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LETTRE D'APPRÉCIATION ET DE REMERCIEMENT DE CLAIRE HEURTÉ
Suite à cet Hommage rendu à Yves Heurté,
par tous ses amis, amies via le réseau Internet.
Ce serait une simple halte pour fêter l'anniversaire de mon amie l'éternité.
Elle et moi pourrions boire enfin nos whisky secs sans nous préoccuper de la fin du monde.
Yves Heurté
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Bonjour à tous, Je
vous écris pour vous remercier chaleureusement pour vos très beaux textes
et paroles d'amitié et de soutien qui nous sont parvenus.
Maman est ensevelie sous le courrier et pas très disponible donc pour l'heure, mais je les lui lirai dès que possible. En attendant, ils m'ont fait du bien ainsi qu'à mes frères et soeurs. Certains
d'entre vous ont exprimé le regret de ne pas avoir revu papa à son retour
de l'hôpital et de n'avoir pu assister aux obsèques, qui ont eu
lieu assez vite après son départ, d'autres de ne rien savoir de lui.
Je me suis dit que j'allais donc vous écrire quelques mots, ayant passé les derniers jours de papa à ses côtés. Il
a été heureux, très heureux de recevoir vos courriers
que je lui ai lus le mercredi soir. Il répétait "tu diras bonjour spécial à la fourmi à 6 papattes"
Je n'ai pas trop compris mais je pense que c'est l'une d'entre vous. Il avait du mal à parler, ayant probablement été victime d'un nouvel accident le lundi. Ensuite, le jeudi, une copine d'atelier d'écriture est venue le voir et lui a demandé de suggérer un thème pour le prochain atelier. Il a dit : "prenez le fleuve : le plus simple est le plus beau". Ensuite il m'a exprimé sa tristesse de ne plus pouvoir lire et écrire. Je
lui ai dit qu'il avait écrit de belles choses et que tout comme il avait
écrit sur Sabine Sicaud, maintenant d'autres allaient peut-être écrire sur lui.
Il m'a répondu : "Mes 2 derniers livres ne sont pas bons !" Ensuite, il m'a dit "adieu, ma fille", a embrassé la femme de ménage et moi très tendrement et il n'a plus parlé. Je
crois qu'il s'est laissé partir. Vers la fin, l'écriture et
vous ses potes internautes étaient toute sa vie. En
tout cas, il est parti paisiblement, avec cette passion de l'écriture
et des contacts qui ne l'ont jamais quitté.
Les obsèques ont été très
émouvantes, nous avons dû limiter le nombre de lectures et de chants tant
il y avait des amis qui voulaient lire. Cela a été très sobre, humain et
amical. Même notre maire, qui n'est pas un homme de lettres, s'est fendu
d'un hommage super beau qu'il a passé la nuit à rédiger, a-t-il dit !
Le vieux curé parkinsonien que nous avions choisi faisait tinter tous les objets de messe comme des cymbales : qu'est ce que papa a dû rigoler! Vieux curé qui le connaissait à peine, papa n'étant pas franchement un abonné à l'eucharistie, mais qui après avoir entendu un poème, s'est mis à pleurer et a eu toutes les peines à reprendre le fil. Tous l'ont accompagné à pied depuis sa maison jusqu'à l'église et les hauteurs du petit cimetière tout en haut du village, d'où on a une superbe vue sur sa montagne préférée, le pic du Gar. On aurait entendu une mouche voler. Son seul souhait était d'être enterré là et qu'on joue à l'église le requiem de Gilles, un requiem peu connu que nous avons réussi à trouver in extremis. Les gens ont spontanément pris une rose chacun pour gravir la pente, il y en avait des centaines, et son cercueil a été complètement enseveli sous les roses. Papa voulait une tombe en terre sans rien dessus, mais un ancien patient inconnu a offert une plaque avec un dessin de ciel et un extrait d'une chanson de Goldman "Et puisque l'horizon aujourd'hui, c'est ta maison, sache qu'ici reste de toi comme une empreinte indélébile" J'ai trouvé que cela lui allait comme un gant. Ensuite,
il y a eu une collation à la maison, il faisait beau, les pelouses étaient
couvertes de perce-neige en fleur. Il y avait son écureuil qu'on
n'avait pas vu depuis le début de sa maladie et qui a réapparu et son vin
préféré et tout le monde a bien mangé et parlé à bâtons rompus. Les vieux
amis ont rencontré les nouveaux amis, les gens se sont échangés des adresses.
C'était tout, sauf triste, il ne manquait que lui évidemment. Et s'il a vu
tout cela, il a sûrement été content.
Maintenant
nous sommes très tristes, bien sûr, mais en même temps, j'ai le sentiment
que papa a bien vécu. Il a tout vécu à fond, avec passion: sa
jeunesse de résistant, son métier de médecin - vétérinaire - déneigeur -
accoucheur - psychothérapeute (dans les villages, on connaissait alors le
cumul de fonctions!), son amour pour la montagne (il nous traînait, nous
ses mouflets, impitoyablement sur les chemins tous les dimanches et toutes
les vacances et n'a même pas réussi à nous dégoûter de la montagne!) Sa
relation de chat et de chien avec maman ( ils étaient inséparables et se
disputaient 364 jours sur 365, trêve de fête des mères oblige), ses 5 enfants
qui lui en ont fait voir de toutes les couleurs (ça, c'est censuré!), ses
coups de grogne contre les Américains qui y avaient droit au moins une fois
par semaine, contre le
capitalisme quand on se lassait des Américains, sa musique, ses sculptures
à l'opinel et tout ce que je ne connais pas de lui et découvre peu à peu
maintenant, ses amis et encore ses amis et toujours ses amis, l'écriture,
son lien avec le spirituel et un possible au-delà qui reste son secret le
mieux gardé (il était d'une pudeur absolue en la matière et bien malin qui
savait ce qu'il pensait et ne pensait pas). Quand j'ai lu son dernier livre
sur Sabine Sicaud, j'ai su qu'il allait partir et qu'il le savait et nous
le confiait ainsi à demi-mot.
Il refusait tous les examens médicaux qui lui étaient prescrits et n'obéissait à aucune injonction de son cardiologue. Têtu
comme un Breton! Il ne pouvait pas sentir la médecine!! Il a été tellement
content de quitter l'hôpital ensuite et de rentrer chez lui. Et bien sûr,
il y a eu sa dernière passion, vous tous via l'internet. Grâce à vous, il
a eu une vieillesse riche de rencontres, il ne s'est pas ennuyé une minute du jour et de ses longues nuits.
Claire HeurtéBien sûr, il s'est surmené, ce qui explique que maman ait eu des paroles dures avec certains d'entre vous au téléphone, mais il s'est vraiment, vraiment éclaté. Pour cela, je vous remercie. Souhaitons-lui un beau voyage. Pour ma part, je vous dis tout simplement "bonne continuation". Amicalement, PS
: Bien sûr, si vous voulez des textes de papa, vous pouvez m'écrire à cette
adresse. Pour le moment, je n'ai pas trop le coeur de farfouiller dans son
ordi, maman encore moins, mais quand je serai moins triste, si vous avez
besoin....
Si vous lui écrivez un article ou des petits mots, je serais de même contente de l'avoir, mais svp ne me mettez pas sur votre liste générale, car je n'ai pas d'ordi à la maison pour le moment et au travail, cela me ferait vraiment trop de mails! En plus, n'ayant pas reçu en héritage le talent paternel, je n'ai jamais rien écrit à part des dissertations et des traductions et il a fallu que papa parte pour que je m'efforce de vous écrire cette petite bafouille! |
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