Billet d'humour ou ballade d'humeur
Ici dire vaut mieux

que se taire...










 
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POÉSIE PROVISOIRE 
par Philippe Vallet

 

Je parle, je marche, j’automatise, j’exécute, je le fais sans y penser, je le pense sans le faire. J’écris et j’outille l'ouverture au monde, un peu comme j’ouvre la boîte, la boîte du sens, le sens en travail, une fermentation, un décorticage, écrire fait penser la langue, discours pour soi.

Écrire est un acte de création répétition d’une réappropriation, d’une existence-naissance restituée. Écrire déconstruit et reconstruit sa réalité, une réalité, la réalité. La dynamique en effet porte en contre-coup cette réalité, apporte une acuité, aiguise les sens, les sentiments, rapproche, éloigne, fait de l'ordre, du désordre propose indispose, remet en cause, bouleverse, in-transige, retourne, détourne. Écrire c'est fonder une pensée, c'est penser, organiser, trier, mettre ensemble, découvrir des attaches, en créer. Notre regard, le sien, unique, mis en valeur devient critique par le choix et l'ouverture à la complexité : la simplicité n'existe pas. Le travail est inévitable, travail comme une levure en fermentation, décomposition même du mélange, réchauffement, transformation, augmentation (expérience, langue, mots, modes, pensées...) troque, et se modifie insensiblement ou brusquement, saut, à cloche-pied, en courant, prise-emprise, un levier pour exercer, activer nos immobilités, une envie qui se dépasse et qui se trouve/cherche un équilibre, une marche en avant sans chemin. Écrire est la juxtaposition inventive, nous composons notre langue du tous les jours, le quotidien et les besognes répétitives endorment : toute écriture réveille. À chaque fois le mot n’est que la partie immergée de ce que l'on voudrait dire, petite portion mais il faut faire le pari sur ce qui est caché et livrer au masqué l'envie, la possibilité, la tranquillité de pouvoir se dévoiler. Ce que nous écrivons n'est pas ce que nous sommes, une fraction, juste une apparence d'instant. L’écriture est une rencontre fixée de trajectoires aléatoires, le difficile est de sortir des règles imposées, la cohabitation, l’autre, les structures où nous respirons, l'imprégnation, la rumeur du temps, l’urgent, le chant du monde. Écrivons, usons de tous les subterfuges pour cela, pour se quitter, pour se perdre, pour semer, distancer et prendre la liberté et s’installer dans son quotidien une pose, l’écriture ritualisée, en appuyant cette écriture sur les résonances journalières. Ce n'est pas la somme des mots connus qui fait écrire, le déclenchement est autre, l’origine serait l’envie, l’en-vie urgente, urgence pour se dire, dire, bafouiller, faire soi les mots, décrire, s’écrire, pour se lire, se relire, se distinguer miroir fixe sans reflet, crayonné du soi en contrechamp pour acceptation, pour survivre autre, autrement. Dans le vide, les premiers mots s'organisent, les mots mêmes sont guides, après se joue la journée, le quotidien nourrit, donne mots, impression , contresens, feu et braise, essence et foyer, harmoniques du temps passé, de mémoire bilboquet où les mots sont ficelles, et travaillent le nouveau à l’identique, en une différence proche, décalage du besoin, fissure pour respirer. L'ensemble donne une traduction en forme d'échos de ce que je vis, un décalage structurant hors d’un descriptif et passant par lui, organisation neuve sans cesse semblable et différente, dissemblable et similaire, étrange. C'est un journal de bord en dérive qui vient, il existe sans visée singulière, chaque écrit fait signe, témoignage d’une possibilité, d'une existence, d'un pari, d'une alternative, d'un moment nécessaire comme boire et respirer un jour, une fois. On peut parler ou écrire sans y penser, il n'est pas question d'être doué ou pas, en tant qu'outil du langage, il demande un usage, une ouverture interrogative sans préjugé toute tentative est une construction personnelle, un rapport domestiqué aux mots, à sa langue, à l’écriture, à la vie, à son temps. Nous avons tous une voix différente, il en est de même pour l’écriture. En ce lieu, personne ne peut nous aider, nous soutenir, nous éduquer, l’écriture est une voie intime, solitaire, personnelle. Un accès au monde où nous nous accouchons de la main, du crayon, chaque jour, au mot à mot de nos lignes, au fil des pages tournées nous transformons, aux insistances nous déployons, aux nœuds nous délions. Patience du marin à partir une nouvelle fois en mer, traîner ses encres au fil d’une plume, ramasser sur un sol lisse toutes les poussières des mots. User les cals aux ravaudages des textes, du contexte faire venir l’heure puis vivre, survivre, exister, chanter, partager, aimer, mots écrits d’une énergie émue. Pour vivre simplement. Poétiquement ?


Philippe Vallet
pour Francopolis, septembre 2005









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Créé le 1 mars 2002

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