Le Salon de lecture Découverte d'auteurs au hasard
de nos rencontres |
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SALON DE LECTURE Novembre-Décembre 2021 Invité : Bernard Fournier (I) Poèmes extraits de Hémon, suivi d’Antigone, Silences, Loin la langue(éditions
La Feuille de thé, 2019) (*) |
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Collage de Ghislaine Lejard Antigone
se lève, Une
fleur, une flamme De sang
et de paroles Elle se
voit lavée de toute avanie Elle se
relève de son enfance qu’elle anoblit ; Elle se
dévoile La voici
nue, Nue
devant le glaive Qui la
viole, la vide, la force et la tue Dans le
noir et le froid de la grotte La voici
nue, Recroquevillée
dans le fond de la terre, Aveugle
comme Œdipe ; Hémon *** Il ne
sait pas, il ne sait plus contre qui s’adresse cette colère Contre
les dieux, bien sûr, Contre
son père et les dieux Contre
le père d’Antigone, contre tous les pères, contre tous les dieux Contre
le pouvoir des pères Contre
le pouvoir Il crie
contre Créon qui crève de politique Il écume
de rage même aussi contre Antigone, contre son acquiescement aux dieux ! La
colère d’Hémon touche le ciel, atteint les cieux, Son bras
levé́ lacère les nuages Au seul
son de sa voix des masses noires se rassemblent et s’affrontent Des
oiseaux l’accompagnent qui crient eux aussi dans les airs Les
montagnes se combattent, tous les bois fomentent des gouffres et les roches éclatent de
leurs sources graves Il est
seul sur la montagne, sur le promontoire au-devant des villes fumantes Il jette
sa colère au vent, au ciel, et surtout aux dieux ; Hémon *** Antigone
souffle le bleu, affole les cieux, attise le feu Brûle de
sa flamme intérieure, brûle tout sur son passage Antigone
se brûle aussi Antigone
n’était pas une femme Ne
voulait pas être une femme, mais un homme fort et puant le vin Antigone
n’aimait pas les femmes, trop faibles et qui se résignent trop Ne
voulait pas être une femme s’accrochant au sexe de l’homme N’aimait
pas les hommes qui se sentent trop forts et qui blessent sans savoir Antigone,
c’était l’âme grise des matins aphones à force d’avoir pleuré́ sur
les hommes ; Antigone,
c’était les soirs douloureux d’avoir été́
meurtris par les jours à naître Antigone, c’était les
heures à lutter contre les moulins ; Hémon *** Langue,
ma langue hors de moi, ma langue interdite ma langue moins qu’un étendard,
plus qu’un oubli Langue
comme une pierre levée Langue
frontière de temps et d’espace, langue fière qui rabaisse le puîné́,
l’écarte et le salue Langue
couleur d’Olt, de transparence et d’air Elle se
défend, elle se reprend, elle
s’entend sous les galets des gabares Langue
muette, Langue
sourde comme les lampes de plein jour Langue
soumise et réveillée, Langue
sèche et longue s’armant aux
bras des clochers à peignes Langue
jouant à qui gagne perd au seuil des drapeaux Loin la
langue *** J’interroge le silence celui qui
vient après le premier mot qui
interrompt la phrase à peine commencée qui glace
l’air dans la touffeur des cendres qui suspend
la main sur la lame J’interroge ce silence du bras qui ponctue
le manque, le vide, la vacance ce silence que fait trembler
la lèvre qui
persiste dans l’affolement du cœur qui
persiste et se tait, s’éteint se teint dans la transparence
de la lumière J’interroge les yeux qui parlent ces yeux
qui interrogent et qui pourtant savent qui
pourtant ne cessent de parler, d’interroger ces yeux de
silence qui pleurent au moment de parler dont la lumière
peu à peu s’éteint à l’orée de la parole J’interroge cette lumière tranchante qui lacère
l’ombre d’un geste
si ferme, péremptoire irréfutable,
irréfragable inapaisable,
