Billet d'humour ou ballade d'humeur
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DROLES DE MOTS, DROLES DE VIE

Vacuité, vacuité…répétait-elle pensivement

Peuh! …que du vide …répliqua la petite

Peut être…mais il suffit de le remplir

Comment ?

Avec d'autres mots…

Des mots pleins ?

Oui

Ca existe ?

Oui

Et quoi d'autre ?

Des mots ronds, ni trop gros ni trop petits

Des mots justes…surtout le dernier, l'ultime

C'est de la folie…

Non…C'est quoi la folie pour toi?

Peut être de ne pouvoir vivre qu'au présent…

Tu veux dire une sorte d'amnésie chronique ?

Quelque chose comme ça oui…mais pas seulement

Tu n'es pas sotte…que fais-tu ici ?

Et toi ?

Je cherche des mots…Un pour chaque jour.

Mais tu es presque vieille…tu crois pouvoir continuer longtemps?

Raison de plus…Jusqu'à ce que je trouve le mot de moindre résistance

Pour faire quoi ?

Tu vois cette belle et large route au loin ?

Oui

Depuis toujours elle semble ne s'ouvrir que pour moi

Et pourtant je ne l'ai jamais prise.

Tu avais peur ?

Non je manquais d'espérance

Tu es insensée

Je sais…C'est pour cela que je cherche des mots.

Je les couds entre eux pour qu'ils ne désertent pas ma mémoire.

Ils sont un peu captifs mais ne s'en plaignent pas vraiment.

C'est quoi ce livre que tu feuillettes sans arrêt ?

"L'insoutenable légèreté de l'être"

Tu l'as lu ?

Oui…mais je ne suis pas sûre d'avoir tout compris

Alors pourquoi tu t'entêtes ?

J'aime le titre…il m'apaise…je peux m'y glisser sans rien déranger

Et puis je crois que c’est une histoire définitive…

Pour qui ? Pour l’auteur ou pour toi ?

Peut être pour les deux …ce n’est pas impossible…

Parle moi encore des mots…il y en a tant …choisis toi-même

Ceux qu’il vaut mieux oublier ?

Si tu veux…

Les mots voyous qui chantent le plaisir de tuer

Les mots en cavale qui racolent la nuit dans les ruelles

Ceux qui gueulent leur silence, ceux qui détruisent

Ou ceux qui se traînent comme des chevaux blessés

Décourageant…Je préfère m’arrêter là

Tu as raison ils sont dangereusement beaux

Tu es trop influençable

Incertaine surtout …D’autres mots ?

Des mots qu’il faudrait interdire ?

Si tu veux…

Ceux qui mentent, nous tourmentent et finalement nous condamnent

Les mots sans courage des forts sur la nuque des faibles

Tous ceux qui nous trahissent de l’aube au crépuscule

Ou nous torturent durant des nuits trop lourdes

Arrête…C’est trop injuste…Il semble qu’avec toi aucun mot ne soit

innocent

Oui…On les dirait tous coupables c’est lassant quelquefois

Les hommes aussi sont coupables ?

En se masquant derrière les mots …en un sens oui

Aucun avenir alors ?

Je ne sais pas…Il suffit peut être de les choisir…

Essaye…je dois ignorer la peur coûte que coûte

C’est pour ça que tu es ici ?

Oui et non …Tu veux savoir ?

Oui

C’est parce que je vois au travers des êtres et des choses aussi facilement qu’au travers d’un rideau de mousseline

Tu comprends ?

Non…Tu veux dire que tu peux voir battre mon cœur ?

Oui …aussi simplement que de regarder tomber la neige

C’est terrifiant de découvrir dans quel désordre vivent et meurent les corps

Pas vraiment…Il parait que je suis fautive de détachement…

Mais alors pourquoi cet intérêt pour les mots ?

Si je pouvais percevoir les âmes je laisserais les mots entre eux

Seulement je ne peux pas…alors leur musique les remplace. Et puis ils m’intriguent…ils sont des mondes si vastes qu’on ne peut les éviter, et surtout je les crois indestructibles…ça me rassure

Je sais… c’est absurde mais c’est ainsi…seule la peur est mon ennemi…

Tu veux bien continuer ?

Oui pour que tu puisses fermer les yeux et rêver

Avec des mots tendres et doux qui s’inclinent mais ne tremblent pas

Des mots qui se prélassent de sensualité rieuse

Des mots qui se prolongent comme les nuits moites du plaisir partagé

Des mots qui fleurissent en toutes saisons…des mots de vie tout simplement

Il y a donc quelques innocents…Ca m’amuse et me console

Et l’amour dans tout ça ?

Je ne sais plus…trop longtemps que je contemple la laideur de mon corps nu et que je n’y vois que pauvreté absolue.

Je me sais invisible à la pâle lumière des hommes petite fille…et je prie pour que mon âme enfouie je ne sais où se détourne sans regret

Tu ne vas pas t’agenouiller…et ta route alors ?

Il faudrait que je découse tous ces mots pour n’en conserver qu’un seul…et j’ai peur que le temps et l’envie ne me manquent.

Si ton mot de moindre résistance était tout simplement « partir » ?

Que ferais-tu ?

Tu es redoutable…Reviens demain…j’aurais peut être la réponse.

Seigneur non je préfère entrer en silence et verrouiller derrière moi la lourde porte de la lucidité

Comme tu veux…Tu es si jeune…si fragile… J’ai peur de t’avoir blessée.

Non rassure toi…tu ne m’as fait aucun mal…Juste un peu vieillir

Vacuité, vacuité…tout n’est que vacuité chantonna-t-elle en s’enfuyant…

Les mots visiblement ne l’atteindraient jamais au-delà du raisonnable.

Son mal était ailleurs… Drôle de fille.

Drôles de vies.

Drôles de mots.

 

Léa
pour Francopolis Octobre 2007


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Créé le 1 mars 2002

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