mars 2007
Aphorismes

par Aaron de Najran
-Prononcer vingt-cinq aphorismes par jour et ajouter- :
«Tout est là» (Jules Renard)
Aphorismes de GEORGES PERROS
La solitude tenue n'est ni
un exploit,
ni un retrait. C'est un plaisir, comme l'incognito. Rien ne prouve que
le
plaisir soit un phénomène heureux.
*
Il faut beaucoup parler pour cacher un mutisme authentique.
*
Admirer, c'est sentir qu'on a raison d'admirer.
*
L'honnêteté n'est pas une ligne droite. En serait-elle une
que,
pour la suivre, il serait nécessaire de jouer sans cesse du
volant.
*
Quand j'étais jeune, je me croyais immortel. J'ai changé
d'avis.
*
Nous sommes loin du XVIIIe siècle, contraire absolu, où
l'on
profitait de l'esprit pour s'aimer, et de l'amour pour faire de
l'esprit.
*
Écrire est l'acte le moins pessimiste qui soit.
*
On ne peut pas se forcer à aimer, et c'est là
précisément l'amour.
*
Tant qu'on est rien, on demande aux autres de nous trouver quelque
chose.
*
On peut avoir du génie et être un imbécile. Le
contraire est impossible.
*
Ce qui m'intéresse, c'est ce
qui m'échappe. Et ce qui m'échappe me donne la mesure de
ce que je suis.
In
Papiers collés 1, Gallimard
====
LES APHORISMES
DE BALDOMERO
FERNANDEZ MORENO
Aux lampadaires de la rue, il semble très facile de se
transformer en lunes.
*
Nous passons parfois la journée inquiets, d'une
inquiétude
qui nous brouille les idées, qui nous conduit au pessimisme. Au
moment
de nous coucher, nous réalisons que nous avions simplement une
bretelle
détendue.
*
Même quand l'enfant est endormi, la mère continue sa
chanson.
*
Chaque fois que l'écrivain se fâche avec sa femme, il se
met à ranger la bibliothèque.
*
Toute maison d'où l'on n'entend pas la rumeur de la pluie entre
dans la catégorie des palais.
*
Nous avons besoin d'un lit pour tout : pour mourir, comme pour trouver
une épithète.
*
Nous autres noctambules, lorsque nous sortons le matin, il nous semble,
le soir venu, que ce fut dans une autre vie.
*
Quand je m'apprête à lire un livre, je l'ouvre d'abord
à
la première page puis à la dernière : la porte
principale
et la porte de service.
*
À la tombée de l'automne, il faudrait dérouler un
tapis
rouge dans la ville, pour la réception des feuilles mortes.
Traduction de l’argentin par
Philippe Billé, Le papillon et la poutre
=======================================================
LES
APHORISMES DE MARCEL HAVRENNE
De la rose longuement et
amoureusement décrite, il s’exhalait une agréable odeur
d’encre fraîche.
*
Le cri aigre du paon
contrefait la roue qui grince.
*
La signature de l’auteur
au
bas du poème fait songer à une cicatrice, mais
guère
plus expressive qu’un nombril.
*
Il est plus facile
d’inclure l’univers dans un mot que dans une phrase.
*
Quant aux livres, il est
merveilleusement juste que la plupart d’entre eux s’ouvrent et se
ferment sur une page blanche.
*
L’étincelle ne
sait pas si elle vient de l’enclume ou du marteau.
*
Celui qui est entre la
vie et la mort ne peut que prononcer des paroles ambiguës.
*
Modeste comme l’œuf dur,
serviable comme le fossoyeur.
*
L’eau n’a pas de visage
parce qu’elle ne reflète que le présent.
In
Du pain noir et des roses
==========================================================