mars-avril 2023 

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