Le Salon de lecture Découverte d'auteurs au hasard
de nos rencontres |
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SALON DE LECTURE Novembre-Décembre 2021 Invité : Bernard Fournier (II) Poèmes extraits du recueil inédit Dit de la pierre(à
paraître) (*) |
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Collage de Ghislaine Lejard quel homme, le premier, a touché cette
pierre a tremblé devant elle a frémi en la touchant que le ciel ne se fracasse qu’un monstre ne surgisse qu’une voix ne l’arrête *** il l’a débarrassée des cailloux, du lierre
et des racines dégagée de la terre comme l’on fait d’un vestige d’une jarre, d’une jambe, d’un bijou, avec patience, avec douceur, avec amour il l’a caressée du creux d’une main, puis
de l’autre, puis des deux mains ensemble comme on flatte une écorce, une encolure une source comme Ali la lampe merveilleuse comme l’amant le corps de la femme il en a apprécié la fermeté le grain sec et nombreux la forme longue et nourrie la douceur, le velouté et la force *** lever cette pierre lui rendre sa verticale lever cette pierre comme l’on fait d’une femme souffrante d’un enfant qui geint d’un homme trop faible doucement avec attention, avec précaution la sortir du chaos des roches et des astres *** quatre mille ans quatre mille ans d’attente de fièvre et d’impatience quatre mille ans d’histoires quatre mille ans de craintes et de joies quatre mille ans de pierre quatre mille ans de fer et voici l’âge d’homme *** une femme est venue une femme avec son enfant elle a passé sa main sur la pierre pour que son enfant vive l’enfant a vagi la pierre aussi *** dans le Rougier, les pierres semblent des Aubrac lourdes et lentes rouges et brunes sombres et claires qui viennent de l’histoire de la terre immobiles à l’horizon pierres venues des temps très anciens de tout temps présentes vaches, pierres couchées dormant d’un œil gentils monstres des causses *** il faut que la pierre soit marquée comme les bêtes à l’oreille, au collier, sur le flanc il faut que la pierre soit marquée pour indiquer le nord, le but l’horizon, la fin du rêve ou le début des
pleurs l’ordre des jours pour qu’à son tour elle prenne forme qu’une âme s’éveille qu’une femme s’élève qu’une mère se lève pour qu’à son tour elle parle qu’elle parle un jour dans l’espace qui
s’agrandit par trop qu’elle parle, qu’elle crie, qu’elle pleure qu’elle témoigne il faut que la pierre soit marquée pour signifier son appartenance à ces hommes à ce pays à ce paysage *** une femme se réveille se révèle dans la pierre j’imagine son sourire sa stupeur devant le monde devant moi qui la regarde, plus étonné qu’elle d’où vient-elle, que veut-elle, qui
est-elle ? est-ce une sorcière ? avec son lot de
légendes et de maléfices ? est-ce une fée ? avec ses étoiles et
sa lumière ? est-ce une mère qui viendrait demander des
comptes ? *** en elle parle une déesse soufflent les dieux chantent les légendes en elle parlent les soleils, les montagnes,
les histoires les arbres, les enfants, les animaux la terre et tous ses tremblements mère, menhir, mémoire *** une pierre deux, trois pierres dix maintenant se lèvent sur la crête des
monts cent figures me regardent et m’attendent mille femmes, mille veuves, mille mères toutes les en-allées tous les souvenirs, toutes les traces mères, menhirs, mémoires *** femme forte des plateaux et des Causses femme fragile des rivières et des orages femme fées des songes et des légendes mère matrone silencieuse sur ses hanches mère aimante à l’œil doux sur son fils mère bavarde à la voix aigre *** mais non, ce sont des pierres solides et
franches bonnes comme le bon pain qui ouvre la
