Vous, gens de montagne (
Heurté
Yves )
«
L'Heure Bleue », en Grèce, est ce moment
dit l'auteur - où le soleil décline, où les choses semblent
s'épurer, où la mémoire du jour devient plus simple,
plus limpide. Le voici à « l'heure bleue » de sa vie,
celle où certains souvenirs remontent lentement du chaos d'événements
qui se bousculaient au fond de la mémoire. Une clarté moins
bienveillante vient se poser sur ce qu'on a fait et vécu, mais le
regard qu'on porte sur les autres est plus serein.
Il est donc à «
l'heure bleue » de quelques histoires
tragiques ou cocasses, mais dépassant souvent tout ce que, romancier,
il aurait eu peine à imaginer.
Pour conclure, l'auteur constate que Tibétains, Afghans, Amérindiens
des Andes ou des Rocheuses, gens d'Islande ou de Terre de Feu ont bien des
traits communs : courage, ténacité, solidarité et une
certaine fidélité à la parole. Le vague à l'âme,
le désarroi et la passion des coeurs, vus de l'intérieur, sont
décrits sans effusions. Le spectacle de l'humanité est exposé
sans fébrilité. Jamais sans doute Yves Heurté n'était
parvenu à ce degré de maturité dans l'écriture,
un style ciselé, d'une grande pureté, traversé de quelques
fulgurances. Quand on laisse opérer la logique des personnages et
des relations qui se tissent entre eux, il y a beaucoup d'éléments,
notamment descriptifs, qui deviennent peut-être superflus, mais de
toute manière, je ne pense pas qu'un auteur doive être trop
précis : des personnages peu décrits pourront davantage prétendre
à une certaine universalité et les lecteurs pourront mieux
s'identifier à eux. Ce sont les protagonistes qui doivent vivre ;
l'auteur doit le plus possible s'effacer derrière eux, demeurer humble,
et ne surtout pas afficher de jugement moral, que ce soit par une écriture
trop marquée ou par une construction psychologique trop appuyée
de ses personnages.
Avec Yves Heurté, c'est d'abord le charme qui fait son oeuvre. Un charme
cossu et chimérique où des contraires, jaillis de sa propre
vie, méthodiquement, s'ajustent. Il y a là la cérébralité
de l'intellectuel et la ferveur du grand vivant, les tourbillons de la mémoire
et la passion de l'instant. De cette pelote, il a pris l'habitude de tirer
des fils qui, à la longue, tissent des livres puissants et séduisants.
Il y revisite inlassablement son existence chahutée, incruste des motifs
biographiques et récurrents, déploie avec art le passé
qui lui sert de patrie. D'une manière générale, l'action
et la mélancolie sont, chaque fois, les pigments de sa fresque. Son
roman évoque un esprit en crue. Tout y déborde. Le passé
qu'il sillonne s'en trouve heureusement irrigué.
Et soudain, magnifique, il reverdit !
http://users.skynet.be/pierre.bachy/heurte-gensmontagne.html
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