Vos textes publiés ici après soumission au comité de poésie de francopolis.







 
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Louis Raoul    sélection janvier 2005

nous vient de Paris,  il se présente à vous.

une suite de 3 textes...

  À la frontière espagnole

J’ai toujours aimé les promenades en forêt. Le calme, la nature et ce petit mystère tout droit sorti des contes. Oh oui j’aimais tout en bloc, avant ça  ! ...

--Allô ! Thierry, oui c’est moi, écoute, tu vas pas le croire, je suis dans la forêt, j’étais en train de m’y balader et… Et je suis tombé sur un type assis contre un arbuste, un garrot à la gorge ! Allô ! Tu m’entends ? Oui ! Non je ne déconne pas. D’accord, dépêche-toi : Voilà la Garda Civile, non là je déconne.
--Alors qu’est-ce qu’il dit le mort ?
--Rien il est noué par l’émotion.
--T’es con, Elie, je voulais dire : Tu l’as fouillé ?
--Non.
--Bon alors, j’y vais…Et bien tout ça confirme ma première impression : Identité, lieu, position du corps. Ce type est bien mort depuis trente ans, affaire non classée à l’époque. Un immigré espagnol fuyant Franco, comme tant d’autres.
--Attends, tu me dis que ce Monsieur est mort depuis trente ans, et on le retrouve comme ça, et au même endroit ! Et pourquoi serait-il revenu ? Ce n’est même pas un fantôme…
--Pour qu’on reprenne l’enquête à zéro et classer enfin l’affaire.
--Mais c’est dingue, tu crois à ça toi ?
--Ecoute, je suis un vieux flic, j’aime mon boulot, alors histoire de dingue ou pas, j’ai un cadavre et une question : Qui ? Le reste c’est de la littérature.

Alors nous sommes allés aux archives, avons étudié des pages et des pages de dossiers. Le corps a été étudié, on a comparé les analyses avec ce qu’il restait dans la tombe. C’était bien l’homme au garrot : Émigré espagnol, toujours habité le même village, pas d’histoires ou presque. Que faire avec ça ?

Un matin Thierry entra dans mon bureau avec un grand sourire.

--Y’a un truc nouveau dans l’affaire, notre cadavre travaillait à l’époque comme homme de ménage pour les notables du village. Je veux dire les pharmaciens : Les époux Delentes. D’après les témoignages, lui était un sinistre facho qui régnait sur tout. Quant à elle, plutôt la fille qui avait dû être achetée au marché des soumises.
-- Mais bon, je pense que nos collègues de l’époque ont dû fouiller là-dedans.
--C’est vrai, mais là où ils n’ont pas creusé, c’est qu’il est mentionné que Mme Delentes était enceinte. Qu’elle était allée seule à l’hôpital pour accoucher. Une semaine plus tard, elle repartait avec son enfant, mais arrivait chez elle les bras vides…

 La ferme des loges

Ce jour-là, j’aurais peut-être dû renoncer à cette promenade. Depuis, j’ai compris que j’allais en forêt pour une rencontre. Je m’attendais à chaque détour de sentier à « voir surgir », simplement cela. Je me souviens qu’en hiver je ne portais jamais d’écharpe, je ne supportais même pas celle du vent. Ma mère ne m’a jamais vraiment parlé de la mort de papa. Elle disait que sans doute un arbre de la forêt en gardait le secret. C’est par un jour de pluie que je lui rendis visite. La Ferme des Loges, c’est là que j’ai grandi. Je lui racontai l’histoire incroyable sur laquelle je travaillais. Pas si incroyable que ça, me dit-elle, ce qu’il faut, c’est passer l’étonnement, après, c’est tout naturel. Je souris, puis, toujours sceptique, j’insistai sur l’épisode  du bébé qui disparaît entre l’hôpital et le domicile de la mère. Et cela sans que personne ne s’en inquiète. Alors elle eut ce regard, celui qu’elle avait quand mes cris venaient la chercher la nuit, pour dénouer le drap qui m’étranglait : Elle a peut-être fait un détour, me dit-elle. Là je crus qu’elle plaisantait.
Mais pour aller où ? Elle prit un temps de réflexion et dit doucement : Mais ici…

 Monologue de la forêt

Il pleuvait sans doute très fort ce jour-là. Une femme allait abandonner son bébé chez une autre qui n’en avait jamais eu. Et sous la même pluie, son amant, assis contre un de mes jeunes arbres, le bâton bloqué dans sa fourche, attendait la mouvance du serpent autour de sa gorge. Méthode d’un suicide, délégation de la vengeance à l’évidence ; le pharmacien  fasciste trompé par un communiste espagnol…
Mais l’effet escompté ne s’est pas produit,  le pouvoir du notable a stoppé net l’ébauche même d’une innocence. Alors le communiste est revenu après un si long temps, pour réitérer, mais c’est la rencontre qui a eu lieu : Cela a surgi enfin, révélant le sang familier, le ventre dont je n’ai jamais été l’hôte.
Mais qu’importe tout cela, je vous aime, je suis né contre vos seins un jour de pluie…
J’écris ceci adossé contre un arbre…  

 ***

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Créé le 1 mars 2002

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