–
Je ne peux
pas en parler, c’est un secret.
–
Allez, à
moi tu peux le dire ton secret.
–
Il m’a dit
que c’était totalement confidentiel.
–
Confidentiel, ce n’est pas secret.
–
Pour moi
si et pour lui aussi d’ailleurs, il me l’a dit.
–
D’accord,
d’accord, mais tout de même, à moi tu peux le dire, tu me
connais, je ne suis
pas du genre à.
–
Non ça, je
le sais, depuis le temps que je te connais, je sais que tu n’es pas du
genre à,
mais tout de même.
–
Soit,
c’est toi qui vois, si tu ne veux pas…
–
Écoute, si
je te le dis, tu me promets ?
–
Pas besoin
de promesses, ça va de soi, je te l’ai déjà dit,
je ne suis pas du genre à.
–
D’accord,
d’accord, je sais que tu n’es pas de ce genre là, mais tu sais,
on ne sait
jamais, des fois que.
–
Ah, c’est
sûr, le « des fois que », c’est très
difficile à maîtriser.
–
Tu vois,
il y a un risque.
–
Certes,
mais tout de même, le « des fois que »
c’est exceptionnel.
–
Quoique…
–
Donc, tu
veux le garder ton secret, des fois que ?
–
Écoute, tu
es un ami, et je sais que.
–
Alors tu
me le dis ?
–
Oui, oui,
je te le dis, simplement je te demande vraiment, en tant qu’ami, je
veux dire
en tant que mon meilleur ami, enfin, tu vois ce que je veux dire, l’ami
suprême, le confident, celui à qui on peut dire ce qu’on
ne dirait à personne
d’autre, je te demande donc.
–
De ne rien
dire.
–
C’est cela
oui, ne rien dire, même si.
–
Tu peux
compter sur moi, je ne dirai rien.
–
Même
si ?
–
Je m’y
engage.
–
Tu es
sûr ?
–
Je m’y
engage, point.
–
Merci.
Un temps
– Et
alors ?
–
Alors
quoi ?
–
Eh bien, le secret !
–
Ah oui,
c’est Polichinelle.
–
Mais ce
n’est pas un secret.
–
Si, si,
c’est le secret de Polichinelle.
–
C’est lui
qui te l’a dit ?
–
Oui, lui
en personne.
–
Polichinelle ! Il existe donc pour de vrai ?
–
Ben oui,
c’est ça son secret.
–
En chair
et en os ?
–
Tout à
fait, je l’ai vu à Naples avec sa bosse, son gros ventre et son
masque blanc.
–
Au
théâtre ?
– Non, dans
une toute petite rue peu passante, je l’ai reconnu, je lui ai dit
Polichinelle ! Polichinelle ! Il a fait chut avec son doigt,
puis
s’est approché de moi et m’a dit : « Ne le dites à personne hein,
ça doit rester
confidentiel, je compte sur vous, à personne, c’est
secret. »
-
Ça alors. Du
coup, ce n’est plus secret puisque tu me l’as dit.
-
Oui, mais tu n’es
pas censé le savoir, c’est notre pacte secret.
-
De
Polichinelle ?
-
Exactement.
François
Minod in L’homme au banc, Editions Hesse, 2013
Francopolis
février 2016
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