PIEDS
DES MOTS
Où les mots quittent l'abstrait
pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre...
décembre 2015
L'INFINIE
TENDRESSE
de DOMINIQUE ZINENBERG
&
CHRONIQUES D'AVANT LE SOLSTICE
de MIREILLE DIAZ-FLORIAN
&
SOIR DE NOVEMBRE
de NICOLE BARRIÈRE
«
«
l'infinie tendresse »
Dominique Zinenberg
C'est le ciel, il est bleu
je
respire.
Partage.
Les mains s'activent, lavent, coupent,
remuent, malaxent, cisèlent.
Elles rêvent à tout à l'heure.
Des exhalaisons acides ou sucrées
douces ou épicées
des nuances de verts (entre coriandre et basilic,
poivrons, fenouils, avocats)
tous ces mets éphémères
chantent à l'insu des hôtes
la caresse du monde.
Les préparatifs
quand toutes les odeurs se mêlent
imprégnant l'air et les habits
c'est l'attente des voix,
des rires,
saveur d'être ensemble.
C'était un soir si doux,
pareil à un vin de pêche,
pareil à l'or de la vie
Puis, tout est devenu
sans nom,
une obscène abomination
a remplacé la musique
par ...
les innocentes conversations
par ...
ce vaste obscur de chairs amalgamées
ce long sanglot baignant la Seine
le sang de nos aimés (même inconnus)
passant les ponts, les frontières et recouvrant
le ciel de taches indélébiles
en partage.
***
Chronique
d’avant le solstice
Mireille Diaz-Florian
Ce sera la nuit bientôt
Une nuit longue
Où l’attente du jour est infinie
Ce sera une nuit traversée d’astéroïdes
Une nuit silencieuse
Où les caravanes assèchent le désert
Arrêtées sur l’horizon
Soudain incandescent
Là-bas les heures ont avancé
Des hommes et des femmes sont figés
Sur le seuil
À interroger le ciel
À écouter la vibration des téléphones muets
À pressentir dans la ville les signes du désastre
À se tourner vers l’horizon
Soudain incandescent
Ce sera la venue de l’aube
Une aube froide
Où les yeux restent clos dans les visages de pierre
Ce sera une aube striée de gyrophares
Une aube muette
Où les cris se sont tus
Plaqués sur l’horizon
Soudain incandescent
Là-bas les gestes sont accomplis
Des hommes et des femmes restent
Dans les rues
À tenter de lire les traces de lumière
À cerner les souffles ténus
À regarder les portes closes sur la douleur
À fixer l’horizon
Soudain incandescent
Ce sera le jour
Un autre jour
Où des lambeaux de nuit pendent aux arbres nus
Ce sera le jour sur les écrans démultipliés
Un jour ensanglanté
Où gisent les mots vides
Alignés sur l’horizon
Soudain incandescent
Là-bas dans la nuit chaude
Des hommes et des femmes se terrent
Dans les décombres
À deviner le sifflement des bombes
À serrer contre eux un enfant endormi
À imaginer l'eau et le vent
À regarder l'horizon
Soudain incandescent
Ce sera la nuit du solstice
Une nuit constellée
Où les routes se perdent dans les galaxies
Ce sera la nuit des prophéties
Une nuit pleine
Où les caravanes s'arrêtent
Tournées vers l'horizon.
(novembre 2015)
***
Soir de novembre
Nicole Barrière
J’entends une détresse qui s'épanche,
l'étendue de la terre en noir s'illimite.
Parlons avec calme
Proche de cette heure triste
De la flamme
L’horizon a sa lumière lasse
Et se brise au couchant
Des terribles rafales.
Voilà les mains oublieuses de la miséricorde
Les images fument encore de la veille
Et consument l’espoir
Le long des rues où tombe l'ombre des morts.
*
NATË NËNTORI (SOIR DE NOVEMBRE )
Gjendje e jashtezakonshme
E degjoj nje luetje qe leshohet
e shtrirë në tokën e zezë pa kufi
Folim në qetësi
Afër kësaj ngjarjeje të pikëllueshme
Tê flaktë
Ngjyrat e horizontit të zhgënjyrera
Thyhen në perëndim
Nga rafalet e tmerrshme
Ja duartë e harruara të faljes
Paris ende në tym e flakë
Dhe konsumon shpresën
Pergjatë rrugëve ku bie hija e vdekjes
Traduit en albanais par Reshat Sahitaj
(Président de la Maison des écrivains, Kosovo)
|
Le
principe des Pieds des mots,
est de nous partager
l'âme d'un lieu, réel ou imaginaire, où
votre coeur est ancré... ou une aventure.... un personnage...
|