La geste de l’écriture
Comme une
dédicace.
Saisir comme un
jeu – ou une nécessité ? – une vieille enveloppe. Chercher en vain
dans le sac, un stylo. Puis le carnet oublié. Ou alors, faire glisser sur
l’écran lumineux de l’Iphone le clavier tactile.
Il y a quelque fébrilité aux gestes de l’écriture.
Ou serait-ce une
urgence ?
Écrire dans ce
café de la galerie Verot-Dodat dont la lumière
jaune adoucit le contour des choses. Apercevoir dans mon champ de vision un
reflet sur le comptoir cuivré du bar. Sentir sur soi le regard intrigué du
garçon de café, impeccablement sanglé dans le tablier blanc qu’exige le
décor. Tenter de saisir dans un kaléidoscope de sensations, la brèche où je
peux m’engouffrer. Arrêter en plein élan, les mots griffonnés. Les plier
soigneusement à sa volonté. Écrire. Là. De suite.
Oui. Merci. Un Darjeeling avec, oui, un peu de lait. Accepter un court
instant la beauté du mot Darjeeling
et revoir avec une précision presque douloureuse, les collines de thé du
Sikkim.
S’arrêter sur
cette image offerte.
J’aurai
auparavant suivi le mouvement de la rue, enregistré les sons qu’organise le
rythme urbain. En franchissant un pont, j’aurai senti la légère vibration
du tablier, au passage de l’autobus. Sans jamais quitter du regard le
glissement des façades grises, entre le pont de Bercy et le pont
d’Austerlitz, j’aurai sondé les cœurs des passagers, dérobé dans leurs
paroles, des bribes de leur vie, pour les coller dans mon espace mental.
M’en imprégner pour écrire. Plus tard. Ou jamais. Je ne saurai rien de ce
qui surgira, alors, de tant de vies condamnées au rapt de l’écriture.
J’aurai à mes côtés, mis entre virgules, Cendrars et Apollinaire,
compagnons fidèles de mes déambulations.
Leurs poèmes
assaillent nos mémoires.
Maintenant, je
serre de près la ligne des mots. Ils sont tous là. Je m’engage à les
suivre. La nuit est tombée. La lumière des phares s’enroule doucement en
volutes sur l’asphalte. Alors sonne l’heure des rencontres attendues.
Pourquoi, soudain ai-je peur que Michel ne trébuche dans une rue, à
Paris ? Pourquoi suis-je sûre d’apercevoir, au pied du ginko du jardin
des Plantes, François le rêveur conscient. Sans doute parce que, au même
moment, Éliette s’est engagée, elle aussi, sur un chemin caillouteux des
Alpilles. Et plus loin encore, dans l’ordre immuable des méridiens, le jour
tendra sa blanche toile à la fenêtre de Gertie. Au
moment précis, où j’ai aperçu Dana devant son ordinateur, mon téléphone a
sonné. La voix douce de Dominique m’a rassurée. Ils me tenaient la main.
Les Francopolisiens.
©Mireille
Diaz-Florian
Photo de l’hiver
au Québec… par Gertie Millaire
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