LECTURE - CHRONIQUE
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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS Printemps 2025 Marie-Hélène
Prouteau : Paul Celan, sauver
la clarté Éditions Unicité, novembre 2024 (142 p., 14 €) Une lecture par Guénane Cade |
Le livre de Marie-Hélène Prouteau est si
intense qu’après chaque chapitre, je me suis donné le droit au silence. Seule
avec Celan. Le droit de divaguer en sourdine. Le droit de me ressourcer au
sourire de la couverture avant de m’élancer encore, trouver le rythme afin de
poursuivre sans m’écorcher. L’auteure
est en quête de clarté, son cœur parle clair et elle nous offre étonnamment
les mots justes pour nous aider à pénétrer la place forte d’une vie,
les désastres, le souffle de l’Histoire, les traîtrises, les dédales de l’Art
en suivant, perspicace, le méridien de la clarté. Elle
redynamise le poète Paul Celan, ce Roumain mort Français à Paris. Je le
connaissais peu, désormais je crois l’avoir frôlé dans ses replis et ses
retours à la lumière. Dans ce livre, il faut accepter de s’égarer dans une
citadelle humaine qui mène de Brest à la Russie. Il faut accepter de s’ouvrir
à tous les échos, accueillir ses propres résonances, c’est aussi cela avancer
sur un méridien, sur le fil sorcier des mots, c’est retrouver
malgré soi des liens. Paul
Celan ou la solitude du Juif roumain condamné à tout perdre sans rien
quitter car nul ne peut vous ôter votre invisible étoile même en pleine ère
glaciaire du nazisme. Ce poète a grandi dans une profusion de langues, il
les porte en lui comme autant d’âmes subversives et insubmersibles, il aime
les traduire, les révéler, leur donner des ailes. Comme
tous ceux qui ont dû fuir, Paul Celan le migrant portera toujours en lui la
douleur de l’étrange étranger. Nul ne saura si, dans la nuit du 19 au 20
avril 1970, de la vie il perdit l’appétit, la saveur, nul ne saura quelle
lueur il aperçut dans la toile de fond de la Seine quand il sauta du pont
Mirabeau, emportant ses amours dans un dernier refuge sur la carte de
géographie du monde. Cette
mise en clarté de la solitude d’un humain lacéré vous empoigne. Ces
quelques mots furent écrits le 21 décembre 2024, jour où s’élance le solstice
d’hiver, jour qui ouvre le passage vers la lumière et rejoint le récit
audacieux, précis, subtil, le livre-réverbère de Marie-Hélène Prouteau. © Guénane Cade |
(*)
Présentation du livre sur le
site de l’éditeur : Sauver
la « clarté » ? Cette note heureuse dans l’échange de Paul Celan avec Nelly
Sachs peut sembler inattendue chez celui dont les poèmes sont traversés par
les ombres de la Shoah. Marie-Hélène Prouteau s’y attache à partir de deux
moments-repères dans l’écriture du poète. Été
1961. Paul Celan a quarante-et-un an. En vacances en Bretagne, il écrit,
après une visite à Brest, « Après-midi avec cirque et citadelle ». Juillet
1968, il est à Paris et écrit « Du fond des marais », un des « poèmes de 1968
». Deux poèmes et comme une échappée de clarté. Ils ont suscité deux fresques
murales pérennes des artistes Jan Wilhem Bruins et Giuseppe Caccavale, l’une à Leyde, l’autre, rue Tournefort à
Paris. Sauver
la clarté nous emmène dans une déambulation littéraire entre les poèmes de
Paul Celan, une de ses traductions de Mandelstam, les Aphorismes de Kermorvan
ou des lettres à ses amis et son épouse, la graveuse Gisèle Celan-Lestrange.
Dans cette soif de vivre, c’est une « calligraphie de lumière », qu’a su
détecter Marie-Hélène Prouteau, écrit dans la préface Mireille Gansel. |
Note de lecture de
Guénane Cade
Francopolis - Printemps 2025
Créé le 1er mars
2002