Vos textes publiés ici après soumission au comité de poésie de francopolis.







 
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Disdero  Mireille
  sélection novembre 2007

elle  se présente à vous.


  Feuilles des jours,

Un cimetière


Descendant du château
vieux comme les pierres
sous la pinède il s'étire
entre ses allées de graviers blancs.

Le monde est petit
entre la tombe du vieux marquis
et la croix rouillée des exilés
du pays des rizières du Po.

Les fils et la fille, le père et la mère
la maman aimée, malade comme un chien,
tous un jour sont partis se marier avec l'univers.
Et le bois,
le bois tendre des bateaux de terre
qui les a emportés dessous.

Dans le cimetière du village
on est surpris de trouver à même le sol,
un rectangle de terre bordé de cailloux,
couvert de coquillages,
de plantes grasses et d'un air de vie
qui rode comme un coquelicot
à travers le silence.

« Chloé, Stéphane, April et Mathis
disparus le 26 décembre 2004
en Thaïlande
»

Sous cette tombe
aucun corps
juste la vie océan tsunami
qui les ramène un instant
portés par le vent

dans le petit cimetière du village.


&

Paulo
Au village perché comme un coq
il surgit toujours quand on n'y croit plus
quand on s'imagine qu'il est mort
collé à un lit d'hôpital
comme le sparadrap.

Au bar du coin Paulo s'imbibe et se noie
depuis que sa poupée d'amour
a rendu l'âme à qui de droit,
un soir ou une nuit d'automne,
qui peut savoir, personne ne veut.

Alors Paulo, du matin au soir
remplit son vide sans fond et rêve.
« Passer l'arme à gauche en sortant du PMU
serait le paradis, oui.
»

Paulo surgit toujours quand on n'y croit plus
pingouin échoué sur la terre il tangue,
hurle, éructe et avale les mots à grandes gorgées
puis il s'accroche aux murailles de pierre
et s'élance au milieu de la rue :
« A vot bon coeur chauffards ! Tas de fumiers de  la vieille guerre ! »
Mais qui lui rendra ce service...

au village, perché comme un coq, Paulo.


&


Un château

Un château en ruines à Eyguières,
l'après-midi, quand le mois de juin est fini.
On y regarde plein sud vers les cheminées de Berre,
à la plaine, à la mer, aux oiseaux.

Ici l'eau n'existe plus.
Le thym, le serpolet, la menthe sauvage,
toutes les odeurs s'accrochent à la robe
pour habiller les jambes et les respirer.

Et sans cesse la main du vent
nettoie les blocs de pierre abandonnés
puis parle à la peau de ceux qui s'attardent
ici
un moment
à l'ombre des murailles
pour lire
et lire les graffitis qui,
comme un cadran solaire,
donnent l'heure sans la dire
et apprennent le temps
sa fragile pellicule d'enduit sur la pierre,
les générations perdues,
les écritures penchées, dures et capitales,
les couleurs de charbon de bois pour tracer ce qu'on a brûlé...
ceux qu'on a aimés.

Si on lève la tête vers la voûte du temple abandonné,
des trouées de ciel ouvre l'oeil du mystère.

Alors on écoute
les insectes dans l'été
l'aigle planant en courants ascendants,
dans les couloirs du vent, une corneille et son nid fragile,
plus bas au creux des rochers.

Quittant le château
On croise les tronçonneurs d'arbres et on se souvient.
La tache blanche de leur voiture
a traversé la lumière de l'après-midi, en bas,
comme on traverserait un feu
dans un lent chemin éblouissant.

A l'affût, ils attendent le gibier d'automne,
chassant mollement les passants.

Mais toujours la lumière de l'été
perce les fenêtres obscures
des murailles incrustées de fossiles qui dessinent...

Un château fossile
regardant les gens s'éloigner
et le vent continuer à le toucher, le toucher
jusqu'à la touche finale qui viendra
quand nous serons partis,
quand le chemin sera perdu.

Un château
sous le hurlement doux des cigales, 
pour la sieste des lézards
et nos pensées écrites dans l'oeil du mystère
pour le temps, cyclone permanent qui, sans le nier, use...

un château fleur de ruines à Eguières,
dans l'après-midi... en été.

juin 2007
****


Extrait du recueil Feuilles des jours
en lecture libre sur le web

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Créé le 1 mars 2002

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