Dessus /Dessous
« Tu t'es
arrêté de parler et seul le silence t'a répondu. Mais ces mots, ces
milliers, ces millions de morts qui se sont arrêtés dans ta gorge, les mots
sans suite, les cris de joie, les mots d'amour, les rires idiots, quand
donc les retrouveras-tu ? »
Georges Perec, L’homme qui dort
Peur de l’horizon
De sa visite muette
Tes mains se souviennent
Cessent de commenter
À défaut
Tu imagines une déchirure
Oubliés
l’armature
La
symétrie des lignes des traits
Le
corps enclos à nouveau soulevé
Dans
le jour
Tu
prononces épelles
Chemin
maison air
Comme
s’il t’en coûtait
Oui
tu peux rester sans bruit
Rivé
au soleil
Ce
qui tombe ricoche dans tes yeux
Bouche
bée
Tu
ne seras jamais mouette filante
Ou
pierre à contre-courant
La roue de l’aube
L’air secoué
Retourné
Et cette lumière
Qui
remonte des profondeurs
Des
chambres creuses
Et
remue touche pique à vif
Bourdonne
jusqu’à ta barbe
Épeler
marmonner
Murmurer
Papillon
et babil
Feuillage
et plume
Une
connivence
Un
treillis de la lumière et du vent
Impossible d’apprendre à chanter
Elle imite se moque
Elle a beaucoup d’âge et son sourire
Nous sommes l’un à l’autre
Dédale gouffre engloutissement
Et tantôt ciel et passage
Perdu le plaisir
Et ce ciel que l’on touche
Pour inverser le puits
Notre mémoire s’enfonce
Dans les recoins les anfractuosités
Une leçon de choses
Des exercices à lire
À écrire sur tableau noir
À l’envers

Faire bruire le silence ?
Ces voix jetées précipitées
Et leurs visages
Cette envie qu’ils avaient
Se regardant
Des liens
Des traces sur nos corps
Des dormeurs drapés gisants vivants
Cœur manquant
Contraint par plusieurs paysages
Avec
la houle allant vers le bleu gris
Glace
et poussière ne font qu’un avec ton ombre
Écrire
le bras figé
La
main raide
Les
doigts recroquevillés
Le
lai de ce qui s’accorde
Tout collé au corps claudiquant
Ton
œil
Tourné
vers l’intérieur
Tu
poursuis t’agenouilles
Écoute
le son qui trouble ta promenade
À nouveau s’enfouir dans un ventre
Pour s’oublier
Polir sa peau jusqu’à devenir fontaine
Interrogé tu as répondu
Ne pas connaitre ce paysage
Confondre nuages et corbeaux
Va fais défais tes liens
Jette un sort à cet épouvantail
Une main nue
L’autre accrochée aux murs
Aux parois
Prise dans le froid
Tu t’arc-boutes
T’agrippes
Grimpes
Un seul mot a trop de majesté
Pour te laisser aller
Il te faut prendre élan
Répondre par un jeu de signes
Pointer le doigt
Te détacher
Devenir branche miroir
Un jardin comme avant comme après ?
Chambranle et pèse nerfs
Dans nos têtes
Chevillé
Par le pourtour
Le réduit
Le soupirail
Le puits d’où nous chantons
L’aube patiente
Penser ses gestes jusqu’à l’épuisement
Partir d’un point
À l’inverse du soleil
Un peu d’eau et de lumière
Remue pour murmurer
Balbutier que persiste notre désir
Le corps lisse lavé
Dansant
Tu es lui tu lui ressembles
Le jour s’élève dans le jour !
Viennent te réveiller
Carillons et charmeurs de contes
Une contre clef
Ce qui apparait sur la ligne de crête
Emprunte ta couleur
Allongé près de l’eau
Jambes enlacées
Il et elles te tenaient bras tendus
Comme une offrande
Dessine un jardin
Une fontaine
Un saut rempli
Ajoute que le soleil a grandi
Que la lumière s’est incrustée
Avons collé soudé la
tête
Et tendu l’étoffe
Attendu que le feu prenne
Avant de t’enfuir
Ces papiers ramassés entassés
Et cette inquiétude dans ton dos
Reprendre essorer
Sous l’épaule sous l’horizon
Tenter un plongeon un saut de l’ange
Un contrepoids au noir
Aux couleurs envolées

Ce quelque chose qui vibre et ne se dépose pas tout à fait
Seulement des notes fantômes
Des mots sourds
Manque la chevelure
La peau contre peau
Et ce mouvement lent
Cette danse presqu’immobile
Pour que l’air nous enveloppe
Notre étoffe flotte sur l’eau
Recouvert d’écailles et de plumes
Mis en terre avec des bois de cerfs
Des lances de licornes
Un animal à sang froid transperce nos songes
Aiguise ton regard
Regarde ce qui tombe
Sans bruit
À vif
Cette maison aux pièces racornies
Chantournées à l’œil borgne
Un escalier en spirale
L’air trop vite coupé
Le nommons
Archivage du jour
Odeur des lys ! des lys !
Jusqu’à quand allons-nous ?
Pas de retenue ni de degrés
Dans le ciel
Un mot entier manque
Une pensée
Cela racle frotte dans ta gorge
Restent les bords
Et des bouches d’ombre
Des museaux humides
S’approchent de ta tête endormie
Nul parchemin ne s’enroule
Nos bibliothèques ont fondu sous les eaux
Tu entends leurs bruits de gorges
Leurs sonnailles glisser sous la pluie
Empêché par la voix
Dans l’attente du verdict
Viennent sur tes lèvres
Cantilènes et chansons un peu niaises
Assurément tu peux cicatriser
La nuit la terre tourne dans tes mains
Comme un ciel délavé
Un fleuve nouveau-né
Seulement sentir et voir
Pour saluer
Oser malgré tout
©Richard
Roos-Weil

Georges Jeanclos, La Fontaine St Julien le pauvre
au square Viviani, Paris
(photos par l’auteur : détails
et vue d’ensemble)
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