|
ACCUEIL |
|
Sabine Peglion -
Marie-Claude Rousseau - Sylvie
Grégoire... et plus
|
Plusieurs clés ont guidé étape par étape ce cheminement, dont certaines arrivent au dévoilement ici même, dans ces toutes dernières stations, pour, en quelque sorte, rappeler et récapituler l’ensemble, depuis le début : l’arbre – axe du monde, l’île – centre et source de l’être, le totem – relais ancestral de transmission de signes et de mystères inscrits dans la chair et façonnant les destinées de la tribu humaine, en entremêlant des « mémoires métisses », la flamme – cœur embrasé, brûlant d’amour sans jamais se consommer, pour fondre les contraires dans une androgynie essentielle ouvrant vers l’unicité de l’être, la fleur – marguerite, lotus, azalée, fleur sans nom, solaire, à mille pétales-rayons, éclatante de beauté et de lumière accomplie, fleur qui nous regarde, qui est notre regard même fixé en elle, œil en veille et tête auréolée par l’esprit, les traces – humbles empreintes de pieds nus, pieds d’esclaves, de marcheurs, de découvreurs, de prieurs, de pauvres, de martyres, de prophètes, plantes de pieds comme projections cartographiques de l’homme entier, dans ses parties et dans son tout, apposées sur ses chemins comme autant de signatures de son passage, les ponts, les tours, les toits, les fenêtres – emblèmes des passages, des transferts, des échanges, des encrages, des enjambées interculturelles, des envolées vers le ciel à l’instar d’une poussée miraculeuse de forêts d’arbres de vie, comme aussi des pertes, des confusions et des chutes babéliennes, irrémédiables, témoignages des souffrances comme des rêves qui se tissent dans les grandes villes du monde où l’humanité s’entasse et se transgresse sans arrêt, les oiseaux, les poissons, les feuilles, les vagues, les sons, et autres formes en même temps mues par et consubstantielles du mouvement incessant de la matière, témoins et parties de la fluidité universelle qui nous berce et nous ballote à travers l’espace et le temps, musiques de fond comme de surface, danses qui composent, décomposent et recomposent les atomes de notre être sur les partitions infinies d’un ininterrompu concert de jazz, aussi improvisé que savant car faisant vibrer toutes les fibres possibles du tissu cosmique, et enfin, la parole – cette clé suprême qui, plus encore que la musique, révèle l’immense capacité de l’esprit à rassembler des morceaux éparses d’existence pour faire sens, pour vivre et faire vivre, par-delà toute déperdition, toute haine, et toute mort. C’est ce que Jeanne nous révèle dans quelques textes essentiels reproduits ici, notamment les poèmes Signe, et Contre-mots (11ème station), en nous faisant comprendre qu’avant et/ou après tout, elle est une grande poète. Et pour mieux l’appréhender, signalons aussi le lien structurel, formateur et déterminant qu’entretient l’œuvre de Jeanne avec celle de son mentor, Malcolm de Chazal, à qui elle rend hommage dans sa création – voir Malcolmsmok ci-dessous – tout en nous dévoilant, dans son commentaire percutant et visionnaire – voir la communication inédite publiée ici, dans la rubrique Une vie, un poète1 – les codes de lecture, en fait, de sa propre démarche artistique, littéraire, et spirituelle. Celle qui fait du poète, de l’artiste, un être au « psychisme prodigieux ». Dana Shishmanian |
10ème station : Enjamber les villes L’âme de la Terre s’étire enivrée de ciel
«
Au gré des tours élancées, l’âme de la Terre
s’étire enivrée de ciel. L’être entonne son
alléluia dans un concert de voix concordantes.
