MARS 2009
Aphorismes
par Aaron de Najran
-Prononcer vingt-cinq aphorismes par jour et ajouter- :
«Tout est là»
(Jules Renard)
Aphorismes D’AUXEMÉRY
Nous vivons au milieu de vieillards
infantiles et de gamins séniles.
*
Les aphorismes du pire sont des preuves de goût.
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Nous cultivons l’irrémédiable.
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Les rues s’alignent parfois encore, et c’est folie. Le bruyant
désert des villes d’après prend des apparences de raison,
sous lesquelles on devine que des hordes de loups viennent boire
à des fontaines d’eau boueuse.
*
Des trains courent sous les nappes de béton, au pied de
librairies immenses où se consultent des livres de verre, que
les regards font se briser, puis disparaître.
*
Aveugles mendiant au coin du bois l’approbation des carnassiers.
*
Les sources seront gardées par des milices chargées
d’éliminer toute approche physique de cet élément
dans le contexte naturel où il surgit : on distribuera des
rations inidentifiables, ce sera tout. Chacun boira pour tenir ses
seuls tissus sains en l’état.
*
Toute la bestialité du monde ne demande plus désormais
qu’à se parfaire.
*
Toute honte est bien bue, déjà, et nous n’en sommes pas
ivres pour autant – pas même ivres de notre honte.
*
Nous consommerons notre mort bienheureuse sous l’œil de fonctionnaires
pas même ironiques, à peine doués de la parole, qui
manœuvreront des viseurs.
*
Insulter ceux qui insultent à la vie, est-ce possible, encore ?
*
Mais personne ne sait plus lire ce qui n’aura jamais trouvé
à être écrit.
*
Quiconque désormais ne se peint pas le visage ne saura pas se
reconnaître.
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Aphorismes DE PIERRE-ALBERT
JOURDAN
Croire aux mots comme souliers et non comme épingles de fixation.
*
Il faudrait parler au-dessus de
soi, comme on aide quelqu'un à franchir un mur.
*
Désapprendre pour s'ouvrir.
*
De la façon dont tu peux te
couler en ce monde dépend la façon dont ce monde coulera
en toi.
*
Ce ne sont pas les nuages qui sont
menaçants. C'est la fixité du regard qui les ignore.
*
La sacralité du geste :
l'anti-désordre.
*
Le vide de ton esprit porte
l'échelle.
*
Le Tao dit : "Il
préfère être éparpillé comme des
cailloux."
L'idée de mur lui est sortie de la tête.
*
Avec, pour compagne, une courbe de
colline dans la brume du soir. S'effacer devant elle. S'efforcer de
rendre cette politesse toute naturelle, sans effort.
*
Ne cherche pas, oublie tout ce fatras.
Approche-toi seulement de cette touffe de thym. Il y a tant à
oublier. La démesure de l'action, la plaie de l'action.
Réduis tes gestes. Reste là, proche de ce balancement des
herbes à hauteur de ton visage. Enfonce-toi. Accède
à ce seul rythme.
*
Tu as tout le feuillage pour
disparaître. Et quand disparaîtra le feuillage, c'est toi
qui deviendras feuillage.
*
C'est aussi une cathédrale
l'amandier en fleurs tout bourdonnant d’abeilles.
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