inépuisable d’éclat
terrible et muet imposant son
silence à la table à la cruche, au vin qui
s’endort dans sa soif Le vent même ne trouve plus à qui
parler il s’est arrêté au seuil de
l’éclair quand les
arbres s’agitent à ne pouvoir rien dire que
babioles, balbutiements, borborygmes, bavardages Silences Bernard Fournier Hémon, suivi d’Antigone, Silences, Loin la
langue
(éditions
La Feuille de thé, 2019) |
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A Paris, il intègre la rédaction d’Aujourd’hui
poème, celle de Poésie/ première, anime le café poétique « Le
Mercredi du poète », s’intéresse à l’histoire littéraire du vingtième
siècle en même temps qu’il écrit sur nombre de poètes contemporains. Il est Président de l’Association
des Amis de Jacques Audiberti, Secrétaire Général de l’Académie Mallarmé, membre
du Cercle Aliénor, des amis de Daniel Boulanger et de la Société des Lecteurs
de Jean Paulhan. Un dossier lui sera consacré dans
la revue Poésie-sur-Seine, décembre 2021-janvier 2022. Poèmes Marches, La Librairie Galerie Racine en 2005 Marches II, postface de Pierre Oster, Le
Manuscrit, 2008 Promesses, Encres vives, collection Encres
Blanches, 2010 Maison des ombres, préface de Marie-Louise Audiberti, L’Harmattan,
2011 Marches III, Aspect, Nancy, 2011 Une pierre, en chemin, Tensing, 2013 Lire les rivières, Aspect, 2017 Hémon, suivi d’Antigone, Silences, Loin la langue, La
Feuille de thé, 2019 Vigiles des villages, 2020, Prix Troubadours/ Trobadors
de la revue Friches Livres d’artiste Je dis clématite, avec Jean-Marc Brunet, Le Livre
pauvre, 2012 N’empêche pas, avec Augusta de Schucani, 2014 Hémon, avec des gravures de Valérie Honnart, La Feuille de thé, 2018 S’il arrive qu’un étranger, avec Luc Démessy, Lieux-dits, 2018 Je te raconterai la pluie, avec Maria Desmée, 2019 Enfant-soleil, avec Maria Desmée, 2019 Pierres, avec Hélène Baumel, 2020 Critique littéraire Le Cri du chat huant, le lyrisme
chez Guillevic, L’Harmattan, 2002 L’Imaginaire dans la poésie de Marc
Alyn, L’Harmattan,
2004 Histoire de l’Académie Mallarmé, Le Petit Pavé, 2017 Métamorphoses d’Audiberti, Le Petit Pavé, 2020 L’Académie Mallarmé et le Bel aujourd’hui, anthologie, in Lèvres urbaines,
Québec, 2018 Roman Privé du sonnet (Clément Privé, auteur d’un sonnet apocryphe de Mallarmé),
Les Amis du Vieux Villeneuve-sur-Yonne, 2017 Edition Audiberti, Le Globe dans la main,
Le Bateau ivre, 2014 A paraître Correspondance Romain Rolland/
Édouard Dujardin dans Brèves, revue de l’Association des Amis de
Romain Rolland. « Audiberti et le
cinéma » dans la revue Positif. Audiberti et le cinéma dans la collection Les Poètes et le cinéma, Nouvelles
éditions Jean-Michel Place. Il travaille actuellement les
œuvres de Nohad Salameh, Daniel
Boulanger et Maurice Chapelan. |
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(*) Une très
belle et pertinente chronique à ce recueil par Michel Diaz sur son
blog. Nous remercions l’auteur pour les extraits donnés ici en
partage, ils nous ravissent par l’acuité d’une vision empreinte autant de
passion que d’originalité, qui revisite les classiques (Hémon, Antigone)
avec une perception moderne, sans déformer les personnages, au contraire, en
les percevant dans une intimité convaincante et crédible, tout en donnant
voix à un poète-narrateur implicite qui parle pour eux : une voix qui croît
d’un terreau personnel (Loin la langue) et de silences fertiles... (Silences). (D.S.) |
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Bernard Fournier (I) Voir suite : Bernard Fournier (II)
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Créé
le 1 mars 2002