Passages de Paris
Passage
du Caire,
passage Brady,
des Panoramas,
du Lido,
Vivienne ou Choiseul,
vous êtes les traboules de Paris, luxueuses, achalandées, éclairées,
recherchées, bien fréquentées, à l’écart des touristes, aux bruits en forme
d’échos, aux harmoniques du passé : Paris de la fin d’une époque,
celle du XIXè siècle… Baron Haussmann… Hugo en
exil écrivant sur Paris à l’occasion de l’Exposition universelle de 1867…
Passage des poètes, des flâneurs, des acheteurs parfois,
des
femmes seules, aussi…
Les poètes prétendent qu’on en sort à chaque fois différent
de ce qu’on était en entrant.
Peut-être !
Mais, ce qui est vrai c’est que le temps écoulé dans tous ces passages est
un temps retenu, retaillé à l’échelle du temps pour une autre mesure, plus
subtile celle-là. On entre par un quartier, on s’attarde à la devanture
d’une librairie, on se laisse aller à feuilleter un vieil album de photos
sur Paris, ou encore, discrètement, quelques photos osées des années
"d’entre-deux-guerres ", on perd la notion du temps, on oublie
ses soucis, mais arrive un moment où il faut repartir, l’extase ne peut pas
durer au-delà d’un certain temps, on accélère le pas, on se promet à
soi-même de revenir, et on sort à l’autre bout du passage dans un autre
quartier, il pleut, quand, tout à l’heure,
il
faisait soleil. Trait d’union entre deux moments ; deux endroits, deux
états d’âme. Mystère des passages de Paris.
Mystère et aussi envoûtement.
Y mettre les pieds une fois et l’on est conquis pour la vie.
Avec
un seul désir : visiter d’autres passages, ne serait-ce que pour
vérifier si le même charme opère.
Je peux en parler, j’ai fait cette démarche - un peu comme un rite
initiatique - et je peux vous affirmer qu’à chaque fois
le
miracle s’accomplit, le désir est devenu si fort qu’on ne peut y
résister : qu’on revienne à celui-ci ou à un autre, n’importe,
l’atmosphère est à chaque fois la même, tenace.
Je suis ici chez moi… Je rêve d’habiter dans une de ces petites pièces,
tout là-haut au-dessous des verrières, petites fenêtres alignées les unes à
côté des autres, comme à touche-touche…
Me pencher à l’une de ces lucarnes et comme vu du ciel passer mon temps à
regarder flâner les passants… Le rêve !
Quand la nuit est tombée sur Paris… les soirs d’hiver… j’aime
le
moindre bruit qui résonne à l’infini… les pas du dernier rôdeur, du dernier
passant, du dernier rideau de fer qu’on abaisse avec vigueur comme pour
bien marquer la fin de la journée…
Alors, je retarde sans cesse le moment de vous quitter, Passages !
Hélas, ce n’est pas encore ce soir que je ferai la fermeture d’un de ces
lieux privilégiés…
Un jour, je serai clochard au passage Choiseul à déclamer à haute voix des
poèmes de José Maria de Hérédia ou de Sully
prud’homme en hommage à Alphonse Lemerre qui fut
l’éditeur des poètes parnassiens, au n° 23 du passage, n’oublions pas que
c’est chez lui que Verlaine publia ses premiers poèmes…
Et quelque soir d’hiver, j’entrerai en cachette au théâtre des
« Bouffes Parisiens » par une porte dérobée donnant dans le
passage, et, tapis dans l’ombre, j’assisterai à une pièce que j’aurai
choisie par sa qualité poétique, le renom des acteurs et, une fois le
rideau retombé, l’âme enchantée, je finirai ma nuit couché dans
l’encoignure d’une porte cochère la tête dans les étoiles et le cœur plein
de beaux sentiments et de vers mêlés. Bonheur ineffable à nul autre
pareil !
Une soirée chez
Proust
Boulevard
Haussmann, près la place Saint-Augustin,
une fois
la nuit venue, les rues désertes,
j’ai
revêtu mon beau smoking, lissé mes cheveux,
peigné
ma moustache, parfumé mon corps.
J’ai
banni de mon vocabulaire
toute
trace de vulgarité, je me veux parfait,
ne
serait-ce que le temps d’une soirée.
Je
rencontrerai l’élite, l’élite de la pensée.
