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GUEULE DE MOTS -ARCHIVES 2010
Eric Dubois - Hélène Soris |
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GUEULE DE MOTS
Cette rubrique reprend vie en 2010 pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR...Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage... libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture. etc
Ce mois-ci la parole est donnée à Laurence Bouvet.
Laurence Bouvet nous offre une poésie intelligente, recherchée et subtile. Elle est l’élément fort de cette nouvelle génération de poètes avec laquelle nous pouvons fonder de belles espérances. Ici, point de
discours à l’infinie, ni verbiage, ni démultiplication
d’une image ou d’une idée.
Chaque mot porte en lui suffisamment de force poétique pour étayer le sentiment recherché. La phrase courte se suffit à elle-même, point n’est besoin d’en rajouter pour se laisser guider dans son univers personnel. (Michel Ostertag)
LAURENCE BOUVET, UNE POÉSIE D’AUJOURD’HUI J’ai
déjà écrit ailleurs que je suis née
à Saint-Mandé dans le Val de Marne (75 à
l’époque et non 94…) mais c’est à Charenton, tout
à côté, que j’ai vécu vingt cinq ans et qui
reste pour moi ce temps précieux de l’enfance et celui de la
naissance de l’écriture.
Le bois de
Vincennes, les bords de Marne, le collège « la
Cerisaie », le quai des Carrières flanqué de
l’autoroute A4 traversant la ville comme une balafre et stigmatisant le
« bas » de Charenton, la vie en HLM, le « 2, Avenue
de la Liberté », plus que des lieux tous ces souvenirs
sont devenus au fil du temps les personnages principaux d’une histoire
que je ne souhaite pas, ou pas encore, conjuguer au passé.
En 1984, alors
que je commence mes études de psychologie à
l’Université René Descartes (Paris V), une sorte
d’urgence subjective se fait sentir qui concerne la trace
laissée, l’émotion transcrite et peut-être
même une certaine attitude contre-narrative d’où,
pensais-je, l’essentiel, toujours espéré jamais atteint,
pourrait être extrait et transmis.
La poésie s’imposait alors comme une évidence, à l’âge de dix huit ans, avec toute la force et la naïveté d’une passion débutante et le lyrisme désuet de l’adolescence romantique. Héritier
de cette époque, tout en posant les jalons du style à
venir, « Melancholia si » (Editions Hélices, 2007)
est le premier recueil qui entérine une quête et un projet
assumés pour « dire » quelque chose de
l’humanité en l’homme ; souffrance, désir, délire,
deuil, amour, spiritualité… Non sans une certaine audace, je
m’autoproclamais « poète de l’intime »… Ô
jeunesse !
La poésie était moins un projet qu’un exutoire et aucune théorie ne sous-tendait le travail d’écriture. Je lisais comme sur les bancs d’une école Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Paul Éluard, un peu, Victor Hugo, l’immense, avant de découvrir René Guy Cadou, Yves Bonnefoy, Henri Michaux et surtout René Char qui représentait et représente toujours la lucidité sans le tragique, la clairvoyance proposée au front des consciences, et dont le style épuré, la portée philosophique de sa poésie et non l’hermétisme dont on l’a parfois accusé, sont « le » modèle et le but vers lequel tendre… De cette influence est née l’idée de « Traversée Obligatoire » (Editions l’Harmattan, 2009) dont le message est que le sens n’est pas donné, qu’il est une quête, une traversée… Je tiens à ce précepte et à l’épure comme recherche même si dans un même mouvement de dépouillement j’aspire à ce que le corps du poème soit cette terre glaise à pétrir, à modeler, que l’on y puisse repérer les traces d’un certain vacillement, d’un certain effort comme des coups portés au réel par le sculpteur de l’invisible que tout poète incarne. D’aucuns disent que mon style est syncopé ce que j’approuve et revendique absolument. Antonin Artaud, Apollinaire, Mallarmé, Prévert, Jean-Pierre Rosnay qui m’accueillit généreusement en son lieu mythique « Le club des poètes », Marguerite Duras, Barbara, Camille Claudel, Nicolas de Staël, Gilles Deleuze, sont quelques unes des voix qui ont fait oeuvre d’oracle en moi, mais tant d’autres encore mériteraient d’être cités. Des rencontres aussi… Rosemay Nivard, Pierre Kobel, Emmanuel Berland, Eric Dubois, tous ces amis de Champigny, de Nogent et d’ailleurs en Seine et en scène pour une poésie vivante et éclairée. Ce que je sais
seulement, ce que l’écriture m’a enseigné, c’est qu’elle
est une recherche, un chemin et peut-être une quête
d’absolu qui s’apparente à celle de la vérité avec
une question sous-jacente et qui taraude sans cesse l’écrivante
que je suis : que peuvent atteindre les mots des raisons qui me font
être « humaine » et celles de ma présence au
monde ? Compagne exigeante alors, si ce n’est exclusive, capricieuse et
tyrannique, ne cédant rien sur le nécessaire travail, la
persévérance dans la continuité et une certaine
forme de don… de soi. On ne sait jamais quel effet aura ce qui vient de
soi ou plutôt ce qui en passe par soi, comme dirait Marguerite
Duras, mais il n’est pas permis de désespérer ni de
rompre l’élan.
*** Laurence Bouvet est née à Saint-Mandé dans le Val de Marne en 1966. Psychologue de formation et psychanalyste, elle écrit depuis l’âge de 18 ans. Après [Spiritualités] aux éditions Le Vert-Galant (en collaboration avec R.Nivard et P.Maréchaux en 2005), Elle a récemment publié [Melancholia si] aux éditions Hélices (2007). Elle a obtenu le prix « Rimbaud » de la Société des Poètes Français en 2005 et un de ses poèmes a été publié dans l’anthologie L’année poétique 2008 chez Seghers. Récemment est publié [Traversée obligatoire] chez l’Harmattan. Liens My Space Laurence Bouvet Quelques poésies sur son site |
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