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Coup de coeur : Archives 2010

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


A Francopolis, la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés. Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent, toujours intéressant et en mouvement. Nous redonnons vie à vos textes qui nous ont séduit que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.

novembre 2010 -

Poème Coup de Coeur du Comité

de Michel Ostertag : Roger Gonnet
de Juliette Clochelune : Orphée et Merlin Cazals
d' André : Kader Rabia



   ORPHÉE ET MERLIN CAZALS 

"Voilà une sélection de petits poèmes inventés par Orphée (7 ans) et Merlin ( 4 ans)... La plupart du temps, ils sont venus tels quels. Parfois je suis intervenu pour couper des mots explicatifs inutiles ou des longueurs syntaxiques... Mais en respectant au maximum les mots et la tournure des phrases pour ne pas interférer dans la sensibilité de mes enfants…"

Voici ce que me dit Thierry Cazals en m'envoyant ce choix des haïkus de ses enfants, notés sous leur dictée... J'ai été émerveillée par leur spontanéité, leurs couleurs, les odeurs et sensations... Les enfants sont dans la poésie sans le savoir, et nous ouvrent leur imaginaire... Thierry Cazals organise très souvent des ateliers de haïkus. Il est appelé dans les écoles, les quartiers difficiles, aussi avec les prisonniers... Il arrive toujours à faire sortir la petite flamme qui niche en chaque humain, qui montre que tous, on a un potentiel...

J'ai souhaité vous partager ceux-ci, un coup de coeur pour moi... Merci Thierry... Merci Merlin et Orphée
(Juliette Cochelune)


Le tableau de l'ancêtre
Nous regarde
De ses plumes précieuses

Merlin


Les campanules
Répondent à mes mots
Qui dorment

Orphée


L'horloge crie "au secours!"
Le miroir la prend
Dans ses mains

Merlin


Le fantôme de la joie
Fait apparaître
Les étoiles

Orphée



Dans les rochers
Le lit du crabe
Est vivant

Merlin


Le crabe qu'on ne voit jamais
Reste facilement
Dans mon cœur

Orphée


Le nuage fait une petite promenade
Je croyais
Qu'il était en train de pleurer

Merlin


Le son de la mer :
Plein de cœurs
Qui volent dans l'air

Orphée


Le brouillard
C'est quand
Les nuages se reposent

Merlin


Dans mon dos
L'arbre grince
Pour toucher le soleil

Orphée


La maison blanche
Dort tout au fond
Du nuage de terre

Merlin


Un coup de vent
Mon chapeau vole
Avec les graines de pissenlit

Orphée


La feuille morte
Bouge et dit
"Échec et mat!"

Merlin


Le chant des insectes
Emporte
Le dinosaure de vapeur

Orphée


La grenouille noire
Saute, saute, saute
Même la nuit

Merlin


La grosse grenouille
Gonfle ses joues
Et  disparaît dans les algues

Orphée


Les six sapins bleus
En colère
Ouvrent les portes sur eux

Merlin


Dans l'œil de la piscine
Mon reflet
Saute de joie

Orphée


L'oiseau au bord du temps
Va dans l'église-igloo
Manger des graines

Merlin


Le silence écrit
L'unique son
Du coquelicot


Orphée

   


ROGER GONNET

La poésie de Roger Gonnet m’a redonné, en son temps, le goût de la poésie, l’habitude de lire de la poésie et surtout d’en écrire ou d’en réécrire, moi qui avais pris mes distances avec elle.

Hors de la métrique conventionnelle, Roger Gonnet, tout au long de son œuvre importante de 38 recueils publiés et de multiple prix (prix Luc Bérimont, Froissart-Jean Dauby, Poésimage/Unimuse) a su créer sa propre manière de transcrire sa veine poétique ; entre prose et vers ; entre simplicité et rareté du langage, le choix juste du mot et de l’image, il donne au lecteur une part d’émerveillement dont il se souvient. Il est le poète de la lumière, de la verticalité, il s’intéresse aux traces laissées par l’obscur, le furtif et a le don de relever le sens secret des choses qui nous entourent

Roger Gonnet est poète et peintre.  Dans  sa vie professionnelle, il a été médecin ORL. Son dernier recueil vient de sortir aux éditions du Petit Pavé, il s’intitule La traversée aveugle.  (Michel Ostertag)


La semaison des signes (Editions Froissart)
Extraits


La parole apprise avec les mots ordinaires, nous sommes sans mérite de croire au chant des feuilles… l’eau se troublerait-elle du reflet d’un visage ?

A pieds joints nous sauterons sur des ciels de marelle, le sommet de nos constructions vides.

Il y a tant d’échardes en nous que bouger nous blesse, avive le sang des dernières célébrations.

Immensité du blanc, bel espace à parcourir, lieu de convergence et de dispersion, nous sommes éblouis.
Entre réel et imaginaire, on louvoie sur la ligne de partage…le temps qui prend les couleurs de la mémoire,
met la neige dans nos têtes de verre.

On a des mains de vent, on tombe comme un soleil à la face des oiseaux.

 Il n’y a rien entre les choses et nous que l’immensité d’une absence ; nous ne serons jamais bouche à
bouche avec la lumière, il y a trop de terre, trop d’ombres intermédiaires

 Entre la maison et le jardin, il n’y a rien que la déclinaison de la lumière, on mesure le temps à la jauge
d’une fenêtre.

Entre la maison et le jardin, il n’y a rien que le passage… et la vie qui la traverse.


KADER RABIA

Kader Rabia: né dans un espace où, dès la naissance, on vous indique le chemin de l'exil, celui des prophètes et des poètes.  Date de naissance : 6 juillet 1955. (André Chenet)


Je taille inlassablement !

( En réponse à ceux qui veulent partager le rien qui nous reste )

 

Je taille dans le temps

Comme un castor

Genou à terre face au vent

Pour que dans la digue

Demeure encore un moment

Qui rassure les passants

Je taille dans le temps

Pour me convaincre

Qu'entre mes mains usés

Je ne tiens pas seulement

Des souvenirs creux et vains

Sur le sentier incertain

De la lutte

Et des amitiés guettées

Par les renoncements

 

Je taille dans l'espace

Envahi de paravents

Dromadaire surpris

Par l'âge, l'absence de

Sa lune apprivoisée

Et ces cris des anciens

Venus de mille horizons

Je taille dans l'espace

Que des mains sans boussoles

Tiennent à rétrécir

Contrariant les dieux

Les sentiments

Je taille inlassablement

Pour voir reculer la haine

Et le chiendent

 

Je taille dans le silence

Dans les racines du silence

Comme un gawwal

Entouré par la foule

Condamné à sauver

Ce qui reste des mots

Les mots survivants et

Désignés pour aller loin

Jusqu'à atteindre

L'illusion du possible

 

Et puis je taille dans les mots

Reconstitués chaque matin

Revus à chaque lune

Remis en cause

A chaque tremblement de cœur

A chaque menace de l'ordre tribal

Je taille nu face à ma page

Je taille armé de rage

Portée par le sourire de la bien-aimée

Et de la parole donnée

A ma patrie violée

Maltraitée

Et abandonnée


(N.B : Gawwal : Griot, Poète populaire, diseur d'aventures en public)

        

                                                                                                      



                                                  




 

coup de coeur de :
Michel Ostertag - Juliette Clochelune -André Chenet
novembre 2010

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