SOUFFLE
FLORENCE NOËL |
« Une poignée de vent
Empêche la main de se fermer »
Jean Mambrino
I. Haleine
descendue
avant toi
rien ne bougeait encore
puisque hors de ton regard
il n’y avait que peu d’espace
entre le feu et l’eau
un seuil
seulement
simple salutation au soleil
déjà assis à ta place
les coudes plissant la nappe fleurie
et dehors
le chuintement des voitures
déchirait les flots
et le frais du matin
puis tu fus là
la casserole chantait un air
très doucement balancée
presque du Bach
- Si j’avais un violoncelle-
l’humidité resserrée
tout contre tes épaules
et toi le doigt en point d’interrogation
quel secret sous la peau du lait ?
de quelle attente durcit cette carapace ?
ce bol est un miroir sans tain…
ses flans
remplissait tes paumes
d’énigmes infinies
que tu brisais d’une haleine distraite
cette ride
avait l’âge du monde
augmenté
de toi
II. D’écorce
on avait dit au revoir aux arbres
à chaque feuille
et de tomber avec elles
nos mains s’enflammaient
puis murmuraient des choses lentes
apprises dans l’humus
le manteau de leur torse
était trop vaste
pour contenir le souffle des oiseaux
et tous ces souvenirs
délestés de bruissements
ces troncs buvaient nos bouches
adoubement de sèves
de part et d’autre
d’un baiser de tanin
on avait confié à leur chair
le soin de graver
l’étendue d’une vie
et dans l’ombre inconnue des cimes
nos dents entaillaient
le fragile désir de croître.
III. Petit dialogue froissé de ciel
assis en tailleur
distraitement en mouvement
petit dialogue froissé de ciel
sous les vitres entrouvertes à la bonne page
le livre se dévide
claque les bannières vélines
en de tous petits crépitements
s’abandonne aux sursauts
d’une main de voilage
aux frissons d’un grand assemblage d’ombre et d’encre
serrés comme sur le quai d’un exode
corps contre cernes
sueur emmitouflée de feutres et de laines
malgré l’été
qui a ouvert la fenêtre
et trouvé là
assis en tailleur
le livre
le nez dehors les bras ballant
de toute l’espérance acquise à force d’équilibre
entre mutité et discours ininterrompu
de la paume fatiguée à la prismatique
lumière osant
transgresser la fenêtre
l’océan, dis-tu
ce n’est que cette saveur
annoncée par l’effritement des sons
dégagés de hachures
ce tact étourdit, n’est-ce pas
avec lequel le vent pousse la feuille d’un doigt
jusqu’à la suivante
l’étendue entre les pages courbées
puis lissées par la brise
absorbe en une seconde
tout le rayonnement
qui demeure
au chevet de la mer
à exhorter comme hier, cette nuit
l’âme
poursuivie de bateaux.Extraits du recueil "dans l'effeuillage des souffles" , premier livre "Aux hasards de la lumière"