S’évanouissent le noir, le jaune, le rouge ; le grand et le
petit ; le riche et le pauvre. Nous ne sommes plus qu’infimes jouets
vus du haut du Sears Tower. Tous participant au jeu fluide des
échangeurs. Dans le respect de l’ordre, de l’autre. L’entente
dans la mouvance, seules règles du jeu, si tu veux perdurer dans
l’alliance. »
Extrait de Le voyageur immobile, dans Pile/Face,
Éditions du Totem, 2005, p. 11 L’appel
des tours, des ponts et des fleuves
«
San Francisco s’éveille sur son pont d’or. J’ai engrangé
dans mon île lointaine, à longueur d’enfance, la naissance
du Golden Gâte Bridge, son histoire, quand mes frères et
sœurs m’éclairaient sur cette structure métallique, autre
merveille du genre, une des gloires de la Californie; moins
élaborée, certes, que le pont de Sydney, mais non moins
fascinante. Ce pont était, pour moi, mythique. Il faisait
partie de mon arbre de vie. Nous sommes du même âge. Et
partageons la même matrice, l’océan. Comme la connivence
de ceux qui ont grandi ensemble. Ses structures et mes os ne font
qu’un. J’ignorais que nous fêterions ensemble notre anniversaire,
The Golden Gâte Bridge’s golden jubilee. Que je serais là,
à mille lieux de mon île-point, trinquant avec ce
prestigieux jumeau, participant aux côtés de son peuple,
aux lancers de ballons, partageant la liesse du ravissement, du
crépitement des feux d’artifice, nimbés de rêve
matérialisé; instant magique, épicentre de
l’insouciance, enfance retrouvée. Une nouvelle naissance, que
dis-je, renaissance, dans la même saisie du cœur. Une de ces
heures qui emmagasinent du bonheur pour nourrir l’adulte aux
éventuels jours creux. (…)
Me revient en mémoire, sur fond de soleil couchant, majestueux, le pont de Brooklyn, côté nuit. Les câbles métalliques supportant le tablier, rayonnent aux quatre points cardinaux. Comme si le monde s’y tenait retenu, en nocturne. Un spectacle où seules sont admises, dans l’ombre, les tours jumelles recueillies d’humilité. C’est l’heure de gloire du Pont de Brooklyn. D’un de ses piliers plutôt, qui se dresse en cathédrale, aux arches flamboyantes, tels les yeux de quelque déesse mythique. C’est tout New York qui défile. Le pont prolonge les liens pour tous, avec tous, par-delà l’océan, par-delà le temps. Il a suffi qu’il s’élance au-dessus du vide pour que les eaux s’ouvrent à moi; en moi. Telle la mer rouge aux Hébreux. Ainsi lancé sur le voyage intérieur, j’explore les visages rencontrés. Ils sont tous là, transhumances ensemencées peuplant les temps ancrés dans la sève ancestrale. Ils n’ont point de traits, ni de couleur. Ils sont toi, moi, lui, elle. Les voyages élargissent l’Être.» Extrait de Le voyageur
immobile, dans Pile/Face,
Éditions du Totem, 2005, p. 12 Ce fut l’horreur, la terreur…
*Faisait partie de ma collection 86-87
(exposée sous l’égide de l’Ambassade des
États-Unis) en rapport avec mon tour des USA en 1986 en tant
qu’International Visitor. Donation à la galerie pARTage. Extrait
de la lettre du Président de la galerie, Krishna Luchoomun:
“Ref: Artwork donation to pARTage – October 2008 - Being one of the
leading female contemporary artists of Mauritius, your contribution has
greatly enriched our art collection.”
« L’appel des tours, des
ponts et des fleuves m'a repris. Des architectures audacieuses aussi.
J’ai voulu revoir Brooklyn Bridge, Manhattan, New York City, son World
Trade Center... Après mon pèlerinage au Rockefeller
Center et son fascinant Prometheus, j’ai flâné au long de
la 5e Avenue. Réveillé avec le soleil, j’avais devant moi
une journée éblouissante. Et tout le temps du monde.
