LECTURE - CHRONIQUE
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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS Printemps 2025 Gérard Le Goff : Aires de vents Encres vives
(collection Encres Blanches n° 835), 2025 (32 p., 6,60 €) Note de lecture de
Sonia Elvireanu |
Après L’inventaire des étoiles (2024), Gérard Le Goff fait paraître la
plaquette poétique Aires de vent.
Le titre nous renvoie à l’idée de voyage. En effet, l’avant-propos de l’auteur
nous confirme cette supposition. Le poète explique lui-même le titre :
les aires de vent représentent les 32 subdivisions de la rose des vents avec
ses quatre points cardinaux. « Chaque aire de vent ou rhumb est une
subdivision constitutive du tour d’horizon qui indique la direction d’un vent
en référence aux pôles, au levant et au ponant. Un vrai navigateur sait
toutes les routes de tous les vents ». La composition du recueil suit cette
forme de la rose des vents avec ses aires de vent. Les 64 poèmes sont
structurés en quatre parties : Est,
Sud, Ouest, Nord. Chacune comprend
16 poèmes, un métissage de poésie et de prose poétique, dans sa totalité deux
tours d’horizon, affirme le poète. Il se projette en piètre navigateur ayant
perdu le Nord, « un voyage sans boussole », une errance son retour,
telle la vie entre ses deux pôles biologiques. On pourrait dire un tour
d’horizon du poète sur les saisons de son existence, avec nostalgie, regret,
amertume, sur la vie troublée par tous les vents. Les poèmes de l’Est sont traversés par la nostalgie de la beauté éphémère du
printemps, « la saison claire », avec « son effusion de
sève », la floraison, les jours radieux de la jeunesse. Dans les pages
de prose poétique, le poète crayonne des tableaux émouvants de vie de
campagne et des paysages de rêve, tel un peintre inspiré en dialogue
incessant avec lui, la nature, les gens. Le lecteur se laisse emporter par la
beauté des tableaux où respirent les bribes de tendres souvenirs, la rêverie
et les traces des mythes anciens. Sud
évoque l’été. Si le
printemps est le temps de la joie, de la frénésie, de l’amour, l’été est le
soleil ardent, le silence, la brûlure de la vie, le temps des aveux. Des
souvenirs s’égrènent de la mémoire affective comme des ombres d’une vie qui
n’est plus : un village, une ville, une femme. On se souvient les faits,
on s’interroge, on réfléchit à ce qui est advenu. Un « souvenir revient
avec la violence d’une lame lancée par une main invisible » :
l’absence de l’être aimé, emporté trop tôt dans un autre monde. Gravé dans la
mémoire, son image s’effrite, l’oubli efface lentement le vif:
les yeux, la voix, les cheveux. Les mots sont impuissants, ne peuvent
l’arracher aux ténèbres, seulement esquisser les traces de son vécu. La
mélancolie s’empare de l’âme du poète face au sentiment de la fuite du temps
qui engloutit nos vies. Ouest
correspond
à l’automne rouillé, dégarni, au temps des vents, des pluies, des
pertes, des ombres du passé, des frissons. L’insomnie s’installe, les idées
noires tournent dans le cerveau, l’inquiétude perce l’âme, les spectres des
disparus reviennent à la Toussaint. Le chagrin, la peur, le pressentiment de
la mort sont accablants. Une image émouvante revient : la silhouette de
la femme aimée se détache un instant dans le noir, aux traits estompés pour
s’évanouir aussitôt comme les volutes de fumée. Ce n’est qu’un spectre qui
renforce le sentiment de solitude et obscurcit le monde du poète. La dernière partie, Nord, évoque avec amertume l’hiver de
l’homme et de la nature, le nadir de la vie, « le temps du vent
noir », la fin où tout gèle. Le poète se retire dans la solitude de sa
chambre, entouré de livres et d’objets familiers, s’abandonne au rêve et aux
souvenirs délivrés par sa mémoire affective. C’est un temps de souffrance,
mais sans désespérance, car un sentiment d’espoir l’anime, de voir triompher
la vie. La profonde sensibilité du poète,
son goût de la contemplation du paysage se concertent avec la réflexion
lucide d’un intellectuel qui nourrit sans cesse son inspiration de son vécu
et du trésor culturel universel. Parfois les résonnances de ses lectures
poétiques transparaissent dans ses poèmes par son désir de rappeler un poète,
Paul Verlaine, pour la musique de ses vers et la volonté d’imprimer la même
harmonie musicale à son texte en prose : « Laisse le vent mauvais
emporter avec lui les jours anciens que nul ne pleure. Et demeure. ». L’ironie et un certain humour se
mêlent à la mélancolie du poète surtout quand il évoque les fêtes de
l’automne et de l’hiver, opposant la perception des enfants à celle des
adultes. Gérard Le Goff nous partage ses
réflexions sur le chemin de la vie à travers les quatre saisons de l’année,
autant d’étapes de notre parcours existentiel, dans un sensible alliage de
lyrique et d’épique qui rend compte de sa double vocation de poète et de
prosateur. © Sonia Elvireanu (*)
Paru
sur le site de la revue en ligne Traversées,
10 février 2025. |
Note de lecture de
Sonia Elvireanu
Francopolis - Printemps 2025
Créé le 1er mars
2002