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Terre à ciels
De Cécile Guivarch
Aux Carnets du Dessert de Lune


(Lectures entrecroisées d'Yves Ughes, Liette Schweisguth, Teri Alves, Gertrude Millaire et Hélène Soris)


Terre à ciels, par Yves Ughes

Les textes de Cécile Guivarch sont dictés par l’humilité, ils placent avec précaution les mots dans la vie du monde, s’immiscent dans son ordre instable avec la retenue d’un passant.

l’arbre et le ciel
sont énigmes dans l’air bleu

tu te penches sur le bord
ils circulent à l’intérieur

Que dire de plus.

Ces textes n’occupent d’ailleurs qu’une partie de la page, laissant les marges blanches accueillir ce que les vers suscitent, dessinant des espaces de liberté pour que l’action du lecteur opère. Dans la confiance.
Les mots sont si humbles et sereins qu’ils semblent avoir pour simple mission d’enregistrer le cours du monde, mais leur paix n’est pas sans désordre.

A la surface
le courant se déplace dans le sens du courant
ou en sens inverse
l’eau ondoie sur le dessus de la profondeur
ou bien en cercle.

Dans le pli des textes se dénoue l’implicite des bouleversements, la part invisible des mouvements. En fait, l’étonnement et l’émerveillement d’être dans l’imprévisible du monde.

Car, de glissement en glissement, les mots deviennent poreux et acceptent ce qui échappe à la logique prétentieuse et dominatrice : la fusion des éléments ne va pas sans la concentration des sens, et la terre devient ainsi terre à ciels, s’inscrivant dans un cercle de fécondité plurielle.

On le sait, la communion n’est jamais affaire de repos, elle est liée ici à la lumière, mais la clarté ne saurait gommer toute zone ombrageuse. Il est des lieux sourds où des tourments se froissent.

Ici ou ailleurs
le soir retient le jour
ciel sans limites
          en suspens
-tu vis à distance-

De la musique avant toute chose, la langue est un salut quand elle se fait rythme, et Cécile Guivarch possède cette scansion intérieure qui travaille la voix comme un instrument subtil ; par le rythme l’ensemble du recueil se déroule comme un chant, parfois syncopé il n’y a plus rien/le ciel s’est vidé, mais conduisant à cette clé de voûte par qui s’établit l’équilibre.
Ainsi pris dans un jeu de forces contraires, en suspens, on en vient à se surprendre en flagrant délit d’existence

c’est pourtant calme dans le ciel
même si on continue de trembler

Ainsi vont les mots, quand ils sont bien menés, malmenés par la création poétique.

Yves Ughes, pour Cécile Guivarch, Grasse, le 6 août 06


 

 

Créé le 1 mars 2002

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