Bientôt ce fut l’horreur. La terreur. Nul ne pourra jamais
l’oublier. Les Tours Jumelles s’écroulaient dans un tonnerre
d’enfer. À l’instar de ce tableau que je réalisais en
1986. Prémonitoire, hélas!
C’était le 11 septembre
2001. »
Extrait de Le voyageur immobile, dans Pile/Face,
Éditions du Totem, 2005, p. 12 (d’après Voyages, Collection Maurice, 2002) Métisses mémoires «
Peut-être y a-t-il, caché entre les textes de Jeanne, un
jeu, une sorte de ‘signe de pistes’ qui vous aidera à circuler
avec elle du totem de Souillac aux ponts de Sydney et/ou de Brooklyn en
évitant de justesse la chute des tours jumelles du World Trade
Center et en flânant dans les ruelles du Vieux Carré de la
Nouvelle Orléans et celles de Port-Louis… Le tout sur fond de
jazz ‘Bluesy’ dit Jeanne. (…)
Entrez
donc. N’ayez crainte. Je vous assure que cet univers est forgé
de mots que Jeanne a empruntés à nos langues
quotidiennes, qu’il est éclairé de mille teintes de notre
île, qu’il est habité de personnages amis et
témoins que nous côtoyons régulièrement,
qu’il abrite pile/face rêves et cauchemars, réussites et
échecs, joies et peine, vie et mort,… »
Extrait de la préface de Robert FURLONG au
recueil Pile/Face,
Les Éditions du Totem, 2005, pp. 3-4 ![]() Les fruits de l’Arbre de Vie ou Métisses Mémoires, 1992. Reproduit d’après Signes-souffle ou Logo d’l’âme suivi de Je t’offre mon arbre, Espace Multipliants, 1995, p. 51. Passagères du dernier vol hâtons-nous d’arrimer le périple épiphyte Frappe de ta baguette Eben la triple Que ruissellent les eaux d‘outre-mémoire Lumière à l’agonie a gommé l’ombre de l'aiguille L’heure programme sa mémoire : URGENCE - Renflouer le radeau du ventre des flammes Voici le temps de rompre le corral Sous l’œil du pentacle rassemblons pèlerins la parole broyons brique maléfique Voici le temps - de confondre babel Voici le temps - d’affranchir la vie Les pères nous désignèrent sur tablettes de l'ankh pour transmettre le témoin sur l’inverse voyage Léguons délestées pierres-archives à multiple mémoire Extrait du poème Métisses mémoires,
dans Signes-souffle ou Logo d’l’âme
suivi de Je t’offre mon arbre, Espace Multipliants, 1995, p. 20
|
![]() |
Jeanne Gerval
ARouff naît le 4 juillet 1936 à Mahébourg
(Île Maurice), entre rivière et mer, là où
la Rivière La Chaux se donne à l'océan.
Après une petite enfance mahébourgeoise, sa famille s'installe à Vacoas. La benjamine (six frères et trois sœurs) se dépense autant dans des activités sportives – tennis, bicyclette, chorégraphie – que dans ses études, particulièrement la philosophie. La pratique des arts martiaux (karaté, judo) comme du yoga lui donne à jamais une discipline et une part de méditation et de contemplation dans sa quête spirituelle. |
Jeanne Gerval ARouff - Stations parus
Dire l'Île (1ième station) publié en novembre 2013
L'arbre-Totem Partie I et Partie II (2ième et 3ième station) publié en décembre 2013 -
L’Essentielle androgynie (4ième station) publié en janvier 2014
Initiation ou l’essentielle nudité Partie I et Partie II (5ième station) publié en février 2014
La Porteuse (6ième station) publié en mars 2014
Les Matières (7ième station) Les matières I De pierre et de bois, publié avril 2014
Les Matières (8ième station) Les matières (II). L’éphémère et l’éternel, publié mai 2014
Pourquoi chanter (9ième station) publié en juin 2014
Un psychisme prodigieux (10ième station) publié en septembre 2014
Retrouver l'île (11ième station et fin) publié en septembre 2014
Créé le 1 mars 2002
A visionner avec Internet Explorer