Je mesurerai mes propos, mangerai peu,
boirai
encore moins pour être mille fois plus présent.
Je
noterai tout ce que j’aurai vu et entendu.
Mon
carnet noir m’attend, ouvert sur une page blanche.
J’y
consignerai chaque moment, vécu,
chaque
parole dite. En sortant, je me perdrai
au square
Louis XVI ou j’irai à la statue de Jeanne d’Arc, tourner autour, en guise
de danse Totem ou saluer le bon Déroulède et sa trompette guerrière à
soulever les cœurs et remplir les tranchées de 14-18.
Je pense
à Proust, le maître des lieux, évanescent, discret, diaphane et tellement
présent d’un mot d’esprit,
d’un
aphorisme. Je quitte les lieux ébloui d’avoir côtoyé
les
sommets de l’esprit et subitement petit dans mon smoking.
Le parc Montsouris
Rappelle-toi
Montsouris
Son
parc, c’était l’été,
Nous
marchions côte à côte
Des
enfants jouaient autour de nous
Se
chamaillaient, se pourchassaient
Et
nous marchions parmi eux
Les
yeux emplis d’un bonheur
Intérieur
que le soleil réchauffait
De
ses rayons.
C’était
au parc Montsouris, à Paris, en France
Un
jour d’été.
Toi
et moi.
Chapelle Ste Rita
À
La chapelle Sainte Rita
Boulevard
de Clichy, au n°65
J’ai
exposé ma cause
Désespérée :
devenir riche
Et
célèbre par mon talent
De
poète.
Elle
ne m’a jamais répondu
Pas
même un sourire,
Pas
même une main tendue.
Un
léger sourire m’aurait ravi l’âme.
Un
soutien, quoi.
Que
dalle !
Maintenant
quand je passe devant la chapelle,
Je
détourne les yeux et n’entre pas.
Rue de la Colombe
À
côté de ND de Paris
Il
y a une petite rue
Au
nom charmant
De
rue de la Colombe.
Dans
cette rue, au n°6
Des
pavés sont tracés
Sur
la chaussée, en biais,
D’une
largeur de
Quelques
mètres seulement
Ils
représentent le chemin
De
ronde au temps de Lutèce.
Chemin
découvert en 1898.
Un
vent de folie a soufflé subitement
Sur
cet ancien rempart du temps de
Lutèce.
Je me suis senti comme soulevé,
Plus
maître de mes mouvements,
Je
me suis vu en hallebardier
Montant
la garder et criant aux Lutéciens
«Braves
gens, dormez tranquilles, je veille
À
votre sécurité »
Un
attroupement s’est formé
Les
Parisiens m’ont regardé de travers
J’ai
tourné ça à la rigolade
On
a fini la journée au bar d’en face.
Engageons-nous maintenant dans la rue de la Colombe. Au n° 6, à
droite du café, une inscription signale qu’à cet endroit se situait autrefois
le rempart romain. Vestiges découverts en 1898. Au sol, un pavage différent
et transversal correspond à l’ancien tracé de l’enceinte gallo-romaine de
Lutèce en 285, lors de l’invasion des barbares.
– Oui, tu vois, à
l’époque, pour fuir les invasions des barbares, les habitants de la rive
gauche du fleuve durent abandonner leurs habitations et venir se réfugier
dans l’île. Cette muraille était épaisse de 2,5 mètres
environ à la base et de 2 mètres au sommet avec une hauteur de 2 mètres de
haut.
– Pas très haut, en
fait.
– T’as
raison, mais cela devait suffire, je suppose.
– De
quels matériaux était-elle constituée ?
– De
deux parements verticaux entre lesquels on avait entassé hâtivement des
pierres de toutes sortes. Tiens, regarde, j’ai apporté la reproduction d’un
plan que j’ai pris dans le « Dictionnaire Historique des rues de
Paris » de J. Hillairet, notre bible !
On y voit très clairement la situation géographique de l’île de la Cité par
rapport à l’ensemble. On est loin de l’urbanisme d’aujourd’hui, hein…
– La
peur qu’ils devaient avoir… face aux hordes barbaresques !
– Et
sans avoir le soutien du divin, car à cette époque, bien entendu, la
cathédrale n’existait pas encore !
Extrait des »
Balades parisiennes de l’Oncle Jérôme »
publiées sur le site écrits-vains.com
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