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de Gérald sélection avril 2004 habite dans le Gard . Il se présente
à vous.
Il sourit, étira ses bras comme pour soulever ses souvenirs.
Ses yeux s’envolèrent aussitôt sur les pentes abruptes de l’ubac.
Ils partaient à leurs conquêtes, infatigables et tenaces. Rochers
blanchis par la neige matinale, mélèzes argentés,
faune invisible, sommets que le soleil recouvre d’or et de lumière.
Même en rêve, il ne les abandonnera jamais. Randonneur sempiternel
sur les sentiers de sa vie, marcheur décidé à ne pas
finir, le chemin ne sera jamais assez long. Cours mon beau chemin, cours.
Et si la montagne n’est pas assez haute, l’espace et son dédale d’étoiles
s’offrent à toi. Pas de répits, marche le cœur en tête.
— Allez, Grand-pa. Dis-moi ton plus beau jour. Marie mesurait une douzaine de printemps. Douze et demie, rectifiait-elle
d’une voix presque autoritaire. Il est des demis importantes dans le cœur
des jeunes demoiselles. Et il ne fallait sous aucun prétexte, vraiment
sous aucun prétexte manquer à cette précision. Sinon,
le petit bout de femme fronçait les sourcils, serrait ses lèvres
charnues pour former un O majuscule, et tournait les talons en signe de
désapprobation. — Mon plus beau jour ? se demanda-t-il enfin. Peut-être qu’il répondrait plus facilement s’il se posait directement la question. Marie avait reçu en héritage le caractère bien affirmé de son grand-père. Aussi, sans attendre sa réponse, elle reprit la main. — Oui, quel est le plus beau jour de ta vie ? Pour ne pas laisser son grand-père se dérober à
nouveau, elle s’assit face à lui bien décidée à
soustraire de ce crâne argenté cette petite parcelle de vie
pour elle si importante. Les yeux bleus de la petite fixèrent ceux
de son grand-père, abrités derrière des carreaux légèrement
fumés. Et ce qu‘elle vit la bouleversa. — Tu n’as pas eu un seul beau jour dans ta vie ? Sans rien retenir, ses yeux bleu enfance se troublèrent de larmes abondantes et pressées. — Pas un seul beau jour dans toute ta vie ? Son grand-père, tel une falaise au bord de l’océan, s’effondrait sur la vague du temps et disparaissait dans les eaux bouillonnantes. Elle le voyait ainsi, désemparée par son silence. — Non, Marie, non ! Comment pourrais-je être aussi stupide pour ne pas aimer un seul de mes jours. Gris ou blancs, ils sont ma vie. Ils m’ont construit au long de leurs heures. Certains m’ont porté beau, d’autres au plus bas. Mais quelqu’ils soient, je n’en voudrais oublier un seul. Ils sont mon être, ils sont mon tout, et ils sont … pour toi. Sur ces mots, le vieil homme ému attira Marie contre lui
et, d’un geste doux, essuya ses larmes de petite fille. — Mais enfin, Grand-pa, quel est ton plus beau jour ? Il ria à nouveau de bon cœur devant l’entêtement de la petite. Cela lui plaisait bien. Lui aussi aimait bien avoir les vraies réponses aux questions. Il releva la manche de sa chemise, et lisant l’heure sur sa montre répondit : — Quand sonneront les douze coups de minuit, que l’année se terminera et que la nouvelle nous fêterons, je te dirai quel est le plus beau jour de ma vie. Marie se leva. Un sourire éclaira son visage d’une candeur nouvelle. Et comme à la fin d’une transaction commerciale difficile, elle tendit la main droite à son grand-père. — C’est d’accord. A minuit, au même endroit ! Lança-t-elle d’une voix claire. Son grand-père saisit la petite main décidée et répondit : — Oui, c’est cela. Ici-même, à minuit pétante. Sans rien ajouter, ils entrèrent dans la maison festive, la main dans la main, un sourire de garnement sur les joues rougies par le froid. C’était un soir de grand réveillon. Un de ceux
qui marquent d’un cœur rouge la communion de ceux qui s’aiment. La famille
attablée pensait bonheur, exprimait joie et couleur sur les visages
regroupés. Trêve du temps, fin d’année, entre deux. Coule
le vin, coule le vent sur nos mines réjouies. Que la nuit soit longue
pour repousser les échéances. C’était un soir d’hiver,
mais qu’il était chaud. — Assis-toi, intima Marie à son grand-père. Amusé, il obéit et devant une lune bienveillante, sur le vieux banc de pierres s’installa. Elle fit de même, se calant au plus près de son grand-père. Les mains, par nouvelle habitude, se joignirent. — Le plus beau jour… Le plus beau jour de ta vie. Raconte-moi. Il sourit, serra les mains fines déjà si féminines, et s’esclaffa : — Aujourd’hui ! Marie se pencha sur son grand-père et l’embrassa. Le vieil homme lui rendit son baiser et presque solennellement, lui confia : — Marie, je te souhaite le plus beau jour. *
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Créé le 1 mars 2002
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