Ou les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage.

 

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GUEULE DE MOTS – ARCHIVES

 

 GUEULE DE MOTS



Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage...

Cette rubrique reprend un second souffle en 2014 pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR... Libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture, ou tout simplement de gueuler en paroles... etc.

 

Été 2024

 

 

Libre parole à

Ara Alexandre Shishmanian :

 

Le témoignage qui accuse...

 

Jacques Grieu, L’âge.

(*) 

 

Le vol des cendres

 

le vol tamise des cendres sur les herbes en répit sous lesquelles j’attends • je sors jusqu’à ce que j’entre dans la rangée absurde et abstraite de ceux qui sont devenus depuis longtemps inutiles • de ceux qui ont perdu leur oiseau et leur ombre • la bouche pend impuissante au sourire – le navire pend presque naufragé au blanc • et dans le squelette de ma pensée vide j’ai sculpté la statue de l’étranger qui me sert de mât • la corde fait de chacun de nous un funambule plein de syllabes • et la clef – la clef en mourant déverrouille dans le sphinx toutes ses énigmes pubéraux • 

non, ne tendons pas la main aux pièces de monnaie rencontrées dans la rue – malgré leurs très beaux seins • et n’oublions pas le satyre caché dans le tronc des arbres ‒ le satyre séduit par la chaux létale des rayons de lune • la bouche traîne ses lettres en des mots incompris ‒ des non-mots peut-être • des non-mots qui ajoutent une cerne prophétique aux yeux des moïres • non, ne tendons pas la main à la tête trop obscure ‒ décapitée par sa propre idée • son sang pourrait nous remplir de la navigation infinie de ceux à jamais privés de rivage • bien sûr, chaque contradiction cache l’histoire de la déception d’un pantin onirique • l’histoire d’un sommeil bizarre que nous traversons sans même mettre la tête sur l’oreiller • le conte merveilleux d’un sourire-fantôme – touchés par lui des mondes poudrés pleurent et disparaissent • oui, ils disparaissent instantanément ‒ comme l’a-rêve avarié étouffé par le bleu •

 

5 mai 2024 (inédit)

 

La mort témoigne

 

la nuit se glace de bleu ‒ se glace du témoignage et du meurtre • son visage immense – tel un seuil abject du châtiment • tous les toits ont des ailes dans l’air sculpté par la stupéfaction et l’horreur ‒ par le crépuscule transfiguré de la terreur • le cri muet de la foule monte vers le ciel comme une montagne aliénée et maudite • le sang absurde brille dans le labyrinthe céleste • les veines jaunes couvrent le miroir de leur coupable lâcheté ‒ d’un seul mot ‒ d’un seul nom illisible • d’un seul mot ‒ d’un seul nom qui perce sa fenêtre dans tous ‒ dans tout ce meeting de pierre •

est-ce un prophète avec ses ongles enfoncés dans ce vide douloureux • est-ce une pièce de monnaie énorme ‒ tranchante ‒ qui fend le vagin aigri des femmes • elles ont à la place des bras des torches allumées • elles ont sur la tête ‒ au lieu de cheveux ‒ des racines béantes d’hurlements • rien ne peut être lu ‒ et pourtant hélas ! tout peut être compris • aucun signe ‒ juste ces affreux candélabres illuminés par des serpents • non la mort banale des bombes ‒ des tristes, si tristes explosions • mais des crevasses abyssales, abismales ‒ des bouches démentes à travers lesquelles le rien semble parler • oui, c’est tout ‒ très certainement ‒ c’est tout

 

31 mai 2024 (inédit) 

©Ara Alexandre Shishmanian

Traduit du roumain : Dana Shishmanian

 

 

(*)

 

Jacques Grieu (né en 1930) navigue en haute mer poétique et artistique depuis toujours. Il nous abreuve régulièrement de ses histoires picturales et poétiques et nous lui sommes vivement reconnaissants : ce numéro est en partie illustré par ses peintures qui dégagent un air de fables sarcastiques et amères voire de satires caustiques du monde contemporain (comme ici même).

Ses créations accompagnent également, dans ce même numéro, Ara Alexandre Shishmanian, à la rubrique Francosemailles, Saghi Farahmandpour et Louisa Nadour, à la rubrique D’une langue à l’autre, et Stéphane Casenobe, à la rubrique Terra incognita ainsi que sur la couverture de son livret à la Bibliothèque Francopolis. Notre gratitude lui est acquise.  

Un autre numéro largement illustré par ses œuvres est celui de janvier-février 2023 (où était annoncée son exposition à la rubrique Liens).

Pour ses peintures : visiter son site. Pour sa bibliographie : le site expression-medicale.org ; pour commander ses livres : le site de la librairie Les saisons.

 (D.S.)

 

 

Ara Alexandre Shishmanian

Francopolis – Été 2024

Recherche : Dana Shishmanian

 

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Créé le 1 mars 2002