Guenane Cade,
sélection
mars 2016
elle se présente
à vous.
Cinq textes ont été retenus
1.
(le jour)
Le jour peine
à desserrer les paupières
les goélands
gouaillent
le vent ouvre la gueule des vagues
les drisses crissent
le sablier de la dune s'affole
aux aguets sur la page
les mots seront drossés
l'idée de soi faiblit.
Utopie toupie
tuiles utiles
monde démon
les mots sont-ils
responsables de ce qu'ils nous cachent ?
Aube c'est beau
bien que
l'insidieuse
nous oblige à ouvrir les yeux.
D'abord déconcerter les mots
après il est plus facile
d'habiller sa vie en beau temps.
**
2. (les
mots)
Les mots ont leurs
ghettos
certains rampent sur des sentes
leurs anges ont des moignons d'ailes
sur d'autres Lucifer veille.
À la moindre lueur
les mots désolés meurent
les mots amis colorient nos histoires
certains devraient
être chassés au fusil d'assaut
devenir imprononçables
finir en fumée noire.
Les mots s'estompent
parfois s'exondent
dans l'œil d'un poète
de quelle humeur sera le premier mot
après la fin du monde ?
***
3. (bondir,
valser)
Bondir
valser
avec les mots pirouetter
mais sommes-nous toujours
maîtres de notre
ballet
de notre vertige?
Si poésie c'est
liberté
rien ne doit l'asservir
tout peut la nourrir
elle fuit l'uniforme
la peau des mots crus
il faut y croire et la
manger
emparons-nous d'eux sans
savoir
qui nous pousse de
l'intérieur.
Même en laissant
les sanglots à la porte
la poésie se
faufilera
cognera à l'aorte
et t'atteindra l'os.
****
4. (armoire)
Ton
armoire aux erreurs déborde
la sagesse n'est toujours pas sur son trône
ton placard aux fantômes est vide
et pourtant à bas bruit
toujours tu sursautes.
Tous les chemins creux ont disparu
le tien aussi
et pourtant tu t'enfonces encore.
L'océan énervé
nous laisse nus en plein vent
cormorans crucifiés
mais c'est lui qui finit par se retirer
laissant sur l'estran
nos silhouettes en marche.
*****
5. (tourner autour de soi)
Tourner autour
de soi
attraper un torticolis
chronique
badauder au-dedans.
Arrête de lire en
toi
de boire les paroles
sirote les mots
laisse couler le silence
notre bande originale
invente la teinte du
petit matin
garde en toi le meilleur de
toi
le reste
tu recycles ou tu jettes.
Mais personne n'aime les
leçons.
La mémoire c'est
long à lire
surtout dans les fissures
les fêlures
tu piétines
mais ce que tu caches
t'éclaire
et la terre marche avec
toi
la poésie aussi
même en lune noire
dans l'immobile
quand l'océan
colle au ciel.
Au final c'est toujours
toi l'énigme.
** textes commentés
par le Comité de lecture
auteur suivant : Laureen
Gressé-Denois
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