journée ce sont de braves bêtes de somme au souffle fort, lent et sûr ce sont des compagnes, des amies nos âmes enfouies nos sœurs, nos filles, nos épouses, nos
mères, nos pères qui ne meurent qui demeurent pour nous indiquer le chemin pour nous rappeler à l’ordre pour nous sauver de l’ornière *** pierres de Rouergue, salut ! qui que vous soyez, salut ! salut déesses mères ! *** la pierre s’est faite fée la pierre s’est faite femme mère aux hanches larges mémoire pierre tu es l’aïeule que je n’ai pas connue tes traits sont les miens tu portes ma mémoire tu es ma mémoire seule mon sang est rouge comme ta robe © Bernard Fournier Statue-menhir dite la « Dame de Saint-Sernin » (autour du 3ème
millénaire avant notre ère), @Musée Fenaille-
Rodez, coll. SLSAA / P. Soissons (photo reproduite du site du Musée). |
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A Paris, il intègre la rédaction d’Aujourd’hui
poème, celle de Poésie/ première, anime le café poétique « Le
Mercredi du poète », s’intéresse à l’histoire littéraire du vingtième
siècle en même temps qu’il écrit sur nombre de poètes contemporains. Il est Président de l’Association
des Amis de Jacques Audiberti, Secrétaire Général de l’Académie Mallarmé,
membre du Cercle Aliénor, des amis de Daniel Boulanger et de la Société des
Lecteurs de Jean Paulhan. Un dossier lui sera consacré dans
la revue Poésie-sur-Seine, décembre 2021-janvier 2022. Poèmes Marches, La Librairie Galerie Racine en 2005 Marches II, postface de Pierre Oster, Le
Manuscrit, 2008 Promesses, Encres vives, collection Encres
Blanches, 2010 Maison des ombres, préface de Marie-Louise Audiberti, L’Harmattan,
2011 Marches III, Aspect, Nancy, 2011 Une pierre, en chemin, Tensing, 2013 Lire les rivières, Aspect, 2017 Hémon, suivi d’Antigone, Silences, Loin la langue, La
Feuille de thé, 2019 Vigiles des villages, 2020, Prix Troubadours/ Trobadors
de la revue Friches Livres d’artiste Je dis clématite, avec Jean-Marc Brunet, Le Livre
pauvre, 2012 N’empêche pas, avec Augusta de Schucani, 2014 Hémon, avec des gravures de Valérie Honnart, La Feuille de thé, 2018 S’il arrive qu’un étranger, avec Luc Démessy, Lieux-dits, 2018 Je te raconterai la pluie, avec Maria Desmée, 2019 Enfant-soleil, avec Maria Desmée, 2019 Pierres, avec Hélène Baumel, 2020 Critique littéraire Le Cri du chat huant, le lyrisme
chez Guillevic, L’Harmattan, 2002 L’Imaginaire dans la poésie de Marc
Alyn, L’Harmattan,
2004 Histoire de l’Académie Mallarmé, Le Petit Pavé, 2017 Métamorphoses d’Audiberti, Le Petit Pavé, 2020 L’Académie Mallarmé et le Bel aujourd’hui, anthologie, in Lèvres urbaines,
Québec, 2018 Roman Privé du sonnet (Clément Privé, auteur d’un sonnet apocryphe de Mallarmé),
Les Amis du Vieux Villeneuve-sur-Yonne, 2017 Edition Audiberti, Le Globe dans la main,
Le Bateau ivre, 2014 À paraître Correspondance Romain Rolland/
Édouard Dujardin dans Brèves, revue de l’Association des Amis de
Romain Rolland. « Audiberti et le
cinéma » dans la revue Positif. Audiberti et le cinéma dans la collection Les Poètes et le cinéma, Nouvelles
éditions Jean-Michel Place. Il travaille actuellement les
œuvres de Nohad Salameh, Daniel
Boulanger et Maurice Chapelan. |
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(*) Nous rappelons à nos lecteurs la belle chronique
de Dominique Zinenberg au recueil Vigiles de Villages de Bernard Fournier (prix Troubadour
2020), au numéro de mars-avril de Francopolis, en parallèle
avec l’hommage à Jean-Pierre Thuillat, auquel
Bernard Fournier a contribué. (D.S.) |
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Bernard Fournier (II) Voir avant : Bernard Fournier (I)
Francopolis novembre-décembre 2021 |
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Créé
le 1 